Exposition sur l'Ukraine, une guerre de trop au Prix Bayeux 2022
Cette année, au Prix Bayeux 2022, les expositions de plusieurs reporters de guerre sont à l’honneur. En passant par les bombardements à la maternité de Marioupol jusqu’à Port-au-Prince à Haïti où la vie des habitants est bouleversée par la violence des gangs, les conflits armés ne cessent de faire des victimes. Quelque soit la zone de conflit, les populations subissent au quotidien violences, oppressions et révoltes. En effet, certains tentent tout de même de faire bouger les choses. Les photo-reporters racontent leur histoire.
Albert Londres et l’image – Commissaire d’exposition : Hervé Brusini
Père fondateur du journaliste reporter de guerre, l’histoire d’Albert Londres est racontée à l’occasion du Prix Bayeux 2022. Maître de l’art du récit et connu pour son engagement contre l’injustice et les inégalités, il était aussi un photographe reconnu. 800 clichés ont été recensé lors de cette exposition, retraçant ses débuts en tant que qu’apprenti journaliste jusqu’à sa professionnalisation. Ses plus grandes enquêtes à travers le monde sont illustrées grâce à ces clichés, dont certains étaient publiées dans les grands journaux de l’époque comme Le Petit Parisien mais beaucoup seront exposés pour la première fois lors de cette exposition.
Ne pleure pas, c’est notre patrie – Abdulmonam Eassa et Edouard Elias
Abdulmonam Eassa, photo journaliste indépendant franco-syrien et Edouard Elias, journaliste et photographe français se sont rendus dans la région du Darfour au Soudan, dans les montagnes du Jebel Marra. Ce lieu de résistance est une forteresse insaisissable. Pour s’y rendre il faut marcher plusieurs heures en passant par des chemins étroits et rocailleux. Une nature verdoyante compose ces montagnes mais elles portent encore les stigmates de la guerre. En état de siège depuis 2003, ce massif est contrôlé par l’Armée de libération du Soudan, l’une des dernières rébellions armées du pays. L’origine du conflit vient de la terre. Cette région située à l’Ouest du Soudan est bordée par la Libye, le Tchad, le Centrafrique et le Soudan du Sud. Différentes communautés habitaient dans le Darfour : Four, Massait, Zaghawa, Berti, Tunjur et des tribus nomades arabes appelé Riziegat. Mais au début des années 1980, la région connaît une grande sécheresse. Cet événement a poussé les tribus nomades, majoritairement arabes, à convoiter les terres des paysans. La convoitise territoriale c’est empirer. L’arrivée au pouvoir d’Omar Al-Bachir par la force à favoriser la création des milices de tribus arabes. Face à ces milices armés de plus en plus violentes, les autres communautés décident de créer des mouvements rebelles dont l’Armée de libération du Soudan. Abdelwahid Mohammed est à la tête du groupe. En 2003, Omar Al-Bachir décide de lancer une opération de répression et de nettoyage ethnique contre les mouvements rebelles. Le Darfour devient le théâtre d’affrontements sanglants. La chute d’Omar Al-Bachir crée une lueur d’espoir mais vingt ans après le Darfour n’a toujours pas retrouvé la paix. Des milliers de civils ont trouvé refuge dans le Jebel Marra et beaucoup d’entre eux, femmes et enfants compris, rejoignent le mouvement rebelle. Ils revendiquent l’égalité entre toute les populations soudanaises, quelque soit l’ethnie ou la religion. Abdelmonam Eassa et Edouard Elias racontent leur histoire à travers une trentaine de clichés exposés au Prix Bayeux 2022.
Evgeniy Maloletka est un photojournaliste et photographe de guerre ukrainien. Il travaille chez Associated Press, tout comme le caméraman Mstylav Chernov. Dmytro Kozatski, lui, est militaire et photographe. Tous les trois sont ukrainiens et racontent par des images, l’histoire tragique de Marioupol, ville industrielle et aujourd’hui symbole de résistance du peuple ukrainien face à la puissance militaire russe. Cette exposition raconte les événements de trois dates clés du conflit ukrainien : le bombardement de la maternité de Marioupol le 9 mars, le bombardement du théâtre le 16 mars et la prise de l’usine Azovstal le 20 mai. Cette année, pour la 29ème édition du Prix Bayeux, Evgeniy Maloletka a remporté le 1 er prix de la catégorie photo du jury international prix Nikon.
A Port-au-Prince, la vie au gré des gangs – Exposition collective par Médecinsans frontières
Cette exposition collective est proposée par Médecin sans frontières. Depuis 2019, la crise politique et économique s’est ancrée à Haïti et a favorisé la montée en puissance des gangs. La capitale, Port-au-Prince, se retrouve dans un engrenage de violence sans nom, dans l’impunité la plus totale. Avec l’assassinat du président Jovenel Moise en juillet 2021, l’incertitude et le chaos s’est emparé de la ville, profitant l’emprise des gangs. Aujourd’hui, près de 200 gangs sont recensés et les différents quartiers de la ville se sont transformés en zone d’affrontement. En un an, ces affrontements ont causé la fuite de milliers de famille. Ceux qui ont décidé de rester et de poursuivre une vie normale comme aller à l’école, au travail ou faire des courses s’exposent au risque d’être blessé, rançonné ou kidnappé. En 2021, environ 1000 enlèvements ont été recensés par le centre d’analyse et de recherche en droits humain (CARDH), contre 796 en 2020. Ce pic de violence s’ajoute à l’a corruption, la pauvreté et les inégalités déjà fortement ancrées dans le pays. Les premières victimes de ce conflit armé sont les habitants eux-mêmes. L’espoir se perd et la seule issus pour certains, est l’exode vers les Etats-Unis.
Afghanistan, des promesses gravées dans la glace, laissées au soleil – Kiana Hayeri
“L’afghanistan est un pays d’extrêmes, où l’on trouve, dans le même temps, le meilleur et le pire de l’humanité.” Ce sont les mots de Kiana Hayeri, photojournaliste d’origine irano-canadienne basée à Kaboul en Afghanistan. A l’approche des 20 ans de l’invasion américaine, Kiana Hayeri a passé l’année dernière plusieurs mois à Kaboul avec les civils, notamment les femmes afghanes. Un grand nombre de ces femmes se sentent abandonnées et délaissées depuis le retour des talibans au pouvoir. En seulement vingt jours, les droits et les libertés des Afghanes sont à nouveau bafoués et restreints. Kiana Hayeri racontent l’histoire de ces femmes dont certaines ont dû faire le pire pour s’en sortir.
C’est le retour de la guerre en Europe. Aris Messinis, photo reporter, arrive en Ukraine dix jours avant l’invasion russe, déclenchant le plus grand conflit en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Le photoreporter avait déjà couvert des évènements en Ukraine tels que les manifestations pro-européennes de la place Maïdan en février 2014. Un événement qui accélèrera l’annexion de la Crimée par la Russie et le début du conflit dans le Donbass. En 2022, Aris Messinis a effectué deux missions, soit 70 jours sur le terrain. C’est un témoin clé de cette guerre, il ira dans un premier temps à Irpin et Boutcha dans la banlieue au nord de Kiev puis à la ligne de front du Donbass. Il sera à la fois proche des troupes militaires et des populations les plus exposées au conflit. Cette exposition raconte le désespoir et la désolation des soldats et des civils mais surtout les conséquences dévastatrices de cette guerre.