À cinq mois de l’élection présidentielle, les tensions franco-algériennes se poursuivent depuis les déclarations polémiques d’Emmanuel Macron début octobre. L’actuel président semble tout de même être le candidat préféré.
« La nation algérienne post-1962 s’est construite sur une rente mémorielle », assurait Emmanuel Macron le 30 septembre dernier face à des « petits-enfants » de la guerre d’Algérie. Il ajoute : « La construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question », rapporte Le Monde.
Mais ces déclarations n’ont pas plu. « Dire cela sur notre pays et son histoire est honteux. Nous attendons tous des excuses de la part de Macron », s’exclame Idriss, petit-fils d’un harki, ces Algériens qui ont combattu aux côtés de l’armée française avant de débarquer en métropole dans des conditions qu’ils jugent indignes. Les sanctions tombent : l’Algérie a rappelé son ambassadeur à Paris et a décidé de fermer son espace aérien aux avions militaires français opérant au Mali.
La jeunesse algérienne, dans l’attente d’une reconnaissance
A l’Élysée, Le Monde a pu assister à une rencontre entre Emmanuel Macron et des jeunes français d’origine algérienne. « Vous portez une part d’histoire et aussi un fardeau. Un fardeau car on n’a pas réglé le problème. Nos générations n’ont pas vécu cette guerre, ça nous libère de beaucoup de choses. Vous êtes une projection de la France, votre identité est une addition à la citoyenneté française. C’est une chance pour la France, une chance inouïe. Et pour moi, ce n’est pas un problème, on l’a fait trop vivre comme tel », confie le président français.
A leurs tours, les jeunes prennent la parole : « Rajaa, 20 ans, arrière-petite-fille d’indépendantiste, la tête couverte d’un voile noir, souhaite que l’Algérie, de sa colonisation à la guerre, constitue « un thème incontournable dans le cursus scolaire français ». Lucie, 27 ans, petite-fille de harki, propose au président de faire un grand discours sur la guerre d’Algérie « tourné vers l’avenir », intégrant toutes les mémoires et « pas nécessairement fondé sur des excuses », raconte le journal.
Malgré les critiques, le gouvernement a déjà amorcé la mise en place de mesures pour la reconnaissance de ces Algériens qui ont combattu aux côtés de l’armée française. Le 18 novembre, les députés ont entamé l’examen d’un projet de loi pour demander « pardon » aux harkis. Cela comprend la « réparation » de ce préjudice, avec à la clé une somme forfaitaire tenant compte de la durée du séjour dans ces structures. La mesure concerne « les anciens combattants harkis et leurs épouses accueillis après 1962 en “métropole”, dans des conditions indignes, mais aussi leurs enfants qui y ont séjourné, voire y sont nés », explique la rapporteuse La République en marche, Patricia Mirallès.
Pour le moment, 50 millions d’euros ont été inscrits dans le projet de budget 2022. « Nous estimons que 6 000 dossiers pourraient aboutir dès 2022 », précise Mme Mirallès, qui défendra un amendement pour « intégrer des cas particuliers qui ne seraient aujourd’hui pas couverts par l’indemnisation forfaitaire ».
Emmanuel Macron, le candidat « préféré »
Emmanuel Macron n’a pas connu la guerre d’Algérie, « Il ignore peut-être une partie de l’histoire de l’Algérie » estime Aziz Ghedia, dans une tribune publiée sur Agoravox.
Selon l’Insee, la France comptait, en 2019, 807 500 immigrés algériens. Une donnée à prendre en compte à quelques mois de l’élection présidentielle.
Alors pour qui les français d’origine algérienne vont-ils voter en 2022 ?
Traditionnellement, cet électorat opte plutôt pour la gauche. En 2007 et en 2012, ces électeurs se sont tournés vers Ségolène Royal puis François Hollande pour le Parti socialiste.
Mais la réalité est sévère, la gauche est aujourd’hui au plus bas : la candidate socialiste Anne Hidalgo est à moins de 5 % dans les sondages. Jean-Luc Mélenchon est en déclin. Même Arnaud Montebourg, un candidat de gauche populaire dans les milieux politiques algériens, a menacé de suspendre les transferts financiers vers ces derniers s’ils refusaient d’accueillir leurs ressortissants faisant l’objet d’une décision d’expulsion en France.
Malgré les critiques, « Emmanuel Macron reste, pour l’Algérie comme pour les Algériens de France, le candidat le moins mauvais parmi ceux qui semblent avoir une chance de remporter la présidentielle française », souligne l’éditorialiste algérien Abed Charef sur le site de Middle East Eye.
A 20 ans, Idriss va voter pour la première fois de sa vie en 2022 et son choix semble déjà être fait : « Sincèrement, je préfère voter pour Macron que de voter blanc et donc laisser une chance à Le Pen ou Zemmour », confie l’étudiant en commerce.
Aziz Ghedia remarque : « Après tout, nous autres Algériens aussi, nous ne connaissons pas sur le bout des doigts l’histoire de « nos » ancêtres les Gaulois. »