7 800 data centers sont recensés sur toute la planète, dont plus d’un tiers aux États-Unis. Ces installations fonctionnent 24h/24 et nécessitent d’immenses climatiseurs pour éviter la surchauffe. Une aberration à l’heure où la question écologique est au centre des préoccupations.
On nous observe. Toutes nos données numériques transitent par des câbles sur terre et sous la mer pour être stockées dans des data centers géants. Aujourd’hui, lorsque nous voulons chercher une information ou une réponse à une question que l’on se pose, on se tourne automatiquement vers Internet. Cette bibliothèque virtuelle nous sert de tuteur pour apprendre tout ce dont nous avons besoin grâce aux nombreux centres de données implantés partout dans le monde. Ces centres de données ont pour fonction de stocker, de traiter et de publier les renseignements par le biais des services d’informations, plateformes et serveurs que nous utilisons tous les jours. Les particuliers, les entreprises, et les gouvernements sont tous clients plus ou moins volontaires de ces centres de données sans lesquels ils ne pourraient pas communiquer ou rechercher ce dont ils ont besoin.
Selon Cloudscene, entreprise spécialisée dans les data centers, la France possédait 264 centres de données en septembre 2022. Sur ces 264 centres, 130 se trouvent en Île-de-France, en majorité dans le département de la Seine-Saint-Denis. Une concentration de serveurs qui reste une notion pourtant très floue pour les communes concernées. « Nous n’avons absolument aucune idée de quoi vous nous parlez », nous avoue-t-on à la mairie d’Aubervilliers. Même son de cloche du côté de La Courneuve, alors même qu’un de ces bâtiments y est en cours de construction depuis plus d’un an. « Je pense que tout le monde voit ce que c’est à la mairie, mais personne ne pourra vous dire à quoi ça sert », s’agace un employé municipal.
Des structures énergivores
teurs d’Internet a augmenté de façon exponentielle et, de ce fait, la demande de services des data centers a explosé. La consommation d’énergie de ces derniers a ainsi été décuplée. Tous les équipements nécessitent une alimentation électrique. Ces courants produisent de la chaleur qui doit ensuite être éliminée par un système de climatisation. De l’air frais est alors injecté dans la structure afin de rejeter l’air chaud à l’extérieur.
Entre 2010 et 2021, la capacité de stockage mondiale des data centers a été multipliée par 25. Le développement de nouvelles technologies, telles que l’intelligence artificielle et la technologie blockchain sur laquelle reposent les cryptomonnaies, n’a fait qu’accélérer la tendance. La dépense énergétique des data centers est devenue un vrai sujet de discussion. La totalité de l’énergie que nécessitent ces banques de données est estimée à 1% de la consommation mondiale d’électricité, soit 275, 205 TWh, c’est-à-dire 69 fois la demande électrique de Paris en 2021.
Pour lutter contre la climatisation inutile, Serge Conesa, PDG d’Immersion4, a mis au point un système novateur, supposément plus écologique. « Nous avons mis en place l’immersion. Le principe de cette technique est d’immerger l’électronique dans un liquide de notre propre invention pour le refroidir. Ce système permet de faire des économies d’énergie, mais également de réduire la taille des centres de données. », explique-t-il. De cette manière, les zones en surchauffe sont les seules refroidies par le liquide, contrairement à la climatisation. Tout est fait pour diminuer la facture énergétique : « On a aussi décidé de rapprocher les centres de données des milieux urbains pour que la latence des consommateurs soit plus petite et pour que la chaleur digitale dissipée soit réutilisée localement. », poursuit le PDG.
Aujourd’hui, 30 à 40% de l’électricité qu’utilise un centre de données traditionnel sert à son propre fonctionnement et les 60 à 70% restants, à son refroidissement. Selon les statistiques de la Commission européenne, les parties les plus gourmandes en énergie d’un data center sont les serveurs et les systèmes de refroidissement. Ces deux éléments produisent énormément de chaleur, d’où la nécessité d’un système de refroidissement pour que les structures puissent continuer à fonctionner correctement.
Pour Fatima Roudani, experte en data science, les banques de données sont de véritables monstres énergétiques. « Des études ont montré qu’un seul centre de données nécessite parfois jusqu’à plus de 100 mégawatts par jour. Aux États-Unis, cette quantité peut alimenter 80 000 ménages, c’est démentiel », illustre-t-elle. Cette tendance n’est pas prête de s’inverser. Les investisseurs se focalisent de plus en plus sur la construction de nouveaux bâtiments pour servir de centre de données. Par conséquent, les data centers devraient consommer de plus en plus d’énergie au fil des années. Cette forte demande en électricité se répercute sur la population environnante qui se retrouve desservie.

Un meilleur rendement énergétique en perspective
mportantes quantités de CO2 dans l’atmosphère. Un phénomène particulièrement alarmant si l’on prend en compte le manque d’informations communiquées par les principales entreprises du secteur à propos de leurs taux d’émission de gaz carbonique. « Aujourd’hui, seuls Meta, Apple, Google, Amazon et Twitch ont publié les données à ce propos. », s’inquiète Fatima Roudani. Cependant, en 2022, les data centers représentaient 1% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit deux fois moins que le secteur de l’aviation, selon l’International Energy Agency.
Les data centers puisent leur électricité dans les énergies fossiles comme le gaz et le pétrole. Différentes solutions ont été proposées pour tenter de remédier à cette consommation industrielle. Dans un premier temps, il faudrait utiliser tous les serveurs existants à leur capacité maximale pour éviter d’en construire de nouveaux. Ensuite, la réduction du nombre de données stockées dans les centres permettrait de dépenser moins d’énergie pour faire fonctionner les serveurs et les refroidir, tout en pesant moins sur les systèmes. Des logiciels de déduplication, comme QAS Unify, pourraient être utilisés. La déduplication de sauvegarde permet de réduire les quantités de données stockées en supprimant les doublons qui se créent en sauvegardant des contenus, qu’ils s’agissent de texte, de vidéos, de photos, etc.
Des serveurs munis de nouvelles fonctionnalités qui permettent une économie d’énergie sont en cours de création voire commencent à faire leurs preuves pour les plus aboutis. Les processeurs de ces serveurs ont, par exemple, la capacité de diminuer leur consommation d’électricité lorsqu’ils ne sont pas en utilisation optimale. Il faut toutefois noter que ces fonctionnalités ne sont pas actives par défaut et doivent être enclenchées par un administrateur.
Le gaspillage d’énergie peut aussi être évité via les systèmes de refroidissement et le cloud computing. Les data centers utilisent en majorité un refroidisseur mécanique pour avoir de l’eau réfrigérée, mais la mise en place de tours de refroidissement, par exemple, permettrait de dissiper la chaleur plus efficacement. Le cloud computing, quant à lui, suit deux principes. Le premier est la virtualisation, qui permet de limiter le nombre de serveurs physiques. Le deuxième est la mutualisation, c’est-à-dire le partage des infrastructures entre plusieurs clients. Ce sont des solutions qui tendent à diminuer fortement les coûts et à limiter la consommation énergétique tout en offrant un service égal.
La technique du free cooling pourrait aussi être une bonne alternative pour réduire la consommation en électricité des data centers. « Cela consiste à enlever les climatiseurs muraux et les remplacer par des salles compartimentées où les flux d’air froid et chaud sont minutieusement étudiés pour être distribués le mieux possible et ne jamais se rencontrer », explique Rupesh Kapil, technicien chez IT Center.
L’utilisation de l’air frais extérieur permet de réduire de 30 à 50% le besoin de climatisation artificielle. C’est pour cette raison que certains acteurs s’implantent dans des pays froids, comme Meta en Suède, proche du cercle arctique. « Toutes les entreprises ne peuvent pas choisir ou localiser leurs centres. Parfois la localisation sur le territoire national peut être demandée si les données sont sensibles. », précise Rupesh Kapil.
L’Union européenne s’est donnée comme objectif de rendre les centres de données neutres en carbone d’ici 2030. Selon Serge Conesa, d’ici à 2025, ceux-ci représenteront 20% de la consommation de l’électricité mondiale et 10% des émissions de gaz à effet de serre. Pour fonctionner, ils nécessiteront 1,3 trilliard de litres d’eau, soit un peu plus de cinq fois la capacité de la Mer Morte, à une époque où un tiers de la population n’aura pas accès à l’eau potable.
Je suis une étudiante de troisième année en journalisme à l'ISCPA Paris. J'aime traiter des sujets politiques, sportif et culturels.