
Les lycéens sont extrêmement nombreux à venir cette année pour la 29e édition du Prix Bayeux. Une chance pour ces jeunes de découvrir des expositions et des projections poignantes sur la guerre à travers le monde. Une véritable immersion en terrain miné qui complète et concrétise les savoirs pédagogiques.
« Bouleversant », « horrible », « pire qu’à la télé », devant le parvis de l’office du tourisme, les étudiants du lycée Lebrun de Coutances sont attroupés et partagent leurs impressions. Ils sont venus passer une journée en immersion au Festival des reporters de guerre de Bayeux. Une chose est sûre, le programme de la journée est chargé en visite, en découverte et en émotion. Avec »Albert Londres et l’image », »Marioupol » et »Afghanistan, des promesses gravées dans la glace, laissées au soleil » : le groupe a pu voir dans la matinée trois expositions différentes. Si certains élèves restent plutôt silencieux et pensifs, d’autres, au contraire, avouent avoir besoin de parler pour extérioriser : « on échange beaucoup entre nous. Il faut, c’est important. Il ne faut pas garder ça pour soi », témoigne Alix, en terminale spécialité géopolitique.
Malgré la dureté des images auxquelles elle a fait face durant la matinée, elle trouve positif d’être renseignée et sensibilisée aux enjeux du monde. « Cette immersion m’a permis d’être face à la réalité des choses », souligne-t-elle. Claire Beauruel, chargée des scolaires au sein du service communication de la mairie de Bayeux, confirme en ajoutant : « Cet événement est percutant, pertinent et essentiel pour les élèves. » Noémie, elle, a été bouleversée de voir des gens de son âge sur les photos des différentes expositions : « il y a de nombreux jeunes, ça pourrait totalement être nous. »
Projection d’un documentaire
La journée n’est pas terminée pour les étudiants du lycée Lebrun. Après les expositions le matin, l’après-midi est consacrée au visionnage de documentaires. Le groupe rejoint le cinéma à 14h. Dans la salle de projection La Halle ô Grains, rue Saint-Jean, ils sont loin d’être les seuls scolaires. Plus de 140 élèves du Calvados, sont présents, remplissant plus d’un tiers de la salle. Les jeunes assistent à la projection du film Shooting War, du réalisateur australien Patrick Dell. Un documentaire mettant en scène neuf photographes de conflit.

Après le film, une séance questions/réponses est organisée. Durant les 45 minutes d’échange, le réalisateur mesure l’impact de son film sur les centaines d’élèves présents dans la salle. Un grand nombre d’entre eux prend la parole. Parmi la foule, une jeune étudiante presque camouflée derrière un béret noir, prend le micro et demande d’une voix tremblante : « comment prendre du recul quand on est touché par ces évènements ? » Dix secondes s’écoulent entre la traduction et la réponse de l’intéressé : « C’est compliqué, mais il faut savoir dire stop. On échange avec notre équipe qui nous aide. »
Suite à l’échange, au bord d’une terrasse bajocasse, l’Australien de naissance témoigne avec beaucoup d’humilité et d’émotion sur « le profond impact » qu’a pu avoir son film sur les élèves. « Je ne force pas les jeunes à s’intéresser aux sujets sérieux, j’essaie simplement de rendre ces sujets accessibles grâce aux reportages », explique-t-il. Le réalisateur nuance toutefois son propos en expliquant que le mythe du reporter de guerre que peut se faire le grand public, notamment les plus jeunes, est souvent très romancé. « Certaines personnes pensent qu’il suffit de porter une GoPro, d’être animé par des sensations fortes pour se rendre sur les zones de conflits », analyse Patrick Dell.
Une éducation concrète aux médias
« Généralement, pour les étudiants, il y a un avant et un après Bayeux », reconnaît Claire Beauruel. Signe que la sortie dans la ville de la tapisserie n’est pas uniquement une sortie entre copains et copines. S’inscrivant parfaitement dans le programme de 1ère et de Terminale, cette escapade pédagogique a pour but « de réconcilier la société avec ceux qui nous informent », estime Christian Savary, professeur d’histoire-géographie à Coutances. Un enjeu sociétal plus que pédagogique, « il est nécessaire d’échanger avec les élèves mais pas que. Ces derniers devront en parler à leurs parents pour continuer le travail ». Le professeur réalise l’impact qu’a eu cette journée sur ses élèves « l’exposition sur Albert Londres était plutôt spartiate mais quand on a été à celle sur Marioupol… [il s’arrête] ils étaient bouleversés, mais pas que… ils étaient grandement intéressés. »
Romane, son élève, explique à ce propos qu’en visitant l’exposition d’Albert Londres, ils ont parlé du rôle des médias et de son importance. Un intérêt prononcé donc et des clés qui sont apportées : « pour comprendre le monde qui les entoure, sur les conflits passés et présents », précise la chargée des scolaires. Des échanges constructifs, qui amènent certains élèves à réfléchir sur leur avenir : « ça crée des vocations car certains poursuivent sur des écoles de journalisme », conclut-elle.
Lucy Bigard et Cyril Chiaffi