Reprendre du souffle. Ce samedi 20 novembre, des dizaines de milliers de personnes se sont retrouvées à Paris à l’appel du collectif féministe #NousToutes afin de dénoncer les violences sexistes et sexuelles. Particularité de cette année : beaucoup de jeunes femmes ont pris la tête du cortège.
« On en a ras le bol, ras le viol surtout ! » Maïna, Camille, Emilie et Selma ont entre 15 et 22 ans. Elles sont venues ce samedi après-midi place de la République à Paris, avec chacune leur vécu personnel. Pour Maïna, 20 ans, c’est une première de battre le pavé : « Il faut que ça change. J’en ai marre d’être constamment fixée dans le métro. » « On a énormément d’attentes pour l’élection présidentielle, fait savoir de son côté Emilie, élève à Sciences Po, venue avec toute sa classe qui fait partie du certificat Femmes-Hommes (1). Bon courage au candidat qui sera élu. »
Ces quatre femmes sont représentatives de la nouvelle génération que le collectif #NousToutes, organisateur de cette manifestation, veut mettre en avant. Créé en juillet 2018, il regroupe des militants féministes et des organisations syndicales et politiques afin de dénoncer les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes. L’idée étant d’encourager cette jeunesse omniprésente sur les réseaux sociaux, prête à partager les combats féministes à coups de hashtags – #metoomedias, #doublepeine, #metoopolitique, #balancetonbar – et qui ne se mobilisait pas forcément dans la rue.
Ce samedi, le cortège entre la place de la République et la place de la Nation a rassemblé 50 000 personnes selon les organisateurs (18 000 selon la préfecture de police). Crise sanitaire oblige, le collectif se retrouve pour la première fois depuis 2019. Les organisatrices espéraient mobiliser en masse, 50 ans après la grande manifestation du Mouvement de libération des femmes (MLF) en novembre 1971.
Darmanin et Macron visés
13h45, la Place de la République est déjà bondée, les pancartes violettes, couleur des luttes féministes, parsèment la place. Une militante, mégaphone en main, motive la foule : « Solidarité avec les femmes du monde entier ! » Les slogans s’enchainent. Cette année, beaucoup de revendications contre les violences obstétricales et gynécologiques sont visibles. « Il est temps que les patientes victimes d’attouchements durant leurs consultations soient entendues ! », lance, émue, Hélène*, 21 ans, étudiante en médecine. Musique et chants rythment la marche. Dans le défilé, tous les âges sont représentés, des étudiants aux parents, en passant par les retraités et les adolescents. Des centaines de pancartes dénoncent aussi le gouvernement actuel. « Darmanin dégage », « Ministère du viol. » Nommé en juillet 2020 à l’Intérieur, Gérald Darmanin est accusé de « viol » par une femme qu’il avait côtoyée, en 2009, du temps où il était responsable à l’UMP. Une première plainte pour viol, harcèlement sexuel et abus de confiance, déposée en 2017, s’est conclue par un non-lieu un an plus tard. L’affaire est relancée en 2020, et le ministre a depuis été placé sous statut de témoin assisté.
Présidentielle dans moins de cinq mois oblige, de nombreux manifestants politisent leurs discours. Diane, 24 ans, lesbienne, espère « un gouvernement épuré en termes de personnalités politiques et publiques, et non pas qui soit entaché par des accusations de violences sexistes et sexuelles. C’est important d’avoir des représentants irréprochables. » L’étudiante en sciences politiques est venue manifester avec son amie Charlotte, 27 ans, victime de violences sexuelles : « Il faut une mobilisation de grande ampleur des hommes et des femmes. Macron avait dit que c’était une grande cause du quinquennat. C’est un loupé. Il faut répondre politiquement à ce mouvement de libération de la parole par des mesures juridiques pour protéger les femmes. » L’étudiante en droit européen compte beaucoup sur cette nouvelle génération omniprésente à la manifestation : « Ils sont les porte-voix et diffusent les messages. C’est aussi grâce à eux qu’on est nombreux aujourd’hui. »
Aux alentours de 18 heures, en arrivant place de la Nation, le collectif clôture cette journée comme il l’avait commencé, donnant la parole aux plus jeunes. Camille, venue manifester avec Maïna, Emilie et Selma, prend à son tour le mégaphone et lance, d’une voix émue : « Soyez fières d’être femmes. »
*le prénom a été modifié
1 : Le Certificat Égalité femmes-hommes et politiques publiques propose un encadrement pédagogique permettant de comprendre la formation des inégalités ainsi que d’évaluer les politiques d’égalité et de lutte contre les discriminations.