
Et s’il était possible de se promener au calme dans une rue verdoyante du 11ème
arrondissement de Paris ? À deux pas de Bastille, la Cour Damoye offre à ses
visiteurs un peu de répit dans un style rétro qui trahit son histoire passée.
“Ce n’est pas Paris, ce n’est pas Bastille, c’est un petit coin de paradis”. Depuis 25 ans,
Hervé Millot est le propriétaire de la Galerie d’art Grand Monde de la Cour Damoye. Dans
cette allée longue d’une centaine de mètres, il a vu de jeunes mariés se faire prendre en
photo, des enterrements de vie de jeunes filles ou encore assisté à des tournages de films.
“C’est un passage pittoresque qui attire les passants”. Encore faut-il repérer la ruelle ! Entre
la rue Daval et la place de la Bastille, il est difficile de s’imaginer qu’un tel passage réserve
une surprise calme et ensoleillée à qui osera franchir la grille. Une fois dans l’allée, plusieurs
commerçants et artisans offrent leurs services : des galeries d’art, une publicitaire, un studio
photo ou encore un atelier de torréfaction. Si aujourd’hui le passage offre du repos aux
passants, autrefois y régnait l’ambiance d’un vrai petit village.
Aux origines de la Cour Damoye
“J’étais le premier à m’installer ici après la fin des travaux en 1998” révèle Hervé. Aménagé
par le quincailler Antoine Pierre Damoye en 1780, la Cour accueillait autrefois beaucoup de
bars et d’ateliers d’artisans. Les murs de l’atelier d’Hervé témoignent de cette histoire
passée. Au fond de sa petite salle d’exposition, une porte, maintenant condamnée, était
autrefois l’entrée d’un passage caché : “À l’époque, ici, c’était un bar. Il y en avait tout le long
de la rue. Derrière cette porte se cachait un passage qui reliait le bar à une fonderie. Ainsi,
les dessus des comptoirs de bars, généralement fait de zinc ou d’étain étaient directement
amenés via ce passage” décrit Hervé. Les artistes et artisans se partageaient les locaux
d’un côté de la rue tandis que les bars attiraient les passants de l’autre côté. À la mort de
l’unique propriétaire des bâtiments de la Cour Damoye dans les années 1990, l’endroit est
racheté par des promoteurs qui menacent de raser le passage. Cet espace est finalement
totalement rénové et de nouveaux commerçants comme Hervé s’y installent dès 1998. Mais
dans le passage, une boutique n’a jamais changé de fonction depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale : l’atelier de torréfaction. Autrefois appelé “Brûlerie de cafés”, les murs de
cet atelier ont la même odeur depuis 1946. Cependant, le café de tradition a depuis laissé
place à un café plus durable. “Mon patron a racheté l’atelier de torréfaction il y a cinq ans. Ici
nous produisons désormais du café dit “de spécialité”. Notre café respecte l’environnement
et les droits humains” explique Julien, vendeur à l’atelier. Derrière le comptoir, une vieille
photo en noir et blanc rappelle aux clients que la boutique participe à la vie de la Cour
Damoye depuis bien longtemps.
Une enclave toujours aussi actuelle
Bien que la Cour Damoye ait connu une seconde jeunesse, elle n’a jamais perdu de son
charme. Si les passants s’y attardent aujourd’hui, c’est pour ce côté rétro qu’elle dégage.
“Les habitants des immeubles aimeraient parfois que le passage leur soit réservé. Moi je
pense qu’un tel endroit doit être partagé” confie Hervé.
Ici, avant que les grilles ne ferment pour la nuit, les passants peuvent fuir le rythme
incessant de Paris. Lors d’une simple balade, ou encore pour se poser déjeuner, le temps
semble s’arrêter. Assises sur les pavés, deux étudiantes du lycée voisin savourent leur
pause du midi : “On adore venir manger là. Le contraste avec la place de la Bastille est
incroyable. Il fait un peu froid en ce moment mais dès que les beaux jours reviennent, la
végétation renaît et c’est encore plus dépaysant.” partage Léa, 18 ans. Et une fois la pause
terminée, il est temps de sortir de cette bulle enchantée pour retourner travailler.
Kim Bastard