L’éducation nationale prévoit 935 millions d’euros dans le budget 2023.
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Budget de l’Éducation 2023 : « 2 000 euros minimum pour les enseignants, mais 2 000 postes vacants »

Chaque automne lors des votes du budget national, un thème sort du lot : le Ministère de l’Éducation nationale. Pour 2023, celui que l’on présente comme le premier budget de l’État, sera en hausse de 3,6 milliards d’euros. Alors que les enseignants désertent le secteur, cette hausse reste inédite.

Tandis que l’été 2022 est caractérisé par une pénurie nationale d’enseignants, c’est près de 60 milliards d’euros que le ministère de Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale, souhaite fournir dans l’enseignement grâce au budget 2023. 935 millions d’euros sont prévus uniquement pour le corps enseignant. La stratégie : gagner près de 3,6 milliards d’euros, et supprimer environ 2000 postes d’enseignants. L’État se félicite pour cette revalorisation qui n’est pas pour autant historique. 

Pénuries de professeurs

Pour répondre au manque d’enseignants en France, les académies ont organisé durant tout l’été, des journées de recrutements de professeurs pour la rentrée. Ces job dating permettaient d’employer des contractuels, des personnes en reconversion ou en recherche d’emploi qui avaient un certain attrait pour telle ou telle matière. Mais à ce jour, entre ces intermittents de l’enseignement qui peinent à titulariser leurs contrats et la suppression de ces quelque 1985 postes à la rentrée 2022, l’Éducation nationale pourrait subir un effondrement en 2023, même si le gouvernement prédit l’inverse. Gabriel Lausmone, professeur de mathématiques au lycée Jean-Pierre Timbaud à Brétigny et syndiqué à la CGT, crie au « désespoir des élèves tout comme les professeurs ». Il est clair que « nous [les professeurs] avons besoin d’un accompagnement complet en ce qui concerne notre formation qui perd de sa valeur » alerte-t-il. Il dénonce la paupérisation de la formation des enseignants. Autrefois, il fallait passer par une classe préparatoire après le bac, se spécialiser en mathématiques puis réaliser le parcours de magistère pour devenir professeur comme Gabriel Lausmone. Aujourd’hui, « quatre jours suffisent pour être jeté dans la fosse aux lions » et se retrouver devant une classe de trente-cinq élèves de collège, regrette l’enseignant.

2 000 euros et 2 000 postes plus tard

Vieillissement du corps professoral, déclin du recrutement, l’instruction fait face à une crise d’attractivité. Les enseignants expriment leur mécontentement concernant leurs revenus. La France, est d’ailleurs accusée d’être en retard par rapport à ses homologues européens, selon le rapport annuel de l’OCDE sur l’éducation, en ce qui concerne la rémunération des enseignants. En Finlande par exemple, les professeurs sont payés environ 15 à 18% de plus qu’en France. Mais pour autant, Emmanuel Macron s’en tient à ses promesses, « pas toujours tenues » rétorque Gabriel Lausmone. « Aucun professeur ne gagnera moins de 2 000 (euros) net par mois à partir de la rentrée prochaine » avait confirmé Pap Ndiaye dans un entretien au Parisien en juin dernier. « 2 000 euros minimum, mais 2 000 postes vacants », rappelle l’enseignant de mathématiques. C’est une réelle crise d’attractivité qui se dessine. Gabriel Lausmone se questionne : « 2 000 euros, c’est conséquent certes, mais l’ancienneté est-elle prise en compte ? Le contractuel à BAC+3 recruté en job dating bénéficiera-t-il du même salaire que le professeur d’histoire qui a 15 ans d’ancienneté ou de moi-même qui n’en a que six ? » Les contours de la revalorisation salariale des enseignants restent flous. Lors de sa seconde campagne électorale, Emmanuel Macron a annoncé une hausse de 10% pour tous les enseignants sans contrepartie pouvant allant jusqu’à 20% pour ceux qui « s’engagent à faire plus ».

Fermeture des classes : les élèves impactés

S’engager à faire plus. Mais comment ? Cette rentrée révèle une baisse préoccupante du nombre d’élèves dans tous les niveaux : plus de 500 000 élèves en moins. Le successeur de Jean-Michel Blanquer, Pap Ndiaye, répond à cela par des fermetures de classes « avec beaucoup de discernement » se dédouane-t-il. Mais quelles classes seront ciblées ? Quels niveaux ? Et surtout, où seront-elles fermées ? En matière de démographie, les banlieues et les campagnes sont des zones laissées-pour-compte. Il y avait 1,7 million d’élèves dans un des 7742 collèges et écoles en éducation prioritaire (REP-Réseau d’Éducation Prioritaire) en 2021. La plupart étaient situés en Ile-de-France. Ce sont dans ces mêmes lieux que l’on peine à trouver du personnel éducatif alors que les classes sont bondées. Le ministère rassure : « Il serait absurde de procéder à des fermetures de classes dans un monde rural un peu isolé de la même manière que dans les mondes urbains ». Mais cela ne répond pas à la question. Ils sont 67 000 jeunes à claquer la porte de l’école à la rentrée.

Ils sont 60 000 jeunes de tout âges à déserter les établissements scolaires à la rentrée 2022. source/Les Echos

Les parlementaires à l’Assemblée s’interrogent de cette gestion de la carte scolaire. Jérémie Patrier-Leitus, député Horizons, propose d’« associer pleinement les élus locaux aux décisions de fermetures de classes ». Sa collègue Béatrice Bellamy, souhaite modifier la carte scolaire pour « moins la fragiliser », estime-t-elle. Ce qui est certain, c’est que ces zones d’ombres font sourciller les enseignants et leurs syndicats qui relèvent un « manque de compréhension et d’investissement de la part du quotidien difficile des professeurs » s’indigne monsieur Lausmone.

Le Ministère espère obtenir une nette amélioration de l’attractivité du corps enseignant même si les concernés n’en sont pas convaincus. Surtout quand le rapport salaires/études incite beaucoup moins à se tourner vers cette voie.Ce que Pap Ndiaye désigne comme étant « le plus beau métier du monde » – l’a-t-il décrit dans un entretien au journal la Dépêche, le 2 septembre dernier –  s’effondre peu à peu, partout en Europe. 

En ce qui concerne Paris, 2 000 euros est-ce réellement suffisant pour jouer au maître ou à la maîtresse ?

Khoumbaré SEMEGA

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