Santé

Le vaccin aux prises avec l’histoire

De nombreux Français s’opposent à la vaccination automatique. Pour certains experts, si la tendance « anti-vaccins » se renforce, ce comportement pourrait menacer l’efficacité d’un futur traitement contre le Covid-19.

Un français sur trois pense que les vaccins ne sont pas sûrs. Ces chiffres, basés sur une étude de l’ONG médicale Wellcome, font de la France un des pays les plus critiques concernant la vaccination. Depuis quelques semaines des rumeurs infondées affirment que Bill Gates serait en train de créer des vaccins contenant des nanopuces munies de GPS. « Les théories de ce genre apparaissent fréquemment dans les périodes de crise », constate Mathias Girel, philosophe de la connaissance. Avec une possible arrivée d’un vaccin au Covid-19 d’ici un à deux ans, la méfiance des français pourrait faire perdurer le virus, selon les experts.

Pour les plus sceptiques, pas question de se faire vacciner : « La vaccination est un sacrement alors que le contenu est moins vérifié que les autres médicaments. On sait que la chloroquine et la vitamine C pourraient soigner le Covid-19 en 48h », lance Jean-Pierre Joseph, avocat de la Ligue Nationale pour la Liberté des Vaccinations.Pour un autre membre de l’association qui s’oppose à la vaccination obligatoire, la crédibilité du gouvernement est trop remise en cause durant cette crise pour qu’un vaccin soit « fiable. » 

« Les extrémistes, les groupes de croyance qui rejettent la vaccination par principe et dont le but est de perturber et de polariser, ne changent pas. En réalité, ils capitalisent », explique Heidi Larson, directeur du projet Vaccine Confidence Project (VCP) cité par The Guardian. Pour Anna Zielinska, maître de conférences et autrice d’un article sur les anti-vaccins en France, « ces anti-vaccins durs » ne représentent que 5% des Français. « Nous savons qu’il y a environ 20% d’anti-vaccins modérés en France, mais la façon dont ils réagiront lorsqu’un traitement sera proposé n’est pas encore clair, cela dépendra de facteurs extérieurs », explique-t-elle.

Pour le corps médical, l’arrivée d’un vaccin signifierait néanmoins la fin de l’épidémie. « Sans vaccin, nous risquons de voir réapparaître le virus. Même s’il est possible de soigner les formes bénignes, il sera toujours présent et une seconde vague sera inéluctable », confirme Djillali Annane, chef du service réanimation à l’hôpital Raymond-Poincaré, à Garches (Hauts-De-Seine). Pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), il faudrait qu’entre 75% et 95% de la population soit vaccinée pour enrayer l’épidémie

Les vaccins, un mal psychologique

Selon Anna Zielinska, la méfiance des Français dans la vaccination généralisée semble relever de plusieurs facteurs. « Il y a un facteur historique, la France n’a pas été épargnée par les scandales sanitaires. Par exemple, le scandale du sang contaminé par le VIH, le scandale du Médiator ou la théorie sur le lien entre l’apparition de la sclérose en plaque et le vaccin contre l’hépatite B, contextualise la philosophe. Mais depuis l’apparition d’internet, les anti-vaccins deviennent plus politiques. Notamment avec l’arrivée de théories conspirationnistes anglo-saxonnes qui remettent en cause le rôle de l’Etat. » Elle prévient que sila population minimise l’importance de la crise sanitaire a posteriori, la méfiance des Français envers les vaccins risque de grandir.

Pour expliquer le nombre d’anti-vaccins en France, Imran Khan parle d’un « effet de laisser-aller », dans un article du Point. Cet effet pousserait les populations avec de bons systèmes de santé, et qui sont relativement peu touchés par les épidémies à remettre en cause la vaccination. Il note pourtant que malgré la réticence de nombreux Français à la vaccination, 87 % des enfants sont vaccinés contre la rougeole.

Selon Anna Zielinska, la crise de confiance liée à des scandales sanitaires mettent des décennies à se réparer. Pour elle, une meilleure éducation dans les lycées permettrait d’expliquer certains biais cognitifs qui empêchent les anti-vaccins de considérer les arguments de la communauté scientifique. Selon une théorie du psychologue Karl E. Weick : « Une meilleure compréhension de la façon dont des groupes de personnes construisent le sens, permettrait d’intervenir plus efficacement auprès de ces communautés, au lieu de les accuser d’ignorance ou de les blâmer les réseaux sociaux. »

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