Pour faire face à un abstentionnisme record (90% des 18-24 ans aux dernières élections régionales) aussi néfaste pour les élus que pour la démocratie, les responsables politiques peuvent compter sur leurs plus fervents soutiens au sein de la jeunesse. Plus actifs que leurs aînés, ces centaines de militants 2.0 défendent bec et ongles leur candidat à la présidentielle, quitte à avoir recours à des méthodes parfois peu conventionnelles.
Ils sont là pour faire la claque pour leur candidat. « Jeunes avec Macron », « Jeunes avec Ciotti », « Génération Zemmour » … Selon un sondage Ipsos pour France Inter, si près de 70% des 18-29 ans sont sûrs d’aller voter le 10 avril prochain, il en reste plus d’un quart à convaincre de se rendre aux urnes pour le premier tour de l’élection présidentielle. Résultat : la guerre du tract, du tweet ou du post a déjà démarré.
Chez les Républicains, on s’active car le parti est en pleine primaire pour désigner son candidat ou sa candidate du parti d’ici le 4 décembre. Chaque débat télévisé regroupant tous les prétendants donne lieu à des campagnes massives sur les réseaux sociaux. « On va de nouveau couvrir le prochain débat LR au travers de live tweets, confirme Alexandre Saradjian, responsable des Jeunes avec Ciotti. On compte beaucoup sur le cyber-militantisme.» Du côté des soutiens d’Éric Zemmour, on ne lésine pas, non plus, sur la quantité de tweets. Pas moins de 115 ont été publiés en deux jours sur le compte officiel de Génération Zemmour pour relater le passage du probable candidat d’extrême droite au salon du « Made In France » le week-end dernier. « Tout cela se fait sans concertation préalable avec Éric Zemmour, mais je sais que nous avons son soutien moral », assure Stanislas Rigault, président de la boutique jeune du polémiste.
Farming Simulator avec le ministre de l’Agriculture
Ces groupes de soutien n’ont rien à envier à leurs aînés sur des terrains militants plus classiques : tractage, porte-à-porte, collage, démarchage téléphonique… «On a déjà lancé deux campagnes d’affichage dans cette pré-campagne présidentielle, rapporte Ambroise Méjean, président des Jeunes avec Macron (Jam). Une première, qui affirmait que Macron est le président des jeunes et reprenait les codes de Netflix, elle a d’ailleurs plutôt bien pris au niveau de la presse ; et une deuxième qui s’appelle « Merci Macron » ».
Mais chez les marcheurs on voit plus loin : « La seconde partie de notre travail de militant, c’est la réflexion sur les idées, poursuit Méjean. Cela regroupe l’analyse et le décryptage des propositions et des mesures mises en place par le gouvernement, mais aussi les propositions qui sont faites par les jeunes avec Macron dans le cadre de l’élection présidentielle et du quinquennat. » Les JAM se permettent d’expérimenter des nouveaux formats, avec des invités de choix à l’appui. « Sur Twitch, nous avons des formats que nous avons déjà testé consistant notamment à inviter des ministres à venir à la fois jouer à un jeu vidéo qui les concerne (Julien Denormandie, le ministre de l’Agriculture, sur Farming Simulator par exemple) et répondre à des questions de fond et d’actualité, ajoute le président des Jam. On a essayé ce format une fois pour l’instant, juste avant les élections régionales, avec le secrétaire d’État à l’Europe, Clément Beaune, qui était venu jouer à Géo Guessr (un jeu de géographie en ligne, NDLR) »
Chez les Jeunes avec Ciotti, il est plutôt question d’apéritifs ou de petits déjeuner en compagnie du député des Alpes-Maritimes. « Le plus intéressant pour nous, c’est le fait (que les jeunes) puissent participer directement à la campagne d’Éric Ciotti en nous fournissant des notes sur des sujets et des thèmes qu’ils connaissent. On les transmet ensuite au parti et certaines seront sûrement adoptées », espère Alexandre Saradjian.
Cap sur l’Elysée
Campagne électorale oblige, ces groupes de soutien jeunesse montre les muscles et dopent leurs nombres : les jeunes avec Ciotti revendiquent 320 membres, Génération Z environ… 5000. « Nous avons l’avantage de réunir trois grands profils, jure Stanislas Rigault. Le premier est plutôt issu de la droite classique, type Fillon, Wauquiez ou Bellamy. Le deuxième, c’est un bloc de personnes issues du Rassemblement national ou proches de Marion Maréchal et qui a voté Jordan Bardella aux élections européennes. Le dernier tiers, ce sont des abstentionnistes qui n’étaient pas du tout intéressés par la vie politique jusqu’à présent. » Plus que pour une offre politique, les jeunes militants de Zemmour disent s’engager auprès d’une personnalité clivante, dont le président de Génération Z n’hésite pas à vanter la « cohérence intellectuelle et la logique depuis plusieurs années ». Selon Alexandre Saradjian chez Ciotti, ce seraient plutôt les thématiques abordées par le candidat qui motiveraient la jeunesse à s’engager : « Qu’est ce qui touche les jeunes ? C’est surtout quand on parle de sécurité puisqu’on qualifie souvent Éric Ciotti de Monsieur Sécurité. Ça, ça plaît aux jeunes ».
A 160 jours du premier tour de l’élection présidentielle, ces groupes de soutiens prévoient des actions de grande envergure. « On aura des actions un peu chocs à certains moments clé de la campagne, confirme Stanislas Rigault, qui se refuse à donner plus de détails. Ça peut être des banderoles sur des ponts d’autoroutes, des manifestations… » Malgré le bruit fait sur les réseaux sociaux, ces petits mouvements se heurtent à la difficulté de mobiliser dans la durée. « Il est compliqué de s’adresser à 11 millions de français (population des 15-30 ans en France, NDLR) en leur demandant de s’engager de manière concrète. Beaucoup ne suivent pas du tout l’actualité politique, et certains ne savent même pas qui est candidat aujourd’hui ! s’exclame Stanislas Rigault. Résultat : c’est celui qui apparaîtra le plus dans les médias qui gagnera. Et à ce jeu, il faut reconnaitre que M. Zemmour est très fort ». Même si, pour l’instant, l’ex-journaliste du Figaro, selon les intentions de vote, a bien du mal à convaincre les plus jeunes.