James natchwey photoreporter de guerre

Sous l’effet combiné de la démocratisation des smartphones et de la portée toujours plus grande des réseaux sociaux, chacun peut désormais diffuser une information, une image, une vidéo à une audience importante. Alors, serons-nous, demain, tous photoreporters de guerre ? Éléments de réponse avec Camille Simon, iconographe chez l’Obs et Dimitri Beck, directeur de la photographie chez Polka.

Alors que la diffusion d’informations n’est plus l’apanage des journalistes ni des photojournalistes, la profession s’en trouve-t-elle pour autant fragilisée ? Selon Camille Simons « le fait de poster des photos sur les réseaux sociaux ne vient pas remplacer le travail des photojournalistes qui sont sur placeOn est tous capables de témoigner de quelque chose qui se passe sous nos yeux. En revanche, on n’est pas tous capables de rapporter une information qui soit correcte, vérifiée et qui ait une vraie importance journalistique. »

N’ayant plus la mainmise sur l’accès et la diffusion de l’information, la plus-value journalistique repose donc davantage sur la hiérarchisation de l’actualité. Plus encore, l’approche journalistique exige de vérifier, de traiter et de décrypter l’information. 

« Le journalisme est un métier parce qu’il a des règles – sourcer l’information, la vérifier… Si une vidéo choc circule sur les réseaux sociaux, des gens, de bonne foi, vont relayer les images. Ils sont touchés, ils sont sincères dans ce qu’ils font, mais ils n’ont pas recoupé les informations parce que ce n’est pas leur métier », abonde Dimitri Beck.

Cette démultiplication de photojournalistes amateurs n’est pas sans conséquence. Ainsi, de nombreux journalistes se sont inquiétés du nombre de jeunes reporters débutants, voir inexpérimentés, couvrant le conflit russo-ukrainien. 

Pour Camille Simon, c’est cette « envie d’être là où ça se passe, parce qu’il faut en être, parce qu’il y a de l’adrénaline, parce qu’on veut être plus fort pousse des gens à couvrir ce conflit. Des gens qui ne sont pas compétents, qui ne sont pas formés, qui ne sont pas forcément aptes à gérer une situation avec un fixer, pour trouver des gilets pare-balles, d’avoir les bonnes formations aux premiers secours face à un problème… Et eux vont se mettre en danger, vont mettre en danger les fixers, en mettre en danger les populations sur place aussi» 

Outre les risques et les dangers que cela induit, « le fait que ça passe par des non-professionnels fait qu’on perd beaucoup en déontologie », poursuit Camille Simon. « Comme ce ne sont pas des photographes professionnels, ils n’ont pas la distance professionnelle qui fait qu’ils ne vont pas prendre un cadavre en pleine face comme ça. Donc du coup on est amené à avoir plein d’images plus frontales et plus dégueulasses. » 

Plus encore, l’absence de modération sur les réseaux sociaux rend caduque toute tentative de contrôle sur la diffusion de ces images. « Avant, les bureaux AFP filtraient les images. Donc les photos de corps, de cadavres, tout ça avant était filtré trois fois, avant que ça ne soit publié dans les journaux. Aujourd’hui ça passe directement du photographe au réseau social. Et ça, effectivement, c’est un truc assez nouveau qu’on ne voyait pas avant », conclut Dimitri Beck.

+ posts

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici