
La ministre Rima Abdul Malak, a présenté le budget 2023 du ministère de la Culture. Entre la crise sanitaire et la révolution du numérique, la culture arrivera-t-elle à garder sa place en 2023 ?
11 milliards d’euros pour maintenir le navire à flot. C’est le budget prévu par le ministère de la Culture. Rima Abdul Malak a annoncé la part du projet de loi des finances 2023 pour la culture, le 26 septembre 2022. Elle a fini son discours par le poème de Frederico Garcia Lorca « Chants nouveaux » : en signe d’espérance pour le futur du secteur. Fortement touché par la crise sanitaire, la montée du numérique et maintenant par l’inflation, ce domaine cherche à remonter la pente. La ministre de la Culture estime que « la France est reconnue dans le monde entier pour la richesse de son patrimoine et la vitalité de sa création artistique », alors comment l’État va-t-il s’y prendre ?
Le projet de loi des finances 2023 prévoit une hausse de 527 millions d’euros par rapport à 2022, pour ce secteur avec : 4,2 milliards d’euros de crédits budgétaires, 3,8 milliards d’euros pour l’audiovisuel public, 769 millions de taxes affectées, et 2 milliards de dépenses fiscales.
Une culture pour tous
De nos jours, la culture est divisée en deux parties : les plus jeunes grandissent avec les écrans. Les 3 à 17 ans passent en moyenne trois heures par jour. Les plus âgés préfèrent les sorties : musées, théâtre, cinéma… La crise sanitaire du Covid-19 a accentué cette fracture. Cela a donné plus de visibilité au numérique, tout en faisant ressortir les inégalités sociales d’accès à la culture. L’un des buts du budget 2023, est « d’amplifier la politique d’éducation artistique et culturelle ». Depuis 2017, l’Éducation artistique et culturelle (EAC) a vu son budget doubler avec en plus, un déploiement du plan 100% EAC, qui regroupe plusieurs disciplines.
La finalité de ce projet est d’attirer les enfants vers la culture, tout en les éloignant des écrans, dès leur plus jeune âge. Dans le dossier de presse du PLF (projet de loi des finances 2023), du ministère de la Culture, Rima Abdul Malak donne des chiffres pour appuyer son propos : « 75% des élèves font désormais l’expérience d’au moins un projet culturel dans leur année scolaire, soit 9,3 millions d’enfants et adolescents. Plus de 3 écoles sur 4 et 9 collèges sur 10 ont un partenariat avec une structure culturelle. La pratique musicale a pris toute sa place dans la scolarité, par exemple grâce au plan chorale (75% des écoles primaires ont désormais leur chorale et 85% des collèges) ». Le Grand Est a compris le message : des résidences « Passerelles » ont été mises en place pour accompagner les enfants de la crèche à l’école maternelle, grâce à la musique et la danse.
Un accès « égal » à la culture
Pour les plus jeunes c’est en cours, mais que fait-on pour les adolescents ? Une campagne de communication avec une affiche « on a tous une bonne raison d’aller au cinéma », avait déjà été lancée pendant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, après la baisse de fréquentation de ces derniers. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), a publié un rapport affirmant que la fréquentation des cinémas est au plus bas depuis la réouverture en mai 2021. Luc, employé dans un cinéma en région parisienne, explique que « les journées passent lentement, et le peu de places vendues sont des films américains ». Le Pass Culture est vite venu appuyer cette campagne. Ce Pass est une application gratuite mise en place par le Gouvernement, pour les jeunes de 15 à 18 ans, afin d’avoir un accès libre et égal à la culture. Livres, musique, concerts, théâtres, visites du patrimoine français, presses… tout est dedans !
Ce dispositif propose 300 euros à ceux qui ont 18 ans, et 20 à 30 euros à ceux qui ont entre 15 et 17 ans. Le budget 2023 prévoit désormais 9,5 millions d’euros de plus qu’en 2022, c’est-à-dire 208,5 millions d’euros. Il est censé devenir plus collectif, tout en gardant sa partie individuel. Selon le dossier de presse présenté par l’État, 76% des jeunes sont allés plus souvent au cinéma, grâce au pass.
Les écrans ne sont pas encore partis aux oubliettes, mais ne serait-il pas temps de retirer la poussières de nos bons vieux livres ? Pour se faire, l’État encourage les écoles à mettre en place un quart d’heure de lecture par jour. Côté infrastructures littéraires, elles continueront de se développer, avec une extension des horaires d’ouverture des bibliothèques. Pour aider les personnes en situation de handicap, une plateforme nationale du livre sera ouverte en 2025. « La lecture sur tout le territoire » est également une ambition du Gouvernement à hauteur de 1,55 million d’euros. L’objectif est de renforcer la présence du livre, que ce soit en métropole, en Outre-Mer et même à l’étranger en passant par un « transport économiquement acceptable », dans un contexte de pénurie de carburant et d’inflation.
Suppression de la redevance en pleine « crise de l’information »
Depuis plusieurs années, la population française n’a plus confiance en les médias. Le numérique a des bienfaits, mais aussi des méfaits. Les réseaux sociaux prennent de plus en plus d’ampleur dans la société, mais ils produisent un effet d’information de masse, qui crée une perte de repères. La première source d’informations à l’époque était la presse. Désormais, le premier réflexe des Français est de regarder ce qu’ils ont loupé sur les réseaux, l’actualité mondiale vient bien après. Julie, bibliothécaire, explique que « peu de monde emprunte des livres de nos jours, mais les journaux c’est encore pire, je n’ai pas beaucoup de budget et de partenariat avec la presse, mais en même temps ça n’intéresse plus personne. ». L’inflation, la hausse du prix du papier, et la montée en puissance du numérique rendent le modèle économique de la presse fragile. Pour contrer cela, le PLF a prévu 20 millions de crédits pour la presse publique, ainsi que 114 millions pour l’audiovisuel public.
Cette « crise de l’information » a entraîné une suppression de la redevance télé en août 2022. Le budget 2023 augmente sur le papier certes, mais concrètement, il diminue sans la redevance. Le droit à l’information est important en France, mais comment peut-il être conduit correctement, quand 90% des médias appartiennent à des milliardaires ? Le but est de retrouver une information tout autant libre et indépendante, que fiable et de qualité. Pour revenir aux sources, un plan de transformation a déjà commencé en 2018, ce qui a permis à Franceinfo de devenir le « premier média français d’actualités en ligne ». C’est une première étape, mais il est demandé à l’État de rendre la presse plus proche de la vie de la population, que ce soit en métropole ou en Outre-Mer. France relance qui a beaucoup aidé la presse publique, prendra fin le 31 décembre 2022 : le Gouvernement s’engage à prendre le relai en continuant de soutenir la presse. Pour cela, le budget 2023 « propose d’allouer au secteur une fraction de TVA de 3 815,7 M euros en hausse de 114,4 M euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 », afin de couvrir les effets de l’inflation sur le secteur de l’audiovisuel public.
Fiona Lassagne