
Le Sénat a rejeté en nouvelle lecture jeudi, le projet de budget du gouvernement 2023 ; Les différents groupes politiques ont pu exprimer leur désaccord.

« La France a besoin d’un budget au premier janvier 2023, et le temps presse désormais », s’est défendu la première ministre Elisabeth Borne. Après 10 recours à l’article 49.3 en à peine quelques mois, l’opposition n’en démord pas de sa position. Les sénateurs, majoritairement à droite dans l’échiquier politique, ont dénoncé un « balayage » du gouvernement sur la plupart des amendements déposés. Le Sénat a donc voté contre le projet de budget pour 2023 du gouvernement Borne, avec 260 voix contre, et 54 pour. Ce refus s’est exprimé via une motion qui refuse une relecture du texte. Le président du groupe Parti Socialiste Patrick Kanner s’est exprimé en qualifiant cette décision politique comme : « un terme mis à cette journée de dupes ».
Le 49.3 fait encore débat, et du côté de la chambre basse du Parlement, ça ne fait pas exception. Que ce soit du côté du Rassemblement National, dont sa présidente a déclaré il y a quelques semaines : « Que vous les trouviez bons ou mauvais, les articles sont votés. Ils sont la représentation de la volonté du peuple. » Du côté du groupe de gauche la NUPES, Mathilde Panot a par exemple déclaré qu’en utilisant le 49.3, le gouvernement s’opposait « au fonctionnement normal de la démocratie. »
La France Insoumise (LFI) dont fait partie la députée est d’ailleurs le groupe politique le plus opposé à cet article. Une motion de censure est déposée par la LFI à chaque 49.3, et elle veut complètement supprimer ce recours constitutionnel.
Un article qui a toujours fait débat
« Depuis 1958, avec la création du 49.3 dans sa forme actuelle, pas une fois celui-ci a été utilisé sans voir une forte réaction de la part de l’opposition. » Selon Lucas Varnizy, diplômé d’une licence d’Histoire, cet article a toujours été la bête noire de l’opposition, et est considéré comme un « outil constitutionnel pour le gouvernement ».
Le 49.3 est techniquement une arme législative, qui permet au gouvernement qu’un texte de loi soit adopté, sans se soumettre au vote des députés. Mais recourir à cet article n’est pas sans conséquence. Si le Premier ministre vient à l’utiliser, on dit qu’il engage la responsabilité de son gouvernement. Le risque est qu’une motion de censure peut être déposée par un ou plusieurs groupes d’oppositions. « C’est un texte qui montre la désabrabotion d’une ou de plusieurs actions du gouvernement. » Si une motion de censure parvient à être votée par une majorité de députés, alors le gouvernement, se doit de démissionner.
Le problème c’est qu’historiquement, une seule motion de censure a été votée. Et c’était en 1962, affirme Lucas Varnizi. C’était contre le gouvernement Pompidou, mais depuis, les parlementaires savent que leurs motions ont très peu de chances de passer. Maintenant certaines ne sont même pas déposées. « La dernière occasion réaliste de voir une motion passer était il y a quelques mois, où le RN avait voté pour la motion de censure de la NUPES. » L’étudiant historien rappelle que les élus « se sentent pour certains impuissants, devant cette arme constitutionnelle qu’il considère anti-démocratique ».
Cependant, Lucas Varnizi nuance le poids de l’article 49.3 : « Les déclenchements du 49.3 n’ont parfois pas été suffisants pour voir des articles passer. Il y a eu deux exemples dans l’Histoire. La première fois en 1995. Un projet de réforme des retraites porté par Alain Juppé avait engendré d’importantes manifestations et avait empêché le passage du texte de loi.» L’étudiant de la faculté de Saint-Quentin-en-Yvelines poursuit : « La seconde était en 2006 avec le CPE, porté par De Villepin, A propos d’un contrat de travail pour les jeunes, où l’employeur avait pour certains, trop de pouvoir dans les ruptures du contrat. Là aussi beaucoup de gens, surtout des jeunes, sont descendus dans la rue. » Le jeune diplômé finit son propos en expliquant que « lorsque la révolte populaire est trop importante, pas même le rouleau compresseur qu’est le 49.3 ne peut faire le poids ».
Des mesures visant à limiter le pouvoir de cet article ont déjà été mises en place, notamment en 2008 avec une réforme de Nicolas Sarkozy. Désormais, le gouvernement ne peut utiliser le 49.3 qu’une seule fois par texte, et par cession. Son déclenchement n’a pourtant pas été ralenti, au vu des 17 recours au 49.3 utilisés par Manuel Valls, Edouard Phillipe, et Elisabeth Borne.
L’article 49.3 pourrait continuer à être tout autant utilisé dans le futur, notamment sur la réforme des retraites, qui divisent l’ensemble de l’Assemblée nationale.