Les collaborateurs Parlementaires sont les hommes de l’ombre des députés. Pourtant, leur travail est indispensable à la vie des élues. Romain Dewaele, collaborateur Parlementaire depuis2018 explique les dessous de ce métier méconnu.
Qu’est-ce qu’un collaborateur Parlementaire ?
C’est quelqu’un qui doit faciliter la vie de l’élu pour lequel il travaille. Il gère son agenda, écrit ses discours, gère ses comptes sur les réseaux sociaux, écrit et dépose ses amendements sur les textes de lois, mais il doit également suivre l’actualité législative et politique. Dans un sens très large, on est chargé de l’intendance du député. Quand on est collaborateur et qu’on rentre chez soi, on est toujours collaborateur. Je lis la presse, je vais regarder s’il y a des messages, je reste connecter en permanence sur les boucles. C’est un métier où l’on ne décroche pas, c’est impossible. Ce n’est pas un métier où on pointe au débutet à la fin de la journée. J’aime bien être dans la boucle. J’aime bien quand ma députée a écrit une proposition de loi, ou elle est responsable d’un texte de loi pour son groupe parlementaire. À ce moment-là, on est au cœur de la réflexion. Je pense que la plupart des parlementaires ne savent rien faire sur leurs collaborateurs, ils sont un peu hors-sols. Mais depuis qu’il y a eu l’arrivée des gens d’En Marche qui sont plus jeunes et qui sont issus du privé, ils peuvent plus se débrouiller sans nous. Mais l’un ne peut pas fonctionner sans l’autre.
Qu’est-ce qui vous passionne dans ce métier ?
J’ai toujours été fasciné par les hommes de l’ombre, les conseillers spéciaux, les gens qui sont derrière celui qu’on voit. Être collaborateur c’est également de l’adrénaline et du stress. Il y a toujours des imprévus, on peut rarement souffler, ça ne s’arrête pas, il n’y a jamais de pause. Un collaborateur, c’est un couteau Suisse. D’ailleurs ce métier n’a pas de réelle définition. Il y a des collaborateurs qui font uniquement la communication, d’autres qui font exclusivement le secrétariat voire certains, ne font que la partie amendement législatif, pour faire simple, ce sont des juristes. On est au contact direct de la fabrication de la loi. Et puis on travaille à l’assemblée au Sénat, des lieux très prestigieux. On est cœur de la République. Et quand la loi ou l’amendement du député pour laquelle on travaille est adopté, il y a des moments de grande satisfaction professionnelle et aussi personnelle. J’ai également pu faire des déplacements à l’étranger, j’ai vu des choses et été accueilli dans des endroits qui sont impossibles d’accès en tant que touriste.
C’est un métier touche à tout, mais qu’est-ce que vous faites pour votre députée à l’Assemblée ?
On peut écrire des tribunes, on peut rédiger des amendements, on fait de la communication. Nous sommes considérés comme des conseillers multitâche. Et moi, c’est ce qui m’a vraiment plu. Mais à des moments, on est un peu frustré parce qu’on n’a pas toute la gloire. Elle va la personne qu’on a conseillée, celle à qui on a écrit le discours alors que cette idée est la nôtre et le discours, c’est nous qui l’avons écrit et pas elle. Mais je suis très content quand elle lit quelque chose que je lui ai écrit, parce que je sais que cela vient de moi. Personne ne sait à part moi, mais il y a une reconnaissance assez ambiguë. En réalité, c’est à la fois très grisant et très épanouissant.
Qu’est-ce qu’un bon collaborateur ?
Un bon collaborateur, c’est quelqu’un qui connaît bien le ou la députée pour le pour lequel ou laquelle il travaille. Il doit savoir un peu quels sont ses avis sur tel ou tel sujet de base. Surtout, si par la suite, elle me demande d’écrire une tribune sur le sujet. En lui préparant son discours, je dois réfléchir et me dire : « Je pense qu’elle veut dire ça ». En fait, il faut se mettre à leur place. Il faut façonner un personnage politique. Dans mon discours, j’emploie des mots, des expressions, des références, des figures de style qui sont chargées, et qui ont un sens politique et historique. Mais elles sont également attachées à une culture politique. La gauche et la droite ne parlent pas de la même manière en fonction du sujet abordé. On peut connaître les opinions politiques de quelqu’un grâce aux mots qu’elle utilise. Je sais comment les autres partis fonctionnent, comment ils s’y prennent. Quand on connaît son adversaire, qu’on sait comment il fonctionne, on sait comment le convaincre. Cela me permet de dire à ma députée « face à tel argument, utilisez tel type de réponse pour contrer l’argument ».
Considérez-vous que vous effectué un travail de journaliste ou d’écrivain ?
Je ne suis ni écrivain, ni journaliste. Je fais des choses qui peuvent être une part de leurs missions, mais je n’en suis pas un. Par exemple, je fais de l’investigation pour la députée pour laquelle je travaille, en essayant de regrouper les informations en suivant l’actualité, mais je ne me permettrais pas de dire que je le suis.
Les mots « tribunes » et « discours » ont été évoqués. Comment les construisez-vous et les enrichissez-vous ?
Personnellement, j’ai trouvé que le collaborateur de Nicolas Sarkozy écrivait de très bons discours. Donc généralement, j’essaye de lire des parties pour que ça me donne un peu plus d’inspiration. Ce que j’aime bien, c’est mettre du souffle dans un discours, c’est y mettre de la chaire. Le discours, il faut qu’il soit consistant. J’ai horreur des discours qui ne sont que des additions d’éléments de langage, de mots placés pour dire de les avoir cochés. Quand le discours est construit de cette manière, il est plat, il n’y a rien qui en ressort. C’est un discours de technocrate. Il faut que la pente soit ascendante tout au long du discours. La fin, c’est l’apogée et entre temps, il faut une alternance de rythme. Dans mon discours, il faut que je parle de moi, faut que je parle des autres, faut que je parle de nous, faut que je parle du sujet et comment moi, je m’y inscris.
Pour les tribunes, j’ai un peu plus de temps sachant qu’en plus ça dépend du média. Ce n’est pas la même tribune dans une presse spécialisée et dans une presse généraliste. Pour avoir un bon discours et une bonne tribune, il faut aussi bien comprendre qui est le lectorat, et qui est l’audience. Une fois que je sais à qui je m’adresse, je fais une navette avec ma députée. Je fais une première version, je lui envoie, elle me répond avec ses appréciations, je modifie et je lui renvoie, ainsi de suite jusqu’à ce qu’on ait la meilleure version possible. Il y a une sorte promiscuité. La proximité est très forte entre le ou la députée et ses collaborateurs. Dès qu’il y a un irritant dans la relation, c’est assez difficile. Notre député, c’est à la fois notre employeur, notre tuteur et notre responsable hiérarchique.
Qu’est-ce que les gens savent et pensent des collaborateurs parlementaires ?
Les gens pensent que depuis l’affaire Fillion, c’est un métier de gens malhonnêtes. Soit les gens disent qu’on ne fait rien, soit qu’on vole l’argent public, soit qu’on fait des magouilles. Pour l’anecdote, un jour, j’ai quelqu’un qui m’a dit, après que je lui ai dit que j’étais collaborateur parlementaire : « Ah oui, comme ça, tu peux faire sauter tes amendes ». C’est assez révoltant et inadmissible.
Avec vos mots et votre expérience, comment définiriez-vous le métier de collaborateur ?
Être collaborateur parlementaire, quel que soit le positionnement politique de la personne pour laquelle on travaille et quelles que soit nos convictions de citoyens, c’est un métier dans lequel on met du sens. C’est un métier qui a du sens et qui fait sens pour nous.
Malo Thiberge