Après un rejet en commission des finances, la loi de programmation des finances publiques est aussi retoquée par la droite et la gauche à l’Assemblée.
Après deux 49.3, le gouvernement devait s’attendre à une coalition des oppositions vis-à-vis de son projet de loi de programmation des finances publiques. Faute d’avoir la majorité absolue à l’assemblée (251 sièges occupés, pour une majorité absolue à 289), le 25 octobre, la majorité des députés à l’assemblée ont rejeté le projet de loi de programmation des finances publiques. 309 voix contre et 243 voix pour, c’est le résultat du vote pour cette loi qui aurait dû rentrer en vigueur de 2023 à 2027.
Le projet déjà refusé le 4 octobre dernier en commission des finances avait pour objectif de ramener le déficit public sous la barre des 3% du PIB d’ici cinq ans. En 2021 par exemple, crise sanitaire oblige, le déficit public est de 160,9 milliards d’euros, soit 6,5% du produit intérieur brut. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement souhaitait maîtriser les prélèvements obligatoires et la dépense publique tout en continuant de financer les priorités (transition écologique et numérique, compétitivité des entreprises, plein emploi, …).
« C’est un rejet qui était attendu » a admis Gabriel Attal, l’ex-porte-parole du gouvernement a stigmatisé au sein de l’hémicycle l’opposition « quoi qu’il en coûte aux textes du gouvernement ». Le ministre de l’Action et des Comptes public a expliqué que « ce rejet met en difficulté le gouvernement dans ses relations avec Bruxelles », une difficulté pouvant entraîner dans le plan de relance, « un retard, un délai voire une amputation des fonds européens » a-t-il rajouté. Pourtant, la Commission européenne n’a pas confirmé les risques avancés par Gabriel Attal tout en précisant l’attention portée par le Conseil européen à « la soutenabilité du taux d’endettement de la France ».
Vers un nouveau 49.3 ?
Le gouvernement ne souhaite pas recourir à l’arme constitutionnelle pour faire passer ce projet. Une décision stratégique avant tout puisqu’hors projet de loi de finance et budget de la Sécurité sociale, Élisabeth Borne ne peut utiliser le 49-3 qu’une fois par session. La dernière chance pour le gouvernement sera de défendre ce projet de loi face au Sénat.
Pour l’opposition, c’est un nouveau revers qui en dit long sur la politique en place. Sur son compte Twitter, le député Insoumis Éric Coquerel a déclaré :« Voilà la vérité des prix sur le débat budgétaire quand l’assemblée a le droit de voter : la loi de programmation des finances publiques est largement battue. C’est une première, jamais gouvernement n’a été aussi minoritaire ». Pour le député Nupes de l’Essonne Antoine Léaument « sans 49-3, plus dur pour Macron de faire passer ses lois » (Twitter). C’est un sentiment partagé par l’ensemble du groupe Nupes comme nous l’explique l’ex-candidate LFI aux élections législative Louise Héritier « Le déni de démocratie, c’est la marque de fabrique d’Emmanuel Macron et de son gouvernement depuis le début. On a une douzaine de lois liberticides qui sont passées lors de son premier quinquennat, là, il gouverne avec des 49.3. Il y a un parlement qu’on a élu et pourtant, il n’a pas la possibilité de nous représenter ».
Côté Rassemblement National même constat, même si le refus de cette loi réside surtout dans la complaisance pour l’Union européenne. Philippe Lottiaux le député RN du Var a stigmatisé devant l’Assemblée une « programmation factice » qui aurait dû être modifiée dès le passage en commission.
Les alliés d’hier sont les ennemis de demain
Chez les Républicains après un soutien plus ou moins déguisé lors des votes des motions de censure, concernant la loi de programmation des finances publiques la droite républicaine n’a pas soutenu le groupe présidentiel à l’Assemblée. « C’est un projet de loi très technique, les Républicains ont voté contre parce que le projet n’est pas assez ambitieux en termes d’économie budgétaire » nous rapporte Romain Lefebvre le président des Républicains de l’Allier.
Les membres de Nupes ou du Rassemblement national estiment que les Républicains ne sont plus un groupe d’opposition à Emmanuel Macron à l’Assemblée. « Ils veulent maintenir leur barque et gouverner avec Macron » affirme Louise Héritier. A contrario, les Républicains se justifient avec le « jeu stratégique des partis à l’Assemblée » à l’instar du RN qui a voté pour la motion de Nupes. Pour Romain Lefebvre, les Républicains restent dans l’opposition : « Ne pas voter la motion n’est pas très significatif ni révélateur d’une quelconque alliance avec la majorité présidentielle ».
Ainsi, malgré la main tendue d’Emmanuel Macron qui a multiplié les allusions lors de son entretien avec Caroline Roux sur France 2 et les conseils de l’ancien président et modèle du parti Nicolas Sarkozy, les Républicains l’assurent : ils restent un groupe d’opposition à Emmanuel Macron, du moins jusqu’au congrès.