Politique Session parlementaire

L’article 49.3 ou quand le gouvernement fait la loi

Elisabeth Borne a utilisé le mercredi 19 octobre l’article 49.3 sur la loi budgétaire 2023. Celui-ci permet au gouvernement d’envoyer la loi telle qu’elle a été écrite directement au Sénat. Indignation, motions de censure, retour sur une loi qui indigne tout autant qu’elle est indispensable.

Les coups d’éclats des députés retentissent dans l’hémicycle. Ce jour-là, pas question de dormir durant la séance, même Raffarin n’aurait pas osé. Et pour cause ! Elisabeth Borne, la première ministre, vient d’annoncer qu’elle utiliserait le 49.3 sur la loi du budget national de 2023. Pas de grande surprise en réalité, tout le monde s’y attendait. Cela n’empêche pas les huées de tous les partis d’opposition. Mais pourquoi tant de bronca ? Retour sur la naissance de cet article. 

Le 49.3 engage « le principe fondamental du régime parlementaire : la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée Nationale » explique l’ouvrage Droit public. Cette mesure se traduit par l’article 20 de la Constitution disposant que « le gouvernement est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50 ».

Responsabilité du gouvernement devant le Parlement, cela veut dire quoi ?

L’article 49 de la Constitution est long et séparé en quatre alinéas. Gaël Kostic, juriste et professeur en droit explique que cet article « rentre dans la détermination des rapports entre le gouvernement et le parlement, donc entre l’exécutif et le législatif ». Il continue « le principe du 49.3 c’est la possibilité pour le gouvernement de faire passer une loi en force ». Grâce à ce troisième alinéa, une loi peut arriver directement à la deuxième chambre parlementaire, le Sénat, sans être passée par l’Assemblée nationale. Il n’y a alors pas de débat, pas d’amendement possible, rien. Les députés ont ensuite le choix entre accepter la loi ou bien déposer une motion de censure (article 49 alinéa 2). Si la majorité approuve cette motion par le vote, alors le Gouvernement est dissous (article 50) et le Président de la République doit nommer un nouveau premier ministre qui devra à son tour nommer ses ministres.

Mais d’où il sort cet article ? La réponse se trouve dans la Constitution de 1958, le fondement de la Vème République. La IVème République ne fut qu’une succession de gouvernements instables. En douze années, 24 gouvernements se sont succédé. Le problème étant que « Le parlement de l’époque était divisé en trois partis politiques, le MRP (républicain), le SFIO (socialiste) et le PCF (communiste) proportionnel. Le gouvernement devait être en phase politique avec l’Assemblée nationale. Il n’y avait pas de majorité donc pas de stabilité » explique Gaël Kostic. Ce régime parlementaire bloquait la vie politique en divisant constamment l’Assemblée nationale. Le pays est figé, il faut alors agir vite.

Le Général de Gaulle comme sauveur de la démocratie ?

Nous sommes en 1954 et l’Algérie se soulève alors contre la France colonisatrice. Grand favori de la Seconde Guerre mondiale, le Général de Gaulle apparaît alors comme le sauveur français. Aux yeux de tous, il semble être le seul capable de gouverner le pays. Il accepte le défi à la condition unique de réformer la constitution. Il est alors investi par le Parlement, comme le prévoyait la IVème République. Cette procédure est « liée à l’obtention des pleins pouvoirs qui lui permettront (…) surtout, de procéder à un changement profond des institutions » développent Philippe Georges et Guy Siat dans l’ouvrage, Droit public. La machine est en marche et le Général de Gaulle peut alors légalement modifier la constitution en vigueur.

Se forme un groupe de travail, composé de parlementaires, et du garde des Sceaux, Michel Debré, qui impose sa vision lors de l’écriture de la Constitution de 1958. L’ouvrage Droit public explique sa volonté de rééquilibrer les moyens d’actions du Parlement et du Gouvernement. Et pour cause, « l’instabilité gouvernementale de la IIIème et IVème République devaient disparaître par la mise en place de mécanismes constitutionnels destinés à renforcer la position du Gouvernement et à limiter les pouvoirs du Parlement ».

Mais, pourquoi le gouvernement l’utilise ?

Sous le gouvernement de Michel Rocard, l’article 49.3 a été utilisé 26 fois. N’ayant pas la majorité à l’époque, il accueille tout débat d’un sourire avant de couper court à toute discussion. Quelques motions de censure fusent, bien sûr. Quelques temps après, la loi subit des changements sur les limites de son utilisation.

« La signification politique c’est qu’on utilise le 49.3 sur des textes dont le gouvernement ne veut pas qu’on parle » développe Gaël Kostic « sinon il y a des choses qui vont être dite dans l’hémicycle qui vont faire prendre conscience aux français que le Gouvernement a des difficultés qu’il ne peut pas résoudre ». Pour rappel, le 49.3 a été utilisé par le gouvernement sur la loi du budget 2023. Depuis le début du mois de septembre, les députés débattent sur les amendements. Mais, lorsque la discussion du Budget 2023 allait porter sur l’article disposant de la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF), le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a tenu à s’exprimer. Après son discours, le temps consacré à la discussion du Budget 2023 était écoulé. Un choix stratégique de la part du Gouvernement. Par cette action, il évite toute discussion pouvant réveiller l’animosité des députés. Lors de l’annonce de l’utilisation de la loi 49.3 par Elisabeth Borne, l’opposition s’exclame, s’énerve, certains quittent la salle, et les premières motions de censure tombent.

Le 49.3, un article démocratique ?

Tous les gouvernements utilisent le 49.3, il est évident que lorsque le Gouvernement à la majorité absolue au sein de l’Assemblée, il est plus facile de voter les lois sans débat.

Mais sans débat, la démocratie existe-t-elle ? Le principe même de faire passer les lois par l’Assemblée nationale est de donner indirectement la parole aux citoyens français. Se pose alors la question de la démocratie du 49.3. Si celui-ci est inscrit dans la constitution adoptée par référendum par le peuple français, le blocage de toute discussion sur une loi pose tout de même problème. Utilisé pour arrêter le débat, les Français ne peuvent alors être au courant du vote de lois qui pourrait bien bouleverser leur quotidien.

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