Depuis le début de la guerre ukraino-russe, on ne compte presque plus les morts. Les images fusent pour raconter le récit des civils, des militaires et des familles qui tentent de fuir et de défendre leurs patries. Cette abondance d’images pour raconter cette guerre n’aurait pu être possible, sans le travail plus qu’important et crucial des correspondants de guerres. L’avènement de ce conflit a ouvert une boîte de Pandore pour de nombreux jeunes journalistes et pigistes qui foncent à tête baissée au cœur de ce conflit. Ils espèrent obtenir des opportunités professionnelles auprès de grandes rédactions. Parfois sur le terrain sans commandes de la part de journaux. Ces journalistes d’une tout autre génération entendent bien se faire une place coûte que coûte parmi les monuments de la correspondance de guerre.

Une opportunité à portée de main des jeunes journalistes
Le conflit en Ukraine attire de plus en plus de jeunes journalistes et photoreporters. Certains débordent d’envie de documenter et de relater cette guerre. Tandis que d’autres y voient une opportunité pour se faire connaitre des médias et ainsi donner un élan à leur carrière professionnelle. Et ça l’association Reporters Sans Frontières l’a bien compris. Ils ont vu débarquer en Ukraine une horde de journalistes, certains peu expérimentés et sans préparation. “C’est un conflit à moins de 2000 kilomètres de chez eux. Bien évidemment que certains y voient une opportunité pour se démarquer. (…) Mais cela ne doit pas déroger à la prudence et aux règles de sécurité” rapporte un membre de l’association. En effet, depuis le début du conflit, les accréditations accordées – estimées à plus de 2 000 – aux journalistes du monde entier pour couvrir cette guerre fusent. Ce chiffre colossal enregistré par le ministère de la Défense ne prend pas en compte certains journalistes pigistes arrivés sur le territoire ukrainiens en quête de boulot sans forcément s’annoncer.
La course au sensationnalisme avant la sécurité !
Face à la cohorte de journalistes, la concurrence fait rage ! Beaucoup ne sont pas préparés au terrain. Formation médicale manquante et protection de sécurité sommaire, certains tentent de recueillir le moindre cliché et la moindre information parfois au péril de leur vie. Pour Reporters Sans Frontières, cette envie de briller et d’informer ne doit en rien se soustraire à la prudence. Plusieurs correspondants de guerre déclarent avoir vu débarquer médusés cette nouvelle génération de jeunes journalistes naïfs et insoucieux comme dans une cour de récré. “Une fois, nous entendions des chars et des militaires passer au loin. (…) Un jeune journaliste freelance criait excité à tout prix qu’il fallait s’en approcher. Alors qu’il n’avait sur lui ni trousse de sécurité, ni protection adéquate” nous rapporte une journaliste spécialisée dans les opérations militaires. “Je n’en revenais pas d’apprendre qu’un jeune freelance était venu sans la moindre commande et sans l’appui d’un média. (…). Et pour couronner le tout, il ironisait du fait que s’il était touché, ce serait la merde pour lui. Car il ne savait même pas faire un garrot !”.

Crédits photo : Exposition : Ukraine une guerre de trop AFP
Une concurrence toujours plus accrue entre les correspondants de guerre
Si certains reporters de guerre habitués au conflit affirme ne voir en rien l’arrivée de ces jeunes journalistes comme une concurrence. C’est leur manque de connaissance et de préparation qui semble agacer. Gestes brusques, non-connaissance réelle du danger, parfois même absence de gilets par balle et de la balise Press… “Avec cette guerre en Ukraine, décidément, on aura tout vu !” s’exclame un membre de l’association Reporter sans Frontières. Mais comme dirait le journaliste indépendant Louis Witter dans un tweet “En tant que pigiste on a le droit de vouloir raconter ce qu’il se passe”.
On ne peut empêcher la nouvelle génération de journalistes de vouloir se faire une place et de travailler sur des événements et des conflits qui vont à jamais marquer l’histoire. Cette sensation d’aider à raconter au public ces histoires est sans doute l’une des choses les plus gratifiantes. Pour autant, une formation s’impose. Reporters Sans Frontières a mis en place des règles de base pour protéger ses journalistes à l’étranger et en couverture de zones de guerre. En mars dernier lorsque la guerre ukraino-russe a éclaté, ils envoient plusieurs cargaisons. Afin de protéger les journalistes ukrainiens qui par les circonstances se transforme tout à coup transformé en reporter de guerre. Ils ont notamment fourni des trousses médicales d’urgence, ainsi que du matériel de sécurité via leurs centres pour la liberté implantés à Lviv et à Kyiv en Ukraine.
Un journalisme 2.0 qui plait aux jeunes
Si cette nouvelle horde de journalistes correspondants de guerre peu expérimentés et préparés agacent certains, elle enchantent d’autres. En effet, les plus jeunes semblent y trouver leur compte. Puisque ces journalistes-là à l’ère du numérique semblent maîtriser les codes auprès d’un public de plus en plus jeune qui s’informent peu par les médias traditionnels. “C’est un peu grâce à eux que j’ai commencé à m’intéresser au conflit qui opposait la Russie à l’Ukraine. Surtout sur les réseaux sociaux et avec Youtube”, nous explique Édouard, lycéen de 17 ans présent à l’exposition « Ukraine, une guerre de trop » de l’Agence France Press. Ces ces nouveaux journalistes 2.0 repoussent sans cesse les limites, pour du contenu qui fera sensation sur le web et enfin se faire voir d’une rédaction. Le danger lui reste toujours aussi présent.