
A la clinique Léonard de Vinci à Tours, le service maternité accueille environ 2000 femmes chaque année. Céline Aguillon, sage-femme en salle d’accouchement y travaille depuis 30 ans. Pour des raisons de santé, elle a décidé d’arrêter les gardes de nuit.
« C’est un métier épuisant » sont les mots de Céline, mère de deux filles. Sage-femme est une profession au rythme soutenu, avec des gardes de 12 heures jour et nuit ainsi que les week-ends. Avoir pris la décision de travailler exclusivement le jour est un choix de raison pour cette sage-femme.

Munie de ses outils médicaux, elle explique avoir vu un réel changement depuis qu’elle a arrêté les gardes de nuit : « Je suis moins fatiguée, j’ai une meilleure tension et surtout moins de traitements. » Malgré tout, Céline exprime regretter l’ambiance familiale des gardes de nuit.
Toutefois la cadence reste toujours aussi intense. L’emploi du temps de Céline est variable. En général, elle effectue quatre gardes de 12 heures soit 48 heures de travail en une semaine. parfois, elle peut réaliser des semaines de 36 ou 24 heures.
Avant l’arrivée d’une patiente en salle d’accouchement, Céline exprime le double impact que sa profession a créé sur sa vie familiale : « Vous travaillez quand les gens se reposent, mais à côté mes enfants n’ont jamais été à la garderie et jamais connue la nourrice. » En effet, Céline s’est toujours débrouillée pour garder ses enfants et être un maximum présente. Travailler de nuit à temps plein a eu un impact positif sur sa vie familiale. Néanmoins, cela a davantage dégradé son état de santé, notamment son sommeil. Le regard des autres était dur pour Céline. De nombreuses personnes ne considèrent pas les travailleurs de nuit comme étant actifs : « Les gens pensent que l’on ne travaille pas parce qu’ils nous voient le matin et le soir à l’école » s’indigne la sage-femme.
Attirée par le milieu de la santé, Céline a découvert le métier de sage-femme grâce à une camarade de classe au lycée. Avec l’évolution de la profession, aujourd’hui, Céline n’est plus autant épanouie qu’au début de sa carrière.
« Nous sommes indispensables dans la vie des femmes »

« Ce n’est pas un métier que je conseillerais à mes enfants » affirme Céline lors d’une pause-café. La principale difficulté que rencontrent les professionnels de santé est le surmenage. Les sages-femmes s’occupent de plusieurs patientes simultanément. En effet, cette profession est polyvalente. Il ne faut pas négliger les tâches qu’elles exercent en parallèle. Elles doivent suivre et faire des examens aux patientes, remplir les carnets de naissance des bébés, réaliser des péridurales, faire les plannings, répondre aux questions et donner tous les conseils nécessaires aux mères. Le temps des sages-femmes n’est pas compté : « Aujourd’hui on passe des heures considérables à remplir les dossiers, principalement depuis que cela s’est informatisé » affirme Céline d’une voix agacée.
Après l’installation d’une perfusion, Céline discute avec sa collègue puéricultrice, Elodie Bastien, : « Bien sûr que nous sommes pas assez considérées. » En effet, d’après elle, cette profession est fréquemment rattachée au statut féminin. Les compétences nécessaires pour leur métier sont dites « naturelles » et faciles.
Le métier de sage-femme manque de reconnaissance compte tenu de la charge physique et mentale que demande la profession. Pour Céline la hiérarchie ne joue pas son rôle : « En 28 ans de carrière, je n’ai eu qu’un seul entretien annuel alors qu’il y a eu sept burn-outs dans le service. » Malgré plusieurs appels a l’ARS (l’Agence régionale de santé) ainsi qu’à leur médecin du travail, rien n’est mis en place. La qualité de travail laisse à désirer. Interpellée en urgence par une patiente atteinte d’une colique néphrétique, pas le temps pour Céline de manger ni même d’aller aux toilettes.
Une fois le calme revenu dans le service, Céline est appelée pour une consultation. Selon elle, les patients aussi peuvent manquer de reconnaissance : « On est face à une population qui n’a plus confiance », s’indigne Céline en sortant de la salle. En effet, depuis l’arrivée d’internet et des réseaux sociaux, les patients pensent détenir le savoir et n’écoutent plus obligatoirement les professionnels. Cependant, pour cette sage-femme accompagnée d’une étudiante en stage, ce métier est nécessaire au risque de mettre la vie des futures mamans en danger : « Les femmes ont toujours accouché, nous sommes indispensables dans leur vie, malgré le fait qu’elles n’aient pas d’enfant, un suivi gynécologique est toujours primordial. »
« Dans CInq ans, je ne suis pas sûre d’encore exercer mon métier de sage-Femme »
En effet, avec le développement de la profession, une majorité de jeunes diplômées s’installent en libérale pour faire de la gynécologie. Par conséquent, un manque de personnel se crée à l’hôpital, accompagné de grandes difficultés de recrutement. De ce fait, les sages-femmes présentes sont contraintes d’effectuer de nombreuses heures supplémentaires.
Ce métier, étant l’un des plus vieux du monde, n’est pas toujours simple. Le contact intime avec les patients peut être compliqué. Dans l’idéal, tout le monde aimerait accoucher de façon naturelle et avec le moins de douleur possible. Malheureusement cela n’est pas toujours envisageable. C’est la raison pour laquelle, les professionnels accompagnent et essayent de convaincre les patients de s’adapter à la situation. En effet, Céline regrette les 20 premières années de sa carrière : « Au début j’accompagnais les patientes à mettre au monde leur enfant, aujourd’hui, toute mon énergie passe à parlementer, à la longue c’est fatigant de se justifier. » Cette sage-femme déplore le manque de reconnaissance que subit la profession de par la hiérarchie et la société. Fatiguée, Céline regrette également la qualité de travail qui la fatigue au quotidien : « Dans cinq ans, je ne suis pas sûre d’encore exercer mon métier de sage-femme » avoue Céline en pleine préparation d’une péridurale.
AGATHE MAILLOT