En France, plus de 30% de la population française vit dans un désert médical. Dans ce contexte, les sénateurs ont voté ce mardi 18 octobre en faveur de l’instauration d’une quatrième année d’internat aux étudiants en médecine générale.
Les élus ont examiné la proposition de loi qui consiste à « consolider la formation des internes en médecine générale afin de lutter contre les déserts médicaux ». Les internes en quatrième année de médecine auront alors à effectuer une année de professionnalisation en priorité dans les zones de sous-effectifs ou sous-dotée en offre de soins. Ce texte déposé par Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs LR a été inscrit dans l’agenda de la Chambre haute en attendant de pouvoir les présenter en 2023 via le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale).
C’est dans ce contexte qu’Hiba Trraf, ancienne cheffe de pédiatrie de l’hôpital de Montluçon (Allier), vient de poser sa démission. « Je ne cautionne plus la façon dont je travaille, dont les autorités de santé m’imposent de travailler. Je travaille en sous-effectif, j’étais la seule pédiatre inscrite à l’ordre des médecins depuis janvier dernier alors qu’on est censé être sept » s’énerve-t-elle.
« Le sous-effectif m’a amené à être épuisé physiquement et psychologiquement et à mettre en danger potentiellement les enfants. »
Le gouvernement semble vouloir établir des lois sans pour autant prendre en compte les remarques des professionnels de santé. « Je considère avoir reçu du mépris : quand j’ai signalé X fois soit à l’ARS, à l’Ordre des médecins, au Premier Ministre, au Ministre de la Santé, au Préfet, au Procureur de la République que ça n’allait pas et qu’on ne m’a rien proposé de concret », déclare l’ancienne pédiatre.
Instauré en 1971, le numerus clausus fixe le nombre limite d’étudiants pouvant accéder à la deuxième année dans les études de santé. (Médecin, pharmaciens, sage-femmes, dentistes…) Pendant plus de 50 ans, ce dispositif a été utilisé à des fins de régulations. Résultat, à la fin des années 1990, seulement 3 500 places étaient disponibles, ce qui peut expliquer le manque de personnel dans le domaine de la santé dans certaines villes/régions de France. Depuis, le nombre d’étudiants a presque triplé. En 2021, 10 500 étudiants sont entrés en deuxième année de médecine. Il faut alors garder un rythme qui permet de répondre aux besoins de la population sans que la qualité des services soit dégradée.
À la sortie de leurs études, les jeunes médecins privilégient souvent un poste d’employé. Le médecin salarié est engagé auprès d’un établissement par un contrat de travail (Contrat à durée déterminée ou Contrat à durée indéterminée). Il n’est pas indépendant financièrement et n’est donc pas rémunéré à la consultation, à l’inverse d’un médecin libéral. Dans l’ensemble, les étudiants préfèrent, à la sortie des concours, choisir une spécialité, plutôt que la médecine générale. « Depuis 2012, le nombre de médecins généralistes a chuté de 5,6%, alors que le nombre de médecins d’autres spécialités a augmenté de 6,4% », des chiffres qui résument bien la réalité des faits », relate la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques).
La coercition des étudiants en quatrième année de médecine va alors devenir une solution envisageable. « Les internes ça va bien de les forcer à faire les choses. Je pense qu’il n’y a pas que les internes de médecine générale qui doivent le faire mais bien toutes les spécialités. Les internes sont déjà assez en difficulté en étant payés 1 500 euros par mois pour 80 heures par semaine. C’est trop facile de trouver de la main d’œuvre pas chère comme cela, dénonce le docteur Trraf. Proposer une année supplémentaire est donc une bonne idée dans les déserts médicaux que cela soit pour les médecins généralistes ou pour les autres spécialités, mais pas en tant qu’interne. Une compensation financière est une solution qui peut convaincre certains étudiants à exercer dans des déserts médicaux pour compenser le fait qu’ils vont se retrouver un peu seuls et avec beaucoup de travail », termine-t-elle.
Or à ce jour, le gouvernement a utilisé l’article 49-3 de la Constitution sur les projets de loi de financement de la Sécurité sociale, qui vise à empêcher tout débat sur ce genre de propositions.