Le 2 avril 2021, Jean-Marie Delarue, président de la commission indépendante sur les relations entre la presse et les forces de l’ordre a publié un rapport sur les relations entre la police et le journalisme. En Europe, la France est le pays où les violences policières sur les journalistes sont les plus nombreuses.
200 journalistes ont été molestés par des policiers durant des manifestations en France depuis 2019. Ces chiffres sont avancés par Pavol Szalai, journaliste membre chez Reporter Sans Frontière. Il affirme que « dans 99,9% des cas, ils étaient identifiés comme journalistes ». La réalité de ces chiffres repose sur les témoignages recueillis par RSF. Pourtant, seules 18 plaintes ont été déposées, et aucune n’a donné lieu à une condamnation.
Lors des manifestations, les journalistes sont censés pouvoir disposer de protections : gilets de protection, lunettes, masques, casques… Étant donné qu’ils ne participent pas à cette manifestation, mais qu’ils la couvrent, ces équipements ne sont pas censés poser un problème aux policiers. Comme les forces de l’ordre ne peuvent pas interpeller un passant qui ne participe pas à la manifestation, ils ne peuvent non plus contrôler des journalistes. Or, on constate qu’ils confisquent les protections des journalistes. Le 8 décembre 2018, France info avait recueilli 5 cinq témoignages allant dans ce sens.
A l’évidence, les policiers privilégient leur propre sécurité au cours des manifestations. Notamment sous la pression des Black Blocks qui s’infiltre dans les manifestations. Quant aux journalistes, au nom de la vérité d’informer, ils ont le droit de ne pas se soumettre à l’ordre de dispersion des CRS lors d’un rassemblement.
Depuis la loi sur la sécurité globale, seuls les journalistes « déclarés » à la préfecture ont le droit de transgresser l’ordre de dispersion. En revanche, les forces de l’ordre ne veillent pas toujours à différencier les journalistes des manifestants lors de la charge. « Un de nos rédacteurs en chef a été placé en garde à vue parce que les CRS n’ont aucun respecté pour notre travail », a témoigné Pascal Doucet-Bon, journaliste de France Info. « Nous devons être là pour voir ce qui se passe et traiter l’information, mais on nous interdit d’y assister » a ajouté le journaliste.
Comment identifier qui est journaliste et qui ne l’est pas ? La carte de presse peut être la manière la plus rapide pour justifier sa profession. Tous les journalistes n’ont pas de carte de presse. Les pigistes sont des journalistes de terrain, mais ne possèdent pas forcément de cartes professionnelles. A la fin de ce mois de juillet une réunion s’est tenue entre la commission et le gouvernement, afin d’établir la création d’une nouvelle carte. Cette carte permettra aux journalistes ne possédant pas de carte de presse de franchir les cordons de policiers, et de pouvoir ainsi participer aux manifestations. Jean-Marie Delarue a aussi déclaré que le recours à ces cordons seraient prochainement abandonnés.
« La peur du flic »
Les journalistes sont de plus en plus sensibles à « la peur du flic », une peur des forces de l’ordre dans l’exercice de leur fonction et de leur quête d’information. C’est l’une des raisons pour laquelle peu de journalistes déposent plainte. Certaines plaintes sont rendues anonymes, afin d’éviter les représailles des policiers.
Les conditions du métier de policier deviennent de plus en plus pénibles. Selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, le métier de policier est le sixième le plus affecter par le nombre de suicide. En 2019, avec 31 suicides pour 100 000 fonctionnaires de police. De plus, le manque de communication entre les métiers n’arrange rien. « A l’époque on pouvait discuter directement avec les policiers, en entrant dans les commissariats, a expliqué Jean-Marie Delarue. Maintenant, nous sommes obligés de passer par leur communication ».
Néanmoins, depuis le rapport Delarue, des améliorations sont possibles. Plusieurs réunions doivent avoir lieu entre les ministères de la culture et de l’intérieur, ainsi qu’avec des syndicats de journalistes, tels la CFDT et le SNJ. Ces transformations sont indispensables à un exercice digne de la démocratie. N’en déplaise à Pierre-Henri Brandet, directeur de la communication du Ministère de l’intérieur, qui affirme contre toute évidence que les journalistes sont brutalisés par les manifestants et non pas les policiers.
Louis Vauvre