
Au-delà des stars, le tennis professionnel, c’est avant tout un circuit secondaire réservé aux joueurs en devenir méconnus du grand public qui lutte chaque jour pour monter au classement sans perdre trop d’argent.

Après une saison 2022 riche en émotions, le tennis reprendra ses droits d’ici deux semaines avec le début du calendrier ATP et WTA (Association des joueurs et joueuses de tennis)
Dans l’ombre des stars de la raquette, des centaines de joueurs reprendront eux aussi la saison dès janvier dans l’ombre des caméras. Ils tentent tous de gagner leur vie sur le circuit « secondaire » avec l’espoir d’un jour jouer sur les plus gros tournois. Dans leurs compétitions, il n’y a souvent pas de caméra et parfois pas de juges de ligne ni de ramasseurs de balle. Pas de silence non plus, les terrains sont tous voisins et pas énormément de public. Pour autant ce, sont bien des matchs professionnels qui appartiennent au calendrier ITF (fédération internationale de tennis). Après les compétitions de l’ATP et la WTA ou les Challengers, l’ITF est le circuit secondaire pour les professionnels. Sur ces tournois on retrouve des joueurs et joueuses classés au-delà de la 250e place mondiale. Ces derniers jouent souvent aux quatre coins du globe pour espérer vivre de leur sport et engranger des points pour monter en classement. La plupart d’entre eux finissent leur saison dans le rouge avec plus ou moins de déficits budgétaires
Paul Valsecchi a 25 ans, il est classé 1478ème à l’ATP, comme beaucoup, il enchaîne les tournois ITF en perdant souvent plus d’argent qu’il n’en gagne. Pour cause, tout est au frais des joueurs sur ce circuit : hôtel, billet d’avion, transport… « Tout est à mes frais, pour faire trois semaines de tournois en Egypte, j’ai dépensé 370 euros d’aller-retour en avion et plus de 1000 euros d’hôtel avec la nourriture comprise pour les trois semaines. À l’inverse, j’ai gagné un peu moins de 1000 euros avec ces différents tournois. Je suis souvent dans le négatif. Notre objectif c’est de ne pas perdre trop d’argent ». Le circuit ITF est en effet peu propice à des gains sportifs qui permettent de vivre aisément de son sport, Alexandre Aubriot 849 ème joueur mondial voit sa carrière comme une entreprise : «Les futures on ne les fait pas pour l’argent, on les fait pour les points pour monter en classement. C’est un investissement qu’on espère plus tard rembourser en accédant à de plus gros tournois »
Pour illustrer le fossé financier entre les joueurs du circuit ITF et ceux du circuit ATP, il suffit de se pencher sur les revenus générés par les tournois ATP. Un tournoi ATP Masters 1000 comme Paris Bercy ou Monte-Carlo, rapporte 20 000 euros à un joueur qui perd dès le premier tour. En comparaison, depuis son début sur le circuit ITF au mois d’aout, Alexandre Aubriot a remporté en tout 4000 euros de gains, on est bien loin des sommes du circuit ATP.
Lionel Maltese, un économiste spécialisé dans le tennis expliquait parfaitement cette différence de gain aux micros de Franceinfo : « les tournois ATP ou WTA reposent à plus de 60% sur la billetterie et les droits TV ». Des sources de revenus dont ne bénéficie pas la plupart des tournois ITF d’où les gros écarts de prize money. « Dans le tennis professionnel, les 100 premiers au classement mondial vivent très confortablement, les 100 suivants sont à l’équilibre, et les autres sont déficitaires » a-t-il poursuivi. Lilian Marmousez 852 ème joueur mondial, nous partage ce même constat : « Plus on est fort plus on gagne de l’argent et moins on en dépense pour les frais de tournoi »
Un calcul permanent
Pour perdre le moins d’argents possibles, certains joueurs s’improvisent gestionnaire de patrimoine comme ironise Paul Valsecchi. « Je sais que contrairement à d’autres, je gère très bien mon argent pour pouvoir jouer un maximum de tournois. Sur les voyages, les hôtels, la nourriture, j’ai appris à mieux gérer et c’est ce qui me permet de sauver un peu plus d’argent pour pouvoir jouer presque toute l’année ». Limiter les dépenses, c’est aussi accepter de voyager seul et donc sans entraineur pour Paul et Lilian. Alexandre Aubriot fait appel dès qu’il le peut à un coach : « Avec un coach, on est forcément en déficit. Quand je peux me le permettre, je prends du coaching sur une semaine. Je sais que je ne gagnerais pas d’argent, mais ça aide beaucoup sur les matchs, on a tout le temps quelqu’un derrière nous, on peut bosser parce qu’on a un œil extérieur de qualité. ».
Pour pouvoir financer en grande partie leur saison, les joueurs disputent souvent des championnats nationaux par équipes ou ils sont rémunérés « Sans les revenus de nos matchs par équipes on serait beaucoup à ne pas pouvoir jouer au tennis » nous explique Lilian. Comme c’est autorisé par l’ITF, Paul joue pour plusieurs clubs dans différents pays « Je joue dans 3 clubs : en Italie, en Allemagne et en France, c’est ce qui me rapporte de loin le plus d’argent à l’année ». En plus de ces championnats, certains joueurs peuvent bénéficier d’aide de leurs clubs ou de la fédération. Ces aides leur permettent de participer tout au long de l’année à différents tournois sans trop se mettre dans le rouge.