War Room Ukraine

Conflit russo-ukrainien : des sanctions dures et des conséquences en boomerang.

Alors que l’offensive russe perdure en Ukraine, les sanctions à son égard se multiplient. Majoritairement d’ordre économique, il semblerait que ces dernières aient commencé à impacter le pays. Tandis que certains se félicitent du résultat qui s’amorce, d’autres s’inquiètent… Des sanctions, oui : mais quelles conséquences auront-elles sur l’économie mondiale ?

La Russie est aujourd’hui l’un des plus puissants acteurs mondiaux sur le marché des hydrocarbures. Il s’agit en effet du premier exportateur de gaz et du second exportateur de pétrole. Pour exemple, ce sont environ 5,5 milliards de barils qui sont expédiés par jour à l’étranger. Le domaine est donc une ressource importante pour l’économie du pays, représentant près de 25% de son PIB. Plus que cela, ces hydrocarbures sont utilisés par la nation comme un moyen de pression direct sur ses voisins, proches comme plus lointains. L’Europe -dépendante pour 40% du gaz russe- est fortement concernée. En voyant ce chiffre peu élevé, l’impact ne semble pas si évident. Mais c’est sans compter ces quelques pays -tels que la Bulgarie, la Finlande ou encore l’Allemagne- pour qui cette appartenance monte jusqu’à 60%, voire 90%.
Les sanctions visant à limiter les échanges des secteurs primaires et secondaires entre la Russie et l’Europe ont donc des conséquences assez paradoxales. Si ces mesures peuvent d’un côté être assez efficaces pour miner les finances russes, elles peuvent aussi d’un autre côté priver l’Europe de ses besoins primaires, notamment ceux touchant aux domaines de l’habitat et des déplacements. Mais plus concrètement, que cela implique-t ’il ?

Une étincelle dans la poudrière énergétique européenne.

Parmi toutes les sanctions récemment convenues par l’UE et l’OTAN, une a particulièrement été remarquée. Il s’agit de la décision prise par le chancelier Olaf Scholz de suspendre la mise en service du projet de gazoduc Nord Stream 2. Se font rapidement entendre quelques ‘’atermoiements’’, qui amènent dans la foulée le président américain Joe Biden à sanctionner l’entreprise en charge de son exploitation. Tous ayant l’espoir d’amoindrir les recettes de l’Etat, en amputant une partie de l’exportation de sa ressource principale. Cependant, le coût est élevé pour les pays dépendant de cette même ressource, surtout lorsqu’il s’agit de celle du gaz, et que la saison hivernale n’est pas encore terminée. En effet, rappelons-le, Berlin est l’un des principaux importateurs du combustible russe, qui représente 60% de la consommation de ses ménages. Sans cette source majeure d’approvisionnement, les Allemands risquent de ne pas avoir très chaud pendant encore quelques temps. La France est quant à elle moins impactée, étant donné sa diversité de fournisseurs : le gaz qu’elle utilise provient aussi du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, lesquels ont d’ailleurs proposé -dans la limite des stocks disponibles- de fournir à l’Europe une partie de leur production, lui offrant ainsi une alternative et une solution à sa dépendance vis-à-vis de la Russie.
En revanche, une autre conséquence n’est pas négligeable et cette fois-ci la France est directement concernée. Le choix de limiter l’accès des capitaux russes aux marchés primaires et secondaires mondiaux implique une réduction de l’exportation du pétrole et donc un accès plus difficile au carburant. Dans un pays déjà ébranlé par l’inflation du prix à la pompe, la menace d’une pénurie encore plus importante ne fait qu’ajouter à la détresse générale. Le prix du carburant est depuis des années un sujet de protestations, ayant mené à de nombreuses manifestations et mouvements sociaux. Si à cette crise s’additionne celle provoquée par le conflit russo-ukrainien, alors il se pourrait bien que l’on voit ressurgir les fantômes passés des gilets jaunes, dans un contexte général bien trop complexe.

Swift, la couche supplémentaire.

A tout cela s’ajoute enfin une dernière mesure, proposée et demandée par de nombreux pays mais redoutée par d’autres. Celle de l’exclusion de la Russie du système interbancaire Swift. Il est possible de comprendre leurs réticences, lors que l’on connaît l’importance du rôle de ce dernier dans le système de paiement des exportations énergétiques au niveau mondial. Et oui, vous l’aurez compris, encore une fois, cela est lié à la problématique des hydrocarbures et revient soulever la question d’une  » Allemagne excessivement dépendante «  nous confie Paul CHARLOT, avocat et spécialiste des sanctions économiques au sein de l’agence Ashurst. Ce dernier nous explique ce principe simple :  » Swift est l’équivalent de l’huile dans une voiture permettant de lubrifier l’ensemble et d’assurer le bon fonctionnement du moteur. Sauf que le moteur ici, c’est la finance internationale « . En déconnectant la Russie de la SWIFT, cela  » implique une sorte de retour à l’âge de pierre, c’est-à-dire que dès lors qu’un ordre de paiement est passé, dès lors qu’une transaction doit être effectuée, l’impossibilité d’utiliser SWIFT reviendrait à utiliser un fax ou un courrier, ce qui d’ailleurs pose un vrai problème à la fois de célérité et de sécurité « . Le premier risque est donc de bouleverser la bonne marche des transactions mondiales, et de perturber le marché global pendant un certain temps, pouvant provoquer une chute non seulement de l’industrie mais aussi du secteur tertiaire. Le second risque, tout aussi important est que  » la contre-mesure soit une augmentation très significative des tarifs du gaz russe, voir un refus total de fourniture de la part de la Russie « . Cela reste cependant très peu probable, puisque le résultat serait catastrophique pour les deux parties.

Il est donc difficile pour les occidentaux de prendre une décision qui ne serait pas mûrement réfléchie à ce sujet, et il est fort probable que ces sanctions économiques, bien qu’efficaces à long terme, fassent à court et moyen-terme plus de mal à ceux les ayant données, qu’à ceux sanctionnés.

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1 Comment

  • Marc Ibrahim 1 mars 2022

    Très intéressant

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