Le gouvernement doit officiellement présenter son projet de loi sur l’immigration au début de l’année 2023. Le texte fait polémique au sein des sphères politiques et humanitaires, puisqu’il s’en dégage une grande fermeté à l’égard des réfugiés et sans-papiers.
C’est plus de la vingtième proposition de loi sur les thématiques de l’asile et de l’immigration. Le sujet reste un éternel débat, tant il est difficile de statuer judiciairement sur le sort d’êtres humains. Selon François Héran, professeur au collège de France, les phénomènes de migration ont toujours existé. C’est même le propre de l’Homme de chercher à évoluer vers un environnement plus favorable à sa survie. Alors pourquoi donc s’évertuer à les repousser vers leurs lieux d’origine ? Un mot est sur toutes les lèvres pour justifier ce texte. Et ce mot c’est la sécurité. Un accueil non régulé des réfugiés implique selon certains politiques une grande insécurité. Baladez-vous à Stalingrad, Malakoff ou La Villette ! Les agressions sont quotidiennes et les règlements de compte réguliers. Une seule solution alors à ce problème, expulser les ‘’délinquants’’ de notre hexagone. Le gouvernement prévoit donc de durcir ses mesures, en réduisant d’un mois à quinze jours le délai pendant lequel un étranger peut partir de lui-même du territoire français. Ou encore, de passer d’un à trois ans la durée d’assignation à résidence ou de rétention lors d’un cas d’Obligation de Quitter le Territoire (OQTF).
Pour l’opposition, cette mesure est loin de régler le problème. En effet, est-ce vraiment de leur faute s’ils en sont arrivés à de tels extrêmes ? Séverine Papot, directrice-adjointe d’une maison de quartier à Nantes, s’insurge : ‘’ Le problème dans les grandes villes, c’est que l’on se retrouve avec beaucoup de migrants qui utilisent une certaine violence pour survivre. Je parle de vols à l’arrachée ou de trafics.’’ Et ces incidents effraient la population qui rejette la faute sur eux sans chercher à comprendre pourquoi ils agissent comme cela, ou comment il est possible de les aider. Pour la militante, il est urgent de créer un vrai programme d’insertion positive, avec dans l’idéal un logement, un métier ou un apprentissage qui leur donne envie de participer à notre société collective. Elle souligne : ‘’Imaginez-vous être dépourvu de tout, sans l’éducation que vous avez reçue… Je pense que l’on deviendrait tous aussi barbares que les autres. Il faut bien manger, non ?’’
Un projet utopique
Expulser plus en acceptant moins. Le projet défendu par le gouvernement est jugé utopique par de multiples associations. A une France qui espère imposer ses quotas en examinant avec davantage de sévérité les dossiers, elles rétorquent : à quoi bon ? Les flux migratoires ne dépendent pas des conditions d’accueil du pays de destination ou de son marché du travail. ‘’La migration est déclenchée par les conditions de vie dans le pays d’origine : une guerre, une situation économique catastrophique, un évènement climatique… Quand ces gens quittent leur foyer, ce n’est jamais de gaieté de cœur, toujours sous contrainte. Et ensuite leur parcours migratoire prend des mois, voire des années’’, explique Antoine de Clerck, volontaire au sein d’associations pour les réfugiés. Leur voyage débute d’abord dans les pays voisins, mais à la suite d’obligations imprévues, les oblige à s’éloigner de plus en plus de leur terre natale. Alors, peu importe les étapes à franchir, ces personnes continueront d’affluer. Ce ne sont ni ‘’les barbelés, les fossés creusés’’ ni ‘’l’arrêt des opérations de sauvetage’’ qui leur feront faire demi-tour.
En revanche, cette décision de compliquer l’accès au sol français ne fait que desservir la cause sécuritaire prônée par le gouvernement. En effet, les trajets migratoires deviennent encore plus critiques et font le bonheur de passeurs peu recommandables. Et une fois le pied sur la terre ferme, le combat est loin d’être terminé. Pour leur nécessaire survie, ces réfugiés acceptent de travailler dans des conditions déplorables et pour des employeurs préjudiciables. Certains entrent dans des réseaux de drogue, d’autres tombent des trafics d’êtres humains. ‘’C’est un cercle vicieux ! La France ne les accepte pas, donc ils vivent dans l’illégalité. Cette situation précaire les pousse à la délinquance, qui amène les personnes au pouvoir à prendre des mesures encore plus radicales.’’ Ce n’est donc pas comme cela que les choses vont changer.
Quant à l’expulsion des étrangers délinquants, le processus est encore une fois plus qu’insensé. L’activiste note avec prudence que ‘’pour expulser quelqu’un, encore faut-il l’attraper. Lorsqu’une obligation de quitter le territoire est prononcée, elle doit être envoyée à une adresse, ce que les sans-papiers n’ont pas. C’est exactement pareil pour les convocations à la gendarmerie, qui irait de son plein gré ?’’ Les difficultés sont nombreuses. Même une fois interpellés, le gouvernement doit encore réussir à prouver l’origine des personnes qu’elle souhaite renvoyer, puis obtenir l’approbation du pays concerné. Une démarche compliquée, qui est loin de toujours aboutir. En attendant leur voyage de retour, elles sont alors placées dans des centres de rétention administrative. Des lieux de détention fermés, les isolant profondément de la société.
Tant de complications entravent pour l’instant la mise en place de ce projet de loi. Comment va-t-il évoluer ? En faveur de qui ? La réponse, dans quelques semaines.