
Qu’ils soient en plastique, carton ou tout autre matière controversées, les déchets sont le défi que nous semons et il tend à davantage être pris au sérieux depuis quelques années. Ainsi, la gestion de nos détritus a connu une évolution progressive, parfois trop lente pour certains, mais qui concerne tous les acteurs du simple citoyen aux plus hautes strates de l’État. À Paris, malgré une gestion légèrement différente, le processus reste le même.
« Le déchet le moins polluant est celui qu’on ne crée pas ». La belle formule est ressortie par tous les interlocuteurs qui évoquent la gestion des déchets, et elle représente encore tous les efforts à réaliser. Aujourd’hui, sa gestion a pris une autre dimension avec le recyclage, le réemploi des matériaux ou la valorisation pour produire une nouvelle énergie (chauffage, électricité, …). Cependant, le dernier rapport de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) annonce des chiffres encore très hauts avec 342 millions de tonnes de déchets produites en 2018 (13 millions de déchets en moins depuis 2010). Légèrement au-dessus des standards européens, chaque Français produit 582 kg de déchets ménagers par an. La problématique des déchets a toujours été un enjeu majeur et une mécanique qui peut vite se bloquer à la moindre mauvaise décision « discutable » ou à son manque de considération.
Les consommateurs commencent à prendre le pas : la bouteille plastique et l’emballage carton dans la poubelle jaune tandis que les déchets alimentaires vont dans la poubelle grise. Avec les différentes évolutions et celles à venir, il est parfois difficile de tout retenir et les mauvaises habitudes resurgissent. « Ce n’est pas encore parfait puisque l’on voit beaucoup de refus de tri, se désole Emmanuel Perois, avocat en droit public et auteur du livre La gestion optimisée des déchets par les collectivités territoriales. Par exemple, les poubelles dîtes ‘’jaunes’’ sont encore souillées par l’apport de déchets organiques. En revanche, on constate qu’il y a une vraie prise de conscience dans la population. De plus en plus de ménages trient eux-mêmes leurs déchets. »
Une amélioration qui pousse les collectivités à prendre des mesures. À Paris, les éboueurs passent une fois de plus par semaine (passage de deux à trois jours) depuis le 26 septembre dernier. « La capitale a connu une hausse de 25 % de multi-matériaux (cartons, papiers, emballage plastique, …), annonce Colombe Brossel, adjointe à la maire de Paris en charge de la gestion des déchets. L’objectif est de permettre à toutes et à tous de trier plus facilement tout en disposant d’un local poubelle moins encombrés. »
La ville de Paris met également en place des dispositifs comme les colonnes à verre, les composteurs de proximité ou les Trimobiles. Ces camions avec la longue remorque prête à accueillir les petits encombrants dans chaque quartier. Ces véhicules se déplacent tous les jours pour subvenir au plus grand monde, et font leur nid pour une matinée au détroit d’un boulevard ou bien d’une large place. 1500 collectes ont eu lieu en 2021. « Elles offrent aux habitants une solution facile et de proximité pour recycler et valoriser les petits appareils », estime Colombe Brossel.
Les déchets représentent une part non-négligeable pour les collectivités d’après Bertrand Bohain, délégué général du Conseil National du Recyclage : « Par exemple sur la Métropole Européenne de Lille (MEL), le budget est de 1,94 milliard d’euros et les déchets représentent 172,6 millions d’euros. » En région parisienne, les villes ont la compétence de la collecte, mais le traitement est assuré par le Syctom. L’organisme public s’occupe de 82 communes de la petite couronne de Paris (environ 6 millions d’habitants). Cette spécificité de taille fait exploser les chiffres avec un budget de 676 millions d’euros en 2022 et qui pourrait passer à 719 millions d’euros cette année.
La collecte, le passage visible des déchets
Avant cette étape, le passage des éboueurs pour la collecte reste essentiel. Une activité qui a évolué au fur et à mesure des siècles : « Le roi Philippe Auguste (1165 – 1223) ne supportait plus les immondicités dans les rues parce que les gens jetaient leurs déchets dehors, commente Emmanuel Perois. Il a décidé de paver les rues principales et d’obliger le nettoyage une fois par semaine devant sa propriété. » Une insalubrité qui poussera Eugène Poubelle, préfet de la Seine, à imposer la mise en place de récipients pour contenir les déchets avec les arrêtés de 1883 et 1884. Avec cette décision impopulaire, son nom est resté associé au réceptacle. Les communes ont finalement eu l’obligation de collecter et traiter les déchets avant que la transformation du secteur ne les oblige à changer. Emmanuel Perois détaille : « Aujourd’hui, nous assistons à un système de regroupement de ces communes en intercommunalités, comme les agglomérations ou les métropoles, puisque ce sont les seuls à pouvoir supporter cet outil industriel important et coûteux. » Un transfert qui avait été acté par la législation en 2014 avec la loi « MAPTAM ».
Ce sont aux intercommunalités ou aux agglomérations de faire un autre choix important : réaliser les collectes en régie (le service public) ou les déléguer à des entreprises privées. « La collecte est une action politisée, assure l’avocat spécialisé. C’est un service public très visible parce que les usagers peuvent voir si les déchets sont ramassés ou pas. » Guy Martre, responsable de l’activité du déchet et de la propreté urbaine du bureau national à la CGT Services Publics, ajoute : « Public ou privé, le métier est le même. Le statut change puisque la régie est plus protectrice, mais c’est la décision des élus qui est la plus importante. Soit ils gardent une totale maîtrise, soit ils ne gèrent plus et laissent la gestion à des entreprises privées. »
Pour Huguette Tiegna, députée de la 2ème circonscription du Lot et membre de la commission du développement durable (Renaissance), « c’est en créant une synergie entre le rôle du secteur public et la responsabilisation des acteurs privés qu’une politique efficace de gestion des déchets peut être mise en place. Le secteur privé permet aux agents publics de se déléguer, notamment dans un souci de cohérence de l’action et d’efficacité. » Une situation qui divise puisque 51 % des collectes sont gérées par des entreprises privées et le reste par les régies. La capitale a pris l’option de partager la collecte entre les deux parties. « C’est un héritage du mandat municipal de Jacques Chirac que nous avons conservé pour plus de souplesse », rappelle Colombe Brossel. Les services municipaux passent dans le 2e, 5e, 6e, 8e, 9e, 12e, 14e, 16e, 17e et 20e tandis que les autres sont traités par des entreprises privées (SEPUR, Pizzorno, Urbapropreté et Derichebourg).

Pourtant, que ce soit dans le public ou le privé, les conditions se dégradent pour les éboueurs : « Avant, l’éboueur faisait sa tournée tant bien que mal, mais aujourd’hui, tout est robotisé et digitalisé, la pression est énorme », accuse Guy Martre. Une situation qui n’a pas été arrangée par la crise du Covid pour le syndicaliste : « Nous avons travaillé sans masque pendant deux mois et les employés étaient inquiets : ‘’Comment on fait ? On est trois par camion et on prend la benne. Comment on fait ?’’, regrette le représentant de la CGT. On a été applaudi bien souvent, mais on n’en parle pas assez, les conditions n’étaient pas en adéquation des salaires. »
« Avant, l’éboueur faisait sa tournée tant bien que mal, mais aujourd’hui, tout est robotisé et digitalisé, la pression est énorme »
Guy Martre, syndicaliste à la CGT
Qu’ils soient conducteurs de camions ou ripeurs (l’employé qui déverse le contenu dans la benne), ils sont près de 4800 dans les rues parisiennes à rendre la ville la plus propre possible. Après le travail des éboueurs pour ramasser les déchets dans les rues, les camions ont plusieurs possibilités en fonction de leurs collectes : le centre de tri ou le centre de valorisation énergétique. Les déchets du bac jaune prennent la direction des cinq centres de tri (Nanterre, Paris XV, Paris XVII, Sevran et Romainville). Après leur arrivée sur le site, « les camions sont pesés à leur arrivée et à leur départ », nous apprend Célia, guide des visites pour les installations du Syctom.
Les centres, à cheval entre l’humain et le robot
Dans le centre de Paris XV, les déchets sont entreposés dans un stockage avant de passer par un trommel qui va les séparer par taille. « Il y a environ 10 000 tonnes de déchets qui sont des erreurs parce que ce sont des encombrants ou qu’ils doivent aller en déchetterie », clarifie Célia. C’est à ce passage qu’ils vont pouvoir être repéré. Les bouteilles ou les barquettes partiront d’un côté et les corps plats (journaux et cartons) d’un autre. Ils passent tous par des trieurs optiques qui vont permettre de séparer tous les composants. La dernière étape du triage est l’affinage manuel, où les employés inspectent le moindre oubli de la part du programme.

Cependant, la technologie évolue du côté du plus grand centre de tri du Syctom, celui de Nanterre. Les autres installations utilisent des lasers pour différencier les déchets, Nanterre teste actuellement un bras robotisé qui pourrait remplacer la main humaine. Une expérience qui ne met pas un coup d’arrêt définitif à la place des humains dans le fonctionnement. « Il a beaucoup moins de personnes dans les centres de tri, mais les machines ne sont pas parfaites donc il y a toujours besoin d’un humain pour vérifier le travail, rassure Pierre Hirtzberger, directeur général des services techniques du Syctom. C’est vraiment le début puisque ça peut mettre 10, 15 ou 20 ans pour s’imposer. De toute façon, il y aura toujours un minimum de moyens humains dans les centres de tri, mais ça tend à diminuer. »
Outre son activité, le centre doit s’adapter à son environnement. « Nous avons aménagé des espaces verts et une totale insonorisation pour qu’on n’entende pas et qu’on ne voit pas le centre de l’extérieur », montre Célia devant ces différents espaces mélangés aux panneaux photovoltaïques. Les efforts écologiques sont de plus en plus nombreux avec un chauffage solaire pour une partie des sanitaires, un système de récupération des eaux pluviales et également un raccordement au chauffage de la Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain (CPCU). Un cercle vertueux puisque les infrastructures sont chauffées par l’activité du centre de valorisation énergétique d’Issy-les-Moulineaux qui se situe à quelques centaines de mètres.
Lors de la visite des locaux, Jean-Paul, vient pour la deuxième fois dans un complexe du Syctom avec l’ambition d’avoir une nouvelle explication. « Je n’ai toujours pas compris où il faut mettre les barquettes de viandes, mais je voulais en connaître davantage sur la valorisation des déchets », expose le visiteur. Pour découvrir les infrastructures, Célia est également là pour expliquer les subtilités du processus. Plus complexe et moins facile à appréhender, le centre de valorisation énergétique permet « d’incinérer les ordures ménagères pour créer de la vapeur ». Les trois centres qui se situent tous en banlieue (Ivry-sur-Seine, Saint-Ouen-sur-Seine et Issy-les-Moulineaux) permettent à la CPCU de chauffer 300 000 logements, la plupart des hôpitaux parisiens, des bâtiments publics et des musées. Le centre est en marche 24h sur 24 avec trois gardes différentes pour assurer son bon fonctionnement.

Comme pour le centre de tri, les camions déchargent les déchets dans une zone de stockage. Avant d’être brûlés, ils passent par un scanner pour vérifier qu’aucun produit ne puisse mettre en danger le centre. « Le pire produit ce sont les piles, estime la médiatrice culturelle. Elles sont toutes petites et elles sont encore souvent dans d’autres objets, mais elles peuvent causer de graves explosions et des incendies. » En cas de problème, le centre se trouve à proximité de la Seine, ce qui lui permet par ailleurs de pomper directement dans le fleuve pour alimenter ses chaudières.
Pour envoyer les déchets dans l’un des deux fours, un grappin est utilisé. « Les déchets sont incinérés à 1000 °C parce que certains matériaux fusionnent à cette température, mais nous voulons les conserver en l’état », abonde Célia. Le principal exemple est le mâchefer (les résidus qui restent de la combustion) qui est réutilisé pour consolider la sous-couche des routes. Pour essayer de conserver une cohérence avec l’objectif de limiter son impact sur l’environnement, le transport fluvial est utilisé pour emmener le mâchefer à Saint-Ouen, où il sera ensuite utilisé.
Malgré tous ses efforts, l’incinération reste une activité polluante puisqu’une tonne de déchets rejette 5 000 tonnes de CO2 lors de sa combustion. Avec un rythme de 61 tonnes brûlées par heure, les chiffres s’envolent rapidement. Le centre garantit « des émissions bien inférieures à la réglementation européenne en vigueur », mais les spécialistes considèrent que la fréquence est bien plus importante que la quantité. « Les incinérateurs produisent des fumées polluantes que les systèmes de filtrage actuels ne permettent pas de purifier entièrement », explique Huguette Tiegna. Certains métaux lourds et des particules toxiques sont également enfouis. Une situation qui paraît encore un peu paradoxale par rapport aux autres initiatives du Syctom.
Le recyclage des détritus s’est considérablement perfectionné avec le temps puisque 72 % des emballages sont dorénavant réutilisés. Que ce soient les bouteilles en plastique, le carton ou les canettes, ils sont tous pressés pour créer des grands paquets. L’acier est une exception puisqu’il n’existe que des paquets de 20 kg. « C’est une demande des centres de recyclage », chuchote Célia. Le centre de tri vend ses matériaux séparés pour leur redonner une seconde vie. Les 7 100 journaux jetés vont pouvoir créer 6453 nouveaux journaux, comme les 176 boîtes de conserve qui vont se recycler en 20 boules de pétanque. Néanmoins, quelques objets posent des problèmes à ce recyclage : « Le pire produit est la brique alimentaire, juge Célia. Le carton, le plastique et l’aluminium sont tous condensés dans la brique ce qui rend le recyclage extrêmement compliqué. »
Le Syctom sur tous les tableaux
Cette vente de matériaux permet de pouvoir financer une partie du budget du Syctom d’après Pierre Hirtzberger : « Il y a trois sources de financement. Nous facturons à nos collectivités adhérentes un prix de traitement pour chaque tonne que nous traitons. Le prix n’est pas le même pour les différents flux, nous avons un prix pour les ordures résiduelles et pour les ordures sélectives. Et puis, nous avons également des recettes qui proviennent de la vente de matériaux. Globalement, les recettes couvrent à peu près 30 % du coût total du traitement des déchets. » La troisième source provient de la vente d’électricité ou d’énergie.
Dans ce contexte, la crise énergétique impacte le Syctom dans les deux sens : « Nous consommons de l’électricité pour faire fonctionner les centres de tri donc la flambée des prix nous touche forcément, affirme le dirigeant. Néanmoins, comment nous sommes aussi vendeurs d’énergie, nous bénéficions de la hausse du prix de vente des énergies. » L’énergie est un mot qui revient de plus en plus au Syctom. Le projet Biométhanisation au port de Gennevilliers (92) symbolise cette évolution. Prévu pour 2025, il permettrait de pouvoir traiter les déchets organiques pour générer du biogaz à partir du processus de méthanisation. La production serait l’équivalent de la consommation annuelle en gaz de 5 000 foyers.

Pour Emmanuel Perois, l’avenir de la valorisation des déchets passe par deux axes majeurs : « Les deux tendances qui vont continuer à se développer sont le développement des réseaux de chaleur et de nouvelles sources d’énergies renouvelables comme l’hydrogène. Ils sont nombreux à espérer utiliser cette énergie avec les unités de valorisation. L’hydrogène permettrait d’alimenter une flotte de véhicules communaux, voire des bennes à ordures ménagères. »
Le projet de Gennevilliers répond surtout à la loi AGEC qui pousse toutes les collectivités à mettre en place le tri des déchets alimentaires au 1ᵉʳ janvier 2024. « Cette obligation va prendre diverses formes, détaille Pierre Hirtzberger. Certains territoires vont développer le compostage domestique, mais nous avons un territoire qui est très urbain et très dense. Le compostage n’est pas une solution qui est adaptée au secteur urbain. Nous allons avoir besoin de mettre en place des collectes spécifiques et une insertion de traitement pour gérer ce flux, poursuit-il. Nous espérons que le projet va se développer fortement puisque nous cherchons à faire sortir les déchets alimentaires des ordures ménagères. » En amont, la ville de Paris prend également ses dispositions : « Notre objectif est d’offrir à tous les habitants une solution de proximité pour trier ses déchets alimentaires, met en avant Colombe Brossel, adjointe parisienne. Nous déployons déjà des bornes sur les marchés alimentaires et dans certaines écoles, mais nous allons poursuivre ces dispositifs et les renforcer. »
Une évolution difficile mais encourageante
Souvent critiquée pour sa saleté ou pour le report de ses déchets vers la banlieue, « la plus belle ville du monde » n’est pas forcément plus mal gérée que les autres territoires. « Je ne dirais pas qu’il y a des bons et des moins bons élèves parce que toutes les collectivités ne peuvent pas se doter de centres de tri ou d’unités de valorisation énergétique, assure Emmanuel Perois. Certaines collectivités ont un modèle d’économie circulaire vertueux, mais ce sont pour des raisons techniques, économiques et politiques que nous avons des modes de gestion aussi variés. » Par exemple, malgré sa forte population, Paris ne dispose pas du plus grand centre de tri puisqu’il se situe à Villers-Saint-Paul (60). L’infrastructure peut traiter jusqu’à 75 000 tonnes de déchets.
Les grandes villes gardent toutefois une avance considérable pour les centres de valorisation énergétique selon Emmanuel Perois, auteur du livre La gestion optimisée des déchets par les collectivités territoriales : « Toutes les collectivités ne peuvent pas se doter des équipements matériels et des moyens humains pour gérer les centres. C’est davantage l’apanage des grandes collectivités comme la Ville de Paris par exemple. Les petites collectivités vont avoir du mal à exercer ce type de service. Il n’y a pas de difficulté technique puisqu’il faut simplement mettre des bacs dans un camion pour la collecte. À l’inverse, en matière de valorisation des déchets (payer et exploiter une installation dédiée à cette activité), c’est plus difficile. »
Les collectivités vivent également une période délicate. Guy Martre siège depuis 20 ans à la convention collective et il a constaté la différence lors des rencontres avec les élus : « Les collectivités se plaignent du manque de moyens. Il n’y a plus de taxe d’habitation pour les finances des communes donc elles ont moins de marges de manœuvre. » Une potentielle hausse de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) est également un frein pour les collectivités qui produisent et stockent des déchets. « Les difficultés financières liées à la crise énergétique impactent fortement le budget des collectivités qui n’a pas besoin de nouvelles hausses de taxes, rappelle Bertrand Bohain, délégué général du Conseil National du Recyclage. Le problème actuel est que l’amélioration de la gestion des déchets et la taxe sont en concurrence puisqu’ils sont très onéreux tous les deux. » Huguette Tiegna, voix de la majorité, tente de rassurer sur la situation : « Le plan France Relance prévoit des lignes d’investissements massives afin de permettre aux collectivités de limiter en amont la production de déchets. » Pour Guy Martre, la solution passe également par « une remise en question du packaging des produits actuels ».
Au-delà d’aider les collectivités, l’État souhaite traiter le problème en amont. « La lutte contre la production d’emballages inutiles passe par la stratégie de sortie du plastique à usage unique à horizon 2040, souligne Huguette Tiegna. L’accompagnement des consommateurs est aussi une composante cruciale de cette stratégie : c’est le sens de l’indice de réparabilité mis en place, ainsi que de l’installation du réseau de réparateurs agréés par l’État qui doit permettre à chacun de faire réparer ces appareils et d’allonger ainsi leur durée de vie. » Des aides indispensables puisque le nombre de déchets reste encore assez élevé et ne baisse que très légèrement. Depuis 2007, le réemploi, la réparation et la réduction du gaspillage alimentaire ont permis de diminuer de 4,6 % les déchets produits. « On ne constate pas vraiment cette diminution tendancielle sur le traitement des déchets, regrette Emmanuel Perois. On a plutôt des collectivités qui essayent d’augmenter leur capacité de traitement pour faire face à ce besoin. » Pour démontrer cette tendance, le Syctom réfléchit à la création d’un nouveau centre de tri avec des investisseurs privés « au sud-est de Paris à cause de la demande ».
« L’amélioration de la gestion des déchets et la taxe sont en concurrence puisqu’ils sont très onéreux tous les deux »
Bertrand Bohain, délégué général du Conseil National du Recyclage
Au-delà d’une initiative citoyenne, trier autant qu’adapter sa consommation pour minimiser ses déchets est un objectif qui tend à se concrétiser au fil des années. Toutefois, c’est un modèle qui s’inculque, plus qu’il ne se comprend. C’est un geste machinal, plus qu’un combat ou une conviction. Il est demandé à tout le monde de le réaliser. Néanmoins, les coutumes s’imposent avec les générations, tandis que cette éducation se fera par la contrainte, en apprenant que consommer implique de se rendre responsable, comme les contemporains de Philippe Auguste ou d’Eugène Poubelle. Jeter n’est pas voter, cependant le geste est identique, la répercussion similaire ; trier ne suffit pas, mais s’en abstenir est inutile. C’est encore l’une des rares choses de notre société… qui ne nous coûte rien, et peut nous rapporter un semblant de « fierté ».