carte explicative du voyage
War Room Ukraine

« En 48 heures il n’y a eu que deux arrêts »

Danaya, étudiante d’origine Franco-Ukrainienne, nous raconte l’enfer qu’ont vécu sa mère et sa grand-mère pour quitter l’Ukraine. Un parcours long qui illustre l’enfer de l’exode que vivent les ukrainiens depuis le début de la guerre. 

Quel était le contexte sur place avant la déclaration de guerre ?

Depuis un mois, nous savions que la situation était instable mais personne ne pensait qu’il pourrait y avoir la guerre. Nous imaginions encore moins que des villes comme la capitale puissent être touchées. Pour nous tout ça resterait à la frontière. 

Comment avez-vous réagi à l’invasion russe ? 

J’ai reçu un appel de ma mère à 7 heures du matin. Elle était en panique, on entendait les sirènes en fond. C’était vraiment dur. Elle me disait qu’elle m’aimait pendant que j’essayais de réaliser. J’entendais les sirènes derrière elle. En premier, je lui ai dit de faire des provisions, ce qu’elle est directement allée faire. Ensuite, j’ai commencé à chercher un moyen de les faire fuir. 

De quelle région sont-elles partis ? 

Ma grand-mère habite en pleins centre-ville de Kiev, elles sont toutes les deux parties de là-bas. On a une très belle vie là-bas. Ma grand-mère a très mal vécu cette étape. Elle voulait rester jusqu’au bout. Il est dur pour elle de ne pas savoir si elle retournera chez elle un jour. Elles sont parties avec le nécessaire, mais tout le reste est resté à Kiev. Les souvenirs, toute sa vie…

Avaient-elles une destination en tête ?

Pas forcément, le but était de fuir au plus vite. J’ai organisé de France leur départ. Tout a été fait dans l’urgence. J’ai cherché toutes les destinations possibles. Roumanie, Hongrie, Moldavie, mais c’est la Pologne qui s’est imposée. De plus, il y avait un accueil organisé là-bas donc c’était plus facile pour elles. Elles n’étaient pas lâchées dans la nature, il y avait une certaine prise en charge. 

Quelles ont été les grosses difficultés dans les recherches ?  

Il ne restait que des trains et des bus, j’ai donc cherché tout ce qu’il y avait. J’ai même réservé un train à 500 euros en direction de Varsovie, qui a été annulé. Les autres trains n’étaient pas avant samedi ou dimanche. Ça paraissait tellement loin. Les recherches étaient une succession de faux espoirs. J’ai alors, après 8 heures de recherche trouvé un bus sur un site polonais. La difficulté était qu’il partait à 5 km de chez ma grand-mère, mais je n’avais pas le choix. C’était le bus miracle. 

Comment s’est déroulé le voyage ?

Le bus devait parcourir 900 kilomètres jusqu’à Varsovie. Elles ont pris le bus qui était surchargé. Il y avait du monde debout dans le couloir, les conditions étaient vraiment compliquées. Ma mère avait même un enfant sur les genoux. Au niveau du trajet, il a duré environ 48 heures. Il a fallu contourner des villes qui étaient bombardées. Il s’est écoulé à peu près 9 heures pour parcourir 130 km. En 48 heures, elles n’ont pu descendre du bus que deux fois, il n’y a eu que deux arrêts. Elles ne buvaient pas pour éviter d’avoir besoin d’aller aux toilettes. Elles ne mangeaient pas non plus, et le sommeil était impossible. Pendant un arrêt, ma mère a voulu prendre une photo pour montrer ce qui se passait, mais elle a été contrôlée et contrainte de supprimer les images par l’armée Ukrainienne. C’est une règle en tant de guerre, pas d’images. De mon côté, j’ai fait le voyage vers la Pologne pour aller les chercher, et après ce long voyage, nous avons enfin pu nous prendre dans les bras. Il n’y avait plus la crainte des bombardements. 

Comment ont-elles vécu l’arrivée ? 

C’était très dur, ça l’est toujours d’ailleurs. Ma mère a eu du mal à reprendre ses esprits, c’est un symptôme post-traumatique. Elle me racontait n’importe quoi, comme si elle s’était déconnectée. Ma grand-mère a pu elle aussi se reposer. Très dur aussi pour elle, d’accepter de laisser son chez elle. Elle espère toujours pouvoir rentrer au plus vite. 

Maintenant, nous aidons de nouvelles familles à trouver de quoi loger en France. C’est la continuité de notre action, depuis la France. 

Violaine Verniol & Khoumbaré Séméga

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