Politique Session parlementaire

Assurance-chômage : quel avenir pour les demandeurs d’emploi ?

Le Sénat a adopté dans la nuit du mardi 25 novembre le projet de loi sur la réforme de l’assurance-chômage. Celui-ci vise à moduler les indemnisations selon la conjoncture du marché du travail et propose d’en restreindre l’accès à certains demandeurs. Une décision sévère, qui heurte les principaux concernés.

Le sujet fait débat depuis longtemps dans la sphère politique. Proposé par le ministre du travail Olivier Dussopt et adopté en première lecture à l’Assemblée nationale début octobre, le projet de loi sur l’assurance-chômage a cette semaine reçu le feu vert du Sénat. Quelques modifications ont cependant eu lieu lors de son examen… La chambre haute du Parlement a ainsi adopté en première lecture l’amendement visant à pénaliser trois refus de CDI à l’issue d’un CDD. C’est maintenant au tour de la commission mixte paritaire d’en débattre et de s’accorder sur une version commune. Le projet de loi prévoit de plus d’en prolonger la version actuelle, qui aurait dû se terminer le 1er novembre 2022. Il permettra également d’adapter l’assurance-chômage en fonction de la situation dans laquelle se trouve le marché de l’emploi.

Selon le ministre du travail Olivier Dussopt, ‘’60 % des entreprises éprouvent des difficultés à recruter’’ et le système actuel n’est pas ‘’suffisamment incitatif au retour à l’emploi’’. Le patronat exige du gouvernement qu’il durcisse les conditions d’accès à l’assurance-chômage à ceux qu’il juge être des profiteurs. Un propos soutenu par la droite et l’extrême droite, utilisant souvent l’argument de « l’assistanat des chômeurs ». 5 millions de demandeurs d’emploi, 300 000 offres non fournies… Quand Valérie Pécresse parle alors d’1 million, ces chiffres résonnent pour beaucoup comme une preuve de leur complaisance à ne pas travailler.

Cependant, ces chiffres sont à remettre en cause. Premièrement, sur le nombre de postes à pourvoir. Le million d’emploi rapporté par l’ancienne candidate LR aux présidentielles est inexact, car basé sur les offres disponibles sur le site de Pôle emploi. Celui-ci est néanmoins largement exagéré. En effet, selon France 2, il y a une très grande quantité d’annonces qui se répètent, pour certaines des dizaines de fois. Ces répétitions sont possibles quand plus de 70% des propositions de poste de Pôle emploi proviennent de sites partenaires, cherchant à attirer les chômeurs sur leurs plateformes. Selon la CGT, sur 700 000 offres d’emploi publiées, 18% avaient une description exactement similaire à au moins une autre annonce. Une autre étude du syndicat explique que la moitié des propositions contenait des mentions illégales. Le chiffre le plus crédible d’emplois ne trouvant pas preneur est de 300 000 selon une infographie de Pôle Emploi. En 2020, sur 3,2 millions d’offres, 2,9 millions ont été fournis.

Le nombre de chômeurs doit aussi être remis en comparaison avec la quantité d’offres. Si tous les emplois étaient pourvus, il y aurait toujours plus de 2 millions et demi de chômeurs de catégorie A, c’est-à-dire sans activité et à la recherche d’emploi.

Une réforme culpabilisante

Pierrick Simon, secrétaire général du syndicat Force Ouvrière de Lorient dresse une analyse différente de celle des élus : “Le gouvernement ne cesse de dire que les chômeurs ne sont que des personnes fainéantes et qui abusent du système social, alors que la dernière étude de la DREES met en lumière qu’il y a plus de 30% des bénéficiaires de l’assurance-chômage et du RSA qui ne font même pas valoir leur droit.” Il précise ces raisons : ‘’ils n’y ont pas accès, soit par principe en refusant de toucher quoi que ce soit, ou alors parce que faire les demandes se révèle trop compliqué pour eux”. Un rappel au parti de la majorité que la situation n’est pas toujours aussi simple qu’il n’y paraît.

D’autres tels que Corinne Trotignon, représentante du personnel au Syndicat National de l’Entreprise Crédit Agricole et juge aux Prud’hommes, rappellent aussi que ‘’quelque part, on fait porter toute la responsabilité sur les demandeurs d’emploi et on en oublie ceux qui sont malades ou en incapacité de travailler. Certains secteurs comme celui du BTP induisent une certaine pénibilité qui oblige leurs employés à la reconversion. Lorsqu’on en vient à avoir si mal au dos qu’on ne peut plus se baisser, il est nécessaire d’évoluer vers un autre type de travail’’.
Une énième contradiction fait grincer des dents une grande partie des associations. Alors que la plupart des entreprises licencient leurs salariés ayant atteint un certain âge, le gouvernement s’obstine à vouloir prolonger la durée du temps de travail. Et lors de leurs dernières années, impossibles pour ces seniors de retrouver un poste ou de se reconvertir dans une sphère différente.


Mais alors, y a-t-il 300 000 feignants qui veulent profiter des aides ?

Les chiffres de Pôle emploi montrent que non. Sur l’ensemble des offres non fournies, 30% ont été annulées faute de budget, ou parce que le besoin avait disparu. 20% recherchent toujours de potentiels candidats et le reste concerne un manque de postulants. Environ 150 000 postes restent donc vacants.
Mais en désignant à répétition les mêmes coupables, l’Etat pense pouvoir remédier au chômage de masse. La solution ne se trouve pourtant pas toujours dans l’utilisation de la force ou des menaces. Revaloriser les secteurs délaissés par la majorité, c’est aussi une manière de contrer le manque de bras : ‘’ Toutes les études montrent que le problème, c’est la formation, l’attractivité de ces métiers et [leur] localisation’’, a souligné Laurent Berger sur France Info. Pour certains domaines, il suffit selon les syndicats de rehausser les salaires ou bien d’instaurer un autre mode de fonctionnement. Télétravail, flexibilité des horaires, juste équilibre entre la vie privée et professionnelle… Ce sont les premières requêtes entendues par les RH lorsqu’ils interrogent les candidats potentiels ou jeunes employés. Rendre un milieu plus attrayant, cela passe aussi par la qualité de l’environnement de travail et par la composition des équipes. ‘’Lorsqu’elles cherchent à pourvoir de nouveaux postes, les entreprises devraient privilégier la personnalité plus que la simple qualification. On peut aujourd’hui avoir un manager qui n’a pas forcément toutes les compétences requises pour le métier sur lequel il va être mis en responsabilité, mais dont le tempérament va galvaniser une équipe pour la faire travailler dans la bonne humeur et sans pression’’, révèle Corinne Trotignon.

Un soutien peu adapté

Pierrick Simon, secrétaire général de FO, explique qu’il existe “également un décalage important entre les compétences d’un grand nombre de demandeurs d’emploi et les offres qui leur sont proposées”. Pour qu’un chômeur puisse choisir un CDI, encore faut -il que l’emploi proposé lui corresponde. Mais comment respecter cette règle basique quand un conseiller pôle emploi s’occupe en moyenne de 116 chômeurs, selon des chiffres du Monde de 2013. Ce dernier varie cependant énormément selon les régions et les agences. Par exemple, un conseiller réunionnais prendra en charge 222 chômeurs, alors qu’en Corse, il n’en aura en moyenne que 66. Cette surcharge de travail joue sur la qualité de leur prestation et de leurs conseils, impactant pour la majorité de jeunes demandeurs, redirigés vers des postes précaires.
Lilian, ancien chômeur, revient sur les raisons qui l’ont poussé à refuser d’accepter deux CDI après des CDD de minimum 4 mois. « C’étaient des boulots en usine assez physiques. À 20 ans, j’ai du mal à m’imaginer devenir ouvrier et faire ce travail toute ma vie, mais c’étaient les seuls emplois proposés’’.
Dans la plupart des pays européens, l’accès à l’indemnisation de l’assurance-chômage est conditionné par une durée minimale de travail. Cependant, cette dernière peut varier en fonction des pays. En France, il faut six mois pour avoir le droit de toucher l’indemnisation, ce qui situe le pays dans la moyenne. Idem au Luxembourg, en Finlande, aux Pays-Bas, ou en Suède. En comparaison, en Italie, l’attente est seulement de trois mois. En revanche, dans tous les autres pays, cette durée minimale est de douze mois. En ce qui concerne la durée d’indemnisation, celle-ci est calculée en fonction du nombre d’années que la personne au chômage a déjà passé à travailler.

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