Yannick Jadot veut interdire la chasse le week-end et lors des vacances scolaires. Depuis deux semaines, la proposition écologiste aurait pu être « chassée » par diverses polémiques électorales, elle reste présente dans l’actualité politique de cette pré-campagne présidentielle.
La date est déjà cochée sur le calendrier. Trois semaines avant la présidentielle, le 21 mars 2022, les chasseurs ont prévu de faire passer un grand oral à tous les candidats comme ils l’avaient déjà fait lors du congrès de la Fédération nationale des Chasseurs (FNC) en mars 2017. Mais le 29 octobre, une déclaration a fait jaser la FNC. Yannick Jadot, le candidat écologiste à la présidentielle a déclenché la colère des chasseurs. En proposant d’interdire la pratique de cette activité le week-end et pendant les vacances scolaires. Thierry Coste, conseiller politique de la FNC, s’exaspère que le candidat EELV ait commis ici « une grosse erreur ».
« Yannick Jadot reproduit exactement la même erreur que Dominique Voynet [ancienne ministre de l’Environnement, NDLR] au début des années 2000. Il va unir les chasseurs en leur tapant dessus » assure l’ancien agriculteur, qui se revendique aussi « conseiller ruralité » officieux des quatre derniers Présidents de la République. Depuis plusieurs jours, les adeptes de la chasse se sont donc soulevés dans les médias pour dire tout le mal qu’ils pensaient de la proposition du candidat EELV. La chasse est devenue l’un des marqueurs politiques pour la présidentielle de 2022, au même titre que la dépense publique ou l’immigration.
Des rencontres avec l’ensemble de l’échiquier politique
Déjà au cœur de nombreux débats, la chasse fait tristement parler d’elle ces derniers jours. Plusieurs accidents de chasse ont été recensés en France et ont bouleversé l’opinion. 141 accidents ont été recensés pendant la saison 2019-2020. C’est plus que la saison précédente, où 131 accidents avaient eu lieu. Toutefois, ce chiffre reste inférieur à la moyenne générale des vingt dernières années, qui est de 158 victimes par an, et les chasseurs ne cessent de rappeler que des efforts ont été réalisés en matière de sécurité. Pour porter ce message, ils peuvent compter sur de nombreux relais politiques. Depuis le début de l’été, la FNC a entamé une tournée de rencontres avec les candidats déclarés ou supposés à la présidentielle pour défendre les intérêts des chasseurs. Thierry Coste se félicite de ses bonnes relations avec certains politiques « Avec Zemmour, ça s’est très bien passé. Avec Fabien Roussel [candidat du PCF, NDLR] aussi, on a d’excellentes relations et on doit le revoir ». Même pour les candidats eux-mêmes, il est intéressant de se rapprocher de la ruralité et de ses représentants. « En général, les politiques cherchent à s’attirer les faveurs des chasseurs. Il faut dire que plus d’un million de Français sont détenteurs du permis de chasse, ce qui en fait un camp qui compte pour la présidentielle. Les chasseurs ne s’en cachent pas et affichent leurs ambitions de peser sur la campagne électorale. » confirme Olivier Rouquan, politologue au CERSA (Centre d’Etudes et de Recherche de Sciences Administratives et politiques.)
Le politologue rapporte également le déplacement de Michel Barnier en baie de Somme pour rencontrer des chasseurs de gibier d’eau, les « acteurs du pays ». Daniel Fasquelle, le maire du Touquet (Pas-de-Calais), ancien député et soutien de Michel Barnier pour la primaire des Républicains, a organisé une rencontre entre le candidat et son « ami » Willy Schraen. [président de la Fédération nationale des chasseurs, NDLR] Même si les candidats peuvent se montrer parfois maladroit face au sujet de la chasse qu’ils ne maîtrisent pas tous, une opération séduction de la part des deux côtés est définitivement en marche.
Un rendez-vous à ne pas manquer
Pour soutenir leur activité, les chasseurs ont prévu de faire passer un grand oral aux différents candidats lors de l’Assemblée générale de la FNC. Elle aura lieu les 21 et 22 mars 2022, soit deux semaines seulement avant le premier tour de l’élection. Tour à tour, les candidats à la présidentielle donneront leur vision et leurs positions sur la chasse. Aucune consigne de vote ne sera donnée par la FNC, l’objectif ici sera de repérer sur quel candidat s’appuyer, et cerner ainsi sa sensibilité et son réel point de vue. Si un candidat pour l’instant pressenti tente de se décrocher du lot, il s’agit d’Eric Zemmour. Le polémiste tente de se démarquer et donc de gagner des points sur Marine Le Pen, qui semble avoir oublié les questions rurales, thème pourtant majeur lors de sa campagne en 2017. En mars dernier, Marine Le Pen s’est déclarée contre la chasse à courre « à titre personnel ». La phrase n’est bien évidemment pas passée inaperçue.
En parallèle, la communication de la FNC peut parfois s’avérer trop violente. Bénédicte Peyrol, députée LREM de l’Allier, et membre du groupe sur la condition animale, a quand même reçu « une carte de vœu musicale et un e-mail de Thierry Coste s’attardant lourdement sur les chasses traditionnelles » d’après sa secrétaire, Caroline Onnis. Son cabinet constate dernièrement un changement radical de leur image. Ils se dirigent vers « une com’ à l’américaine », avec l’objectif de séduire l’opinion publique et de mettre fin à la caricature du chasseur éméché aux joues rouges. « A l’Assemblée, ils ont fait venir récemment leur nouvelle égérie, Johanna Clermont, une jeune lobbyiste, qui pose dénudée ou dans des positions pas possibles sur les réseaux sociaux« , raconte Caroline Onnis.
Dans une campagne où les questions environnementales sont présentes, moins tendre la main peut permettre de se démarquer et de s’affirmer. « Trop de contorsions entre écologie et chasse peuvent troubler l’électeur. Là, Yannick Jadot prend une voie différente de la plupart des candidats, il ressort des débats et s’impose médiatiquement », confirme Olivier Rouquan. Chasser en solitaire plutôt que se confondre dans la meute.