
Les frais d’études coûteux sont un débat majeur dans une société où la précarité étudiante s’accentue. De la France aux États-Unis, le Covid-19 pénalise les étudiants pour leurs études et la recherche d’un emploi, essentiel au remboursement de leurs dettes.
La majorité des établissements de l’enseignement supérieur ont continué d’assurer la formation via les cours à distance. Les plateformes comme Teams ou Zoom ont été les outils de remplacement pour la continuité pédagogique. Certains étudiants exigent un remboursement pour les deux mois scolaires qui n’ont pas pu être effectués dans des conditions normales. Les établissements peuvent contester cette demande en argumentant sur le fait que l’enseignement, certes à distance, était bien présent. Les élèves auraient pu réclamer un remboursement, dans le cas où aucun moyen n’aurait été mis en place pour poursuivre leur scolarité.
Adrien Liénard, responsable des questions sociales à l’UNEF (Union nationale des étudiants de France) parle d’inégalité concernant les cours à distance : « Il peut y avoir une fracture numérique, ou un milieu qui ne favorise pas le bon déroulement des cours. » L’accès à internet est variable en fonction des zones géographiques, mais aussi de la capacité des sites étudiants à supporter le nombre de connexions. Plusieurs établissements ont été en difficulté pour passer des examens à distance de par la saturation des plateformes de visioconférence : « Les établissements ne sont pas adaptés à ce genre de situation », poursuit Adrien Liénard.
La nature du prêt étudiant
En France, selon l’UNEF, 300 000 prêts étudiants sont contractés parmi tous les étudiants chaque année, pour financer les formations post-bac. L’endettement est de 10%. Les prêts étudiants proposés par les banques s’adressent particulièrement aux jeunes âgés de 18 à 25 ans. Pour pouvoir en bénéficier, l’étudiant doit être inscrit dans un établissement d’études supérieures. La nature et la durée ne sont pas importantes dans l’acquisition du prêt : universités, grandes écoles, BTS… L’étudiant doit également fournir une caution parentale pour assurer le paiement et souscrire une assurance-décès invalidité qui est obligatoire. Le montant peut varier en fonction de la durée des études et du prix de celles-ci, allant de 800 à 30 000€.
Le mode de remboursement des prêts étudiants est différent des autres. Un prêt pour l’acquisition d’une voiture commencera peu de temps après le versement de l’argent sur le compte bancaire. Le prêt étudiant peut commencer à être remboursé à la fin des études, grâce à un emploi stable trouvé. Il existe deux options pour échelonner les remboursements. Lisa, étudiante dans une école de commerce à Bordeaux a demandé un prêt de 25 000€ pour 3 ans : « Mes études durent de 2019 à 2022, et je commence déjà à rembourser, pour ne pas m’endetter si je ne trouve pas de travail. » L’incertitude d’avoir un emploi à la fin des études est le réel problème de ce prêt : « Sans boulot après mes études, cela va être compliqué, je ne peux pas prévoir d’avoir un poste professionnel ou non. »
Le remboursement peut donc s’effectuer pendant les études, une solution plus avantageuse et recommandée par les banques : « Si je commence à payer 100€ par mois pendant mes 3 ans d’études, il me reste 21000€ à rembourser après, sachant que mes études me coûtent 900€ par mois », poursuit Lisa. Les banques limitent généralement la durée totale du prêt à neuf ans. Le remboursement se fait en deux temps. Une première étape de franchise (phase de différé) qui s’étale sur 2 à 6 ans, le temps de terminer les études. Pendant cette période, le choix se fait entre une franchise partielle et le remboursement des intérêts, soit uniquement le coût d’une franchise totale. Lors de la seconde phase « d’amortissement » qui débute à la fin des études, le remboursement du crédit lui-même commence.
Le gouvernement se penche sur un plan d’aide pour les étudiants en difficulté, en collaboration avec les banques. BNP Paribas s’apprête à proposer une nouvelle offre de prêt de 5000€ à taux zéro, sans frais de dossier et le report gratuit de leurs crédits en cours.
Le prestige a un coût
L’augmentation des dépenses de la vie quotidienne est de 8%. Seul 1 étudiant sur 4 profite des aides publiques. En 2014, une dizaine d’écoles d’ingénieurs publiques ont augmenté leurs frais d’inscription, passant de 850€ à 1850€, idem pour les business schools. D’après une enquête de l’Observatoire de la Vie Étudiante, les filières qui regroupent la majorité des prêts sont : le commerce (11%), les ingénieurs (6%) et l’université (4,5%).
Depuis 2008, L’État a mis en place le dispositif Oséo, qui permet aux étudiants d’emprunter jusqu’à 15 000€ sans caution auprès de cinq banques partenaires et qui a permis d’accorder 43 500 prêts en 5 ans. A son début, Valérie Pécresse, alors ministre de l’Éducation nationale, prévoyait l’ouverture de 60 000 prêts par an, mais le budget alloué à ce dispositif « est insuffisant, il s’épuise en quelques semaines à peine. » avoue la ministre. Un étudiant en école de commerce s’endette aujourd’hui à hauteur de 25 000 euros alors que celui en université emprunte environ 7000€.
Les établissements privés ne possèdent pas un cursus reconnu par le ministère de l’Enseignement Supérieur, ils sont en gestion autonome. Le diplôme est reconnu par la réputation de l’école. Or, les établissements rattachés au ministère, comme les IEP, ont un diplôme reconnu par l’État. M. Liénard insiste sur la question du financement des écoles : « Avec l’augmentation du nombre d’étudiants et la stagnation des donations du gouvernement, c’est difficile de baisser les prix. » Les établissements privés doivent trouver les fonds, alors que les Licence, Master et Doctorat sont encadrés au niveau national.
Une nouvelle forme de diplôme se développe, sous le nom de « diplôme universitaire ou interuniversitaire » similaire à ceux des établissements privés. Les universités décident elles-mêmes du cursus, et le diplôme est reconnu par la réputation de l’école. Le responsable social de l’UNEF trouve ce nouveau modèle innovant : « C’est intéressant, elles ne sont pas liées aux frais nationaux. » Le prix d’une Licence est de 170€, tandis que pour un Master, il est de 240€. L’université peut augmenter ces prix et développer des frais plus élevés pour répondre à la problématique financière.
Cette inégalité d’accès et la barrière financière obligent l’autocensure chez les étudiants. La solution des prêts étudiants peut financer ces frais d’inscription, mais une discrimination est présente. Les taux d’intérêts en fonction de la classe sociale sont le réel problème. Les parents aisés auront des taux bas, tandis que pour un étudiant moyen, le taux d’intérêt sera plus élevé.
Le « système cassé » américain
Aux États-Unis, les dettes étudiantes prennent de l’ampleur et mettent en difficulté un grand nombre de personnes. En moyenne, un diplômé sortant de l’université accumule une dette de 30 000$ avec un montant échéant à 400$. La dette dans sa totalité est de 1,605 milliard de dollars, un montant multiplié par trois en l’espace de 12 ans. D’après le sondage de la Federal Reserve Bank of Saint Louis, la dette des étudiants représente environ 10% du déficit économique américain, soit 50 millions de personnes dans le pays. Grace Brennan, une étudiante américaine affirme que « la plupart des banques américaines proposent des tarifs et des réductions spéciales pour les étudiants. »
En général, la plupart des universités américaines sont des établissements privés. Par conséquent, les prix ont tendance à être assez élevés. Cela dit, il est presque impossible d’obtenir un diplôme d’une université réputée sans contracter un prêt. Pour une université de bonne réputation, le coût peut varier entre 20 000 et 70 000 $ par an, et le coût moyen est de 40 000$. Grace crie au scandale : « Les universités devraient être beaucoup moins chères, l’éducation ne devrait pas avoir un prix. »
Dans les familles américaines, on peut trouver deux générations d’étudiants endettées. L’étudiante le confirme : « J’ai des amis qui ont la quarantaine et qui remboursent encore leurs dettes d’études. » Il existe notamment les bourses d’études, qui sont données au mérite. Elles sont accordées par l’université en fonction des notes, du dossier de candidature et d’autres aspects qui pourraient convaincre un étudiant de fréquenter une université. Les bourses d’études en fonction du niveau de revenu sont accordées par le gouvernement pour aider les étudiants issus de familles à faibles revenus.
Les candidats démocrates ont fait de cette dette étudiante leur priorité avec des propositions ambitieuses comme les universités gratuites ou l’annulation complète de la dette pour les familles défavorisées. C’est aussi un enjeu pour l’élection présidentielle de 2020. Le sénateur Bernie Sanders du Parti démocrate a promis d’effacer la totalité des dettes supportées par les Américains. Elizabeth Warren, sénatrice également veut faire de même pour 95% d’entre eux.
D’après les dernières statistiques de l’Urban Institut (groupe de réflexion), 71% des étudiants américains sont concernés, de par leur classe sociale, souvent défavorisée. Ce « système cassé » n’évolue pas, et même en tenant compte des aides apportées, comme les bourses ou les financements disponibles, le coût reste élevé. Dans la majorité des cas, les emprunteurs ne respectent pas les délais imposés, et s’endettent sur une vingtaine d’années. Sur le long terme, la charge de la dette augmente les intérêts et laisse les étudiants dans le rouge.
Je suis une étudiante de troisième année en journalisme à l'ISCPA Paris. J'aime traiter des sujets politiques, sportif et culturels.