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JO de Pékin, Coupe du monde au Qatar… Quand la géopolitique s’invite dans le sport

Des JO d’hiver de Pékin à la Coupe du monde de football au Qatar en passant par la Coupe d’Afrique des nations, les principaux événements sportifs de l’année 2022 ont eu ou auront d’importantes répercussions géopolitiques.

Il est des champions géopolitiques malgré eux. Autrefois tenus relativement à l’écart des relations diplomatiques, les sportifs de haut niveau représentent aujourd’hui des outils potentiels de soft power. Le cas de la joueuse de tennis Peng Shuai est à cet égard éclairant. Son inquiétante disparition, en novembre 2021, avait fait couler beaucoup d’encre et alimenté le climat de défiance entre Washington et Pékin. Malgré le concours de Thomas Bach, président du Comité international olympique, la mise en scène de son retour médiatique n’a berné personne. Pis, l’épisode a conforté la décision de l’administration Biden de lancer un appel au « boycott diplomatique » des JO d’hiver de Pékin. Peu après, la Women’s Tennis Association s’était d’ailleurs retirée de Chine, plaçant certains sponsors et athlètes dans une position très inconfortable.

Aussi a-t-on déjà observé, depuis le début de l’année 2022, les tensions géopolitiques qu’ont suscité les choix des pays d’accueil des deux principaux événements sportifs – les JO d’hiver à Pékin et la Coupe du monde de football au Qatar. D’aucuns se sont interrogés dans le premier cas sur la pertinence d’organiser des JO d’hiver dans une région qui manque cruellement de neige. Il est apparu évident à chacun que l’enjeu pour la Chine, qui entend devenir la plus grande économie sportive nationale du monde d’ici 2025, était d’affirmer sa crédibilité en tant qu’hôte de l’événement et de redorer son blason, terni entre autres par le traitement de la minorité ouïghoure dans la province du Xinjiang.

L’épisode de la disparition de Peng Shuai a conforté la décision de l’administration Biden de lancer un appel au « boycott diplomatique » des JO d’hiver de Pékin.

L’Empire du Milieu a en outre consenti à des efforts considérables en Côte d’Ivoire pour que l’édition 2023 de la Coupe d’Afrique des nations puisse avoir lieu dans de bonnes conditions. Pékin, qui représente le premier partenaire commercial du continent, a offert et financé par des prêts à taux réduits la construction de plusieurs grands stades. C’est ainsi dans le stade Alassane-Ouattara, du nom du président ivoirien dont la réélection controversée éveille certains soupçons, que se disputera la finale de la prochaine édition. La construction de ce « joyau de la coopération amicale » entre les deux pays, selon l’expression de l’ambassadeur chinois en Côte d’Ivoire, Wang Li, a coûté environ 130 millions d’euros.

« Diplomatie des stades »

Dans le cadre de cette « diplomatie des stades », la Chine a offert et rénové près d’une centaine de stades au cours des cinq dernières décennies sur le continent africain. Ces investissements très onéreux doivent permettre de consolider les relations bilatérales, de faciliter l’obtention de grands contrats, d’obtenir un accès privilégié aux ressources extractives et enfin de s’assurer du soutien des « frères » d’Afrique à l’ONU. Sur ce dernier point, l’un des objectifs est notamment de leur faire reconnaître la République populaire de Chine (RPC) et non la République de Chine (Taïwan).

Le choix du Qatar, où la température à l’ombre dépasse aisément 40° C, pour organiser la Coupe du monde du football, interpelle également les chancelleries occidentales. Dans une tribune au Monde, par exemple, l’ancien président de la Fédération internationale de football (FIA) Sepp Blatter estime que le choix du Qatar a été une « grande erreur ».

Au prix de quelques accommodements avec le respect du droit des travailleurs – le Guardian estime que plus de 6 500 travailleurs étrangers sont morts dans les chantiers de construction de stades – la pétromonarchie creuse son sillon et espère asseoir sa légitimité internationale. Sous la pression internationale, les hauts dignitaires qataris ont même feint d’offrir à leurs contempteurs une belle concession en abolissant la kafala, un système de parrainages associé à l’esclavage moderne par les ONG de défense de droits des travailleurs. Seulement, dans les faits, l’employeur conserve la majeure partie de ses droits. Il peut par exemple toujours porter plainte pour « fuite » si un employé quitte son travail sans autorisation. Mais les sommes d’argent mises en jeu sont telles qu’il est peu vraisemblable que le boycott porte ses fruits…

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Étudiant en troisième année, je suis particulièrement intéressé par les sujets : politique, géopolitique et économie.

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