
8 avril 2021, Olivier Dubois était capturé par l’organisation Jnim, affiliée à Al-Qaïda. Malgré le temps passé, personne ne l’a oublié. Les mobilisations de solidarité se multiplient. Leur but ? Tout faire pour que le journaliste français soit libéré et retrouve sa famille.
18 mois. 78 semaines. 547 jours. Depuis tout ce temps, Olivier Dubois est captif dans le nord du Mali. Aucun journaliste français n’avait été retenu en captivité aussi longtemps.
Olivier Dubois, ce journaliste et pigiste, est un amoureux du Mali. Un pays où les tensions sécuritaires et politiques vivaces n’ont fait que s’accroître depuis cette journée du 8 avril, lorsqu’Olivier a été pris en otage. Comme de nombreux pigistes du métier, Olivier Dubois travaille pour plusieurs médias dont Libération, Le Point ainsi que Jeune Afrique.
Depuis un an et demi, c’est le silence radio. Ce silence assourdissant inquiète ses proches qui se posent beaucoup de questions. Peu d’informations ont filtrées. Il était parti interviewer un chef djihadiste à Gao, dans le nord du Mali. Il est depuis retenu en otage par le Jnim, affilié à Al-Qaïda. Seulement deux vidéos du journaliste ont été transmises. La dernière en date a été diffusée en mars dernier. On y voit Olivier Dubois demandant à ses soutiens de poursuivre leur mobilisation et aux autorités d’œuvrer à sa libération plus concrètement. Depuis, plus aucune nouvelle.
Mais que font les autorités pour Olivier Dubois ?
En août dernier, après le retrait des forces militaires françaises du Mali, le porte-parole adjoint des Affaires étrangères, François Delmas, affirmait que « le retrait de l’opération Barkhane du Mali ne diminuait en rien la mobilisation de la France pour faire libérer Olivier Dubois ». Avant de déclarer que « tous les efforts sont déployés pour obtenir la libération de notre compatriote. »
Face aux journalistes de France Info, Canèle Bernard, la sœur d’Olivier Dubois, s’indigne : « nous nous demandons toujours ce que font les gouvernements français et malien. Il en va de la responsabilité des deux pays, quels que soient leurs rapports. Nous leur demandons de réagir, la vie d’Olivier est en jeu. »
Néanmoins, rappelons que les autorités françaises sont dans l’obligation de garder leur opérations secrètes. En effet, révéler des informations reviendrait à mettre d’autant plus en danger la vie de la personne prise en otage.
La mobilisation des journalistes s’organise
Sans aides politiques, les initiatives des associations se multiplient. Depuis l’enlèvement du journaliste spécialiste du Sahel, Reporters sans Frontière n’hésite pas à monter au créneau. Que ce soit la création d’une instance de coordination avec ses proches, de grands médias et d’anciens reporters otages, l’organisation de rassemblements de soutien, la projection du portrait du journaliste sur le Panthéon le 7 mars ou encore la mise en place de banderoles à l’effigie d’Olivier Dubois.
« La mobilisation de toutes ces villes, un peu partout dans le pays, de Marseille où vit une partie de sa famille, à Fort-de-France en Martinique d’où Olivier est originaire, est un formidable message de soutien et de solidarité », raconte Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans Frontières. « Nous continuerons à nous mobiliser sans relâche pour qu’Olivier soit libéré et puisse continuer à nous informer. Nous en profitons pour remercier tous ceux qui travaillent aujourd’hui concrètement pour sa libération », complète-il. Une forte mobilisation de solidarité des confrères d’Olivier Dubois s’organise.
Afin d’éviter qu’Olivier Dubois ne sombre dans l’oubli, Libération et Reporters sans Frontières ont diffusé une tribune demandant aux autorités françaises et maliennes de renforcer leurs efforts et d’obtenir la libération tant attendue d’Olivier Dubois. De nombreux dirigeants de grands médias français ont décidé d’apposer leur signature. L’objectif de cet appel à la solidarité : « que personne, nulle part, n’oublie Olivier ».
Maria Malagardis, également journaliste à Libération et spécialisée sur l’Afrique, a eu à cœur de témoigner de sa mobilisation pour le Virus de l’Info.

Quels étaient vos liens avec Olivier Dubois ?
J’ai la charge de l’Afrique à Libération et il est notre correspondant au Mali. Donc, évidemment je le connaissais bien. J’étais assez régulièrement en contact avec lui. On échangeait au moment où il avait des articles à publier. Ça ne faisait pas très longtemps qu’il était notre correspondant. Je ne saurais pas vous dire la date exacte, mais disons que globalement, ça devait faire un an et demi qu’il était devenu notre correspondant sur place. Puisque le Mali est souvent dans l’actualité, aussi bien à cause des groupes armés djihadistes et, jusqu’à une période très récente, que de la présence de l’armée française sur place, on était évidemment très attentif à l’actualité de ce pays-là avec Olivier.
Comment la rédaction de Libération a réagi à l’annonce de la prise d’otage d’Olivier Dubois ?
Ce n’est pas le rôle des journalistes d’aller récupérer des otages au fin fond du désert. En revanche, évidemment qu’on s’est très tôt mobilisés pour essayer de voir ce qu’on pouvait faire. On a eu des rendez-vous réguliers avec la cellule de crise du Quai d’Orsay. On s’est mis en contact avec la famille. On essaye également de mobiliser l’opinion, de retenir l’attention, de rendre cet enlèvement visible à des dates. En fait, c’est à peu près tout ce qu’on peut faire. Essayer de se tenir au courant de ce qui pourrait éventuellement être entrepris pour aider à sa libération. Mais là, je ne suis pas certaine qu’il y ait beaucoup de choses qui soient fait dans ce sens à l’heure actuelle.
Cette mobilisation a-t-elle un véritable impact à vos yeux ?
C’est difficile d’avoir un ressenti vis-à-vis de ces réunions. Les autorités nous ont toujours dit qu’elle s’en occupaient, qu’elles étaient attentifs et tentaient des choses. Maintenant, avec les données actuelles de la situation au Mali, cette mésentente qui a l’air durable entre Paris et Bamako, laisse peu d’espoir sur une collaboration entre les autorités françaises et maliennes. Des actions entreprises par la France seule dans un territoire dont les autorités lui sont hostiles sont aussi assez improbables maintenant. Peut-être que ça a lieu, mais cela semble assez improbable. Et quel que soit le discours que nous tienne le Quai d’Orsay, nous leur montrons qu’on est vigilant, qu’on est là. C’est vrai que la situation est beaucoup plus inquiétante qu’elle ne l’était il y a seulement un an, avec cette escalade de la brouille diplomatique entre ces deux pays, donc évidemment, il n’y a pas de raison d’être rassuré.
Face aux difficultés qu’engendre ces tensions, a-t-on encore de l’espoir de pouvoir le récupérer ?
On aura toujours espoir. On est obligé de maintenir cette idée. On fera tout pour mobiliser l’attention sur le fait que ça fait trop longtemps qu’il est otage. Il faut d’autant plus rendre visible la situation d’Olivier. Il faut absolument que les gens sachent que ce qu’il vit est proprement inhumain. On sait peu de choses, mais on peut facilement s’imaginer vivre dans le désert dans des conditions de précarité énorme, en plus dans une zone qui est potentiellement une zone de combat. Il y a aussi la situation sur le terrain qui reste extrêmement alarmante avec une recrudescence d’affrontements entre groupes djihadistes et l’armée régulière malienne, aidée des mercenaires russes. Il y a des risques objectifs pour lui qui sont liés à cette situation d’insécurité extrême qui s’ajoutent à la précarité de la vie dans le désert qui est loin d’être facile.
Cela fait maintenant 18 mois qu’Olivier Dubois est retenu en captivité. C’est la plus longue prise d’otage d’un journaliste français. Avez-vous peur qu’on l’oublie ?
Ce qui est certain, c’est que plus le temps passe plus il est nécessaire de rappeler cette histoire. Parce que, paradoxalement, la dureté de ce qu’Olivier subit est proportionnelle à la tentation effective de l’oublier. C’est pourquoi, on met un point d’honneur à lutter contre ça et à faire en sorte que les journalistes, mais aussi l’opinion française n’oublient pas qu’il est le seul otage français dans le monde en ce moment. N’oublions pas que ce journaliste n’a pas vu ses enfants depuis 18 mois. Il se retrouve retenu contre sa volonté dans un endroit isolé. C’est autant de temps de vie avec ses proches qui est perdu.
Il faut aussi s’imaginer que la vie dans le désert, outre la précarité des conditions, est aussi une vie difficile à assumer dans le vide de l’action. Il n’y a rien à faire dans la journée. Il a peut-être inventé des stratagèmes pour survivre à la longueur des journées et des nuits. Mais a priori, le désert, comme son nom l’indique, c’est le désert et donc ce n’est pas simplement être prisonnier, c’est être seul loin de tout.
Pensez-vous que la tribune, initiée par Libération et RSF, va faire bouger les choses ?
Non, objectivement, non. Ce n’est pas ça qui va faire bouger les choses. Il y a quand même une mobilisation de l’ensemble des médias français qui ont tenu à souligner que cette situation est insupportable. Ils ont tenu à cœur de faire quelque chose pour un concitoyen qui se retrouve, contre son gré, détenu par des groupes armés. Il faut tout tenter, tout ce qui est possible pour le sortir de là. Et ce message est autant plus évident qu’il est aussi empreint d’une certaine suspicion sur le fait qu’il n’y a pas assez de choses de faites, c’est sûr. Il est donc important de montrer aux autorités françaises que les médias sont solidaires dans ce combat et que l’on n’acceptera pas qu’Olivier soit abandonné.