ADJ 2021

L’impact du stockage de données sur l’environnement.

A l’heure où la technologie ne cesse de s’améliorer, le stockage de données devient de plus en plus énergivore. Avec la numérisation des médias, les bases de données sont elles aussi de plus en plus exploitées. 

De 2007 à 2018, selon Statista 2021, la vente de smartphones a bondi de plus de 1300%, passant de 122,32 millions d’exemplaires vendues en 2007, contre 1555,27 millions en 2018. Des plateformes de streaming audio et vidéo, des réseaux sociaux, ainsi que des applications ont ainsi pris une place importante sur nos appareils. « Aujourd’hui, un utilisateur de smartphone entre en contact avec son appareil un millier de fois par jour », a expliqué Gérald Holubowicz, data journaliste, lors d’une conférence aux Assises de Tours 2021. En réalité, un utilisateur touche son téléphone un millier de fois par jour. Il ajoute que « à chaque utilisation, surtout avec l’usage de la 4G, cela consomme de l’énergie au niveau des bornes relais et des serveurs. » 

Les data centers : des centres de stockage coûteux en énergie. 

Pour stocker des données, il faut des serveurs (câbles, boitiers, switchs, routeurs, pare-feu…). C’est ce qui compose un Data Center. Un data center est un centre de donnée servant à stocker les données d’une ou plusieurs entreprises. Le centre de stockage peut être externe ou interne à l’entreprise. Un data center est constitué de grands boîtiers, situés dans des chambres froides (pour faire refroidir les boîtiers). Ce sont les grandes entreprises qui possèdent les plus gros Data Center. 

Les entreprises de streaming, vidéo comme audio, mettent le plus à l’épreuve les espaces de stockage de données. Pour donner des chiffres, en 2018, Spotify avait plus de 200 millions d’utilisateurs quotidien par mois. Ces utilisateurs ont écouté 15 milliards d’heures de musique, soit 25 heures par personnes. En 2015, le streaming de la vidéo a représenté 63 % du trafic web mondial, et qui a atteint 80 % en 2020 (les confinements ont largement aidé cette évolution). Et c’est sans compter sur la présence des géants du streaming, comme Youtube ou Netflix. Selon une analyse réalisée en mars 2020 par SaveonEnergy, l’énergie nécessaire aux 64 millions de vues de la saison 3 de la série « Stranger Things » a émis 189 000 tonnes de CO2. Cette dépense équivaut à 676 millions de km parcourus en voiture, soit 16 900 fois le tour de la Terre, avec une voiture puissante. 

Pour chaque visionnage de vidéo, ou écoute de musique, des données sont stockées dans les data centers. Ces espaces consomment toujours plus d’énergie, et cela est le résultat de plusieurs facteurs. Les consommations ne sont pas les mêmes en fonction des utilisateurs : par exemple, une vidéo Youtube regardée avec une résolution de 720 pixels, prendra plus d’espace de stockage que si la vidéo est en 1080 pixels. Mais aujourd’hui, les organismes comme Greenpeace tirent la sonnette d’alarme. Le rapport Clicking Clean, un rapport établit par Greenpeace concernant la consommation et la pollution informatique est alarmant. En 2016, 7% de la consommation mondiale de l’électricité dépendait du secteur informatique. D’après les estimations, elle devrait passer à 20 % en 2030 selon une étude publiée dans Challenges. 

« La numérisation est un faux ami » a déclaré Gérald Holubowicz. Gildas Bonnel, président de la Sidièse, a donné comme exemple : « avant je lisais mon journal dans le train, cela polluait moins qu’aujourd’hui, lorsque je vois tout le monde regarder Netflix en 4G à 280 km/h ». Le visionnage d’un épisode d’une série Netflix dans le train est extrêmement coûteux, car les données transitent par le réseau 4G, qui lui-même passe par différentes bornes que va longer le train. Pour pallier cela, il suffirait de télécharger la vidéo en amont sur son téléphone. C’est aussi pour ces raisons que la lecture d’un article numérique est couteuse en énergie. En 2009, deux recherches Google consommaient autant d’énergie que de porter une tasse d’eau à ébullition. Aujourd’hui, plus de 130 000 milliards de recherches sont effectués chaque jour sur Google. Cela équivaut à 18 571 recherches par habitant de la planète. La recherches d’information, et les lectures d’articles en ligne sont toutes aussi coûteuses. Cette consommation accrue augmente les dépenses énergétiques, à l’heure où les ressources de la planète sont en diminution. 

Une baisse paradoxale de la consommation. 

Depuis les accords de Paris de 2015, les entreprises sont forcées de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. C’est ainsi que les entreprises médiatiques tentent de diminuer leurs dépenses énergétiques. Christelle Leroy de TF1, a ainsi expliqué que l’entreprise avait déjà entrepris cette réduction. Le stockage des données représente une grosse partie des dépenses énergétiques. L’Union Européenne a financé le projet d’un nouveau matériau de stockage de base de données moins énergivore. Afin de pallier la dépense des quelques 30 milliards de watt par an, soit la production de 30 centrales nucléaires, les entreprises se dirigent vers l’usage de ces matériaux. TF1 a aussi réduit de 30% sa consommation d’électricité, grâce à une amélioration des systèmes de refroidissement des data centers. 

Peu de moyen sont réellement efficaces, il n’est pas possible de vider les data centers d’un jour à l’autre. En attendant, les entreprises agissent à petites échelles. Par exemple, TF1 a déjà supprimé des anciennes sauvegardes serveurs, ce qui permet de désengorger les centres de stockages. Un autre moyen est utilisé, il s’agit de la réduction de la résolution des vidéos. De nombreuses télévisions modernes proposent la 4K, soit une résolution de 3840 pixels de larges ou encore 8K, une résolution de 8000 pixels. Une vidéo en HD va consommer 130 Mo de stockage, contre 375 Mo par minute pour la 4K. Or, l’œil humain n’est pas censé voir autant, et ces images consomment plus de ressources que les images HD. 

Le paradoxe est grand, puisque TF1 a beau souhaiter une diminution des ressources et des stockages, la chaîne propose une résolution 4K. Là-dessus Christelle Leroy affirme qu’il s’agit d’une situation paradoxale. Elle explique que TF1 a aussi réduit ses coûts de déplacement, et à réduire les coûts en CO2 des achats du groupe, mais cela n’est pas suffisant pour combler la dépense des stockages de données. De plus, les journalistes ne semblent pas particulièrement préoccupés par la situation. Lors des conférences sur le climat des Assises de Tours, la majorité des personnes présentes sont des étudiants, et seule une minorité de journalistes professionnels restent pour ces sujets. Ces derniers ne sont pas forcément formés à ce genre de situation. 

Les médias voient une nouvelle génération de journalistes arriver sur le marché du travail, plus jeunes et plus soucieux de l’environnement. La situation tend vers l’amélioration. Avec l’arrivée de nouveaux matériaux, et des dispositions de réduction de consommation, le stockage de données devrait devenir de moins en moins polluant. Mais cela ne sera pas suffisant pour contrer les nouvelles avancées technologiques, toujours plus coûteuses en énergie. L’arrivée de l’ultra haute définition (UHD) est une course à l’armement. L’UHD 4K et l’UHD 8K sont des améliorations des formats déjà existant. L’ultra haute définition sera d’ici quelques années, le format « standard » de nos télévisions, mais un format qui consommera plus que l’HD actuelle. 

Louis Vauvre

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