
Madagascar n’essuie que très peu de cas de Covid-19. Pourtant, le président Andry Rajoelina a annoncé distribuer la tisane “Covid-Organics” à base d’artemisia, dans les écoles pour les protéger du virus.
Une prouesse pour Madagascar. Pour l’île, le remède contre le Covid-19, responsable de milliers de morts à travers le monde, est malgache : le “Covid-Organics”. Selon le gouvernement, cette tisane, à base d’artemisia, est le nouveau bouclier protecteur face au coronavirus. « L’impératif est de sauver la population malagasy », a déclaré le président Andry Rajoelina. Cette famille de plantes est bien connue pour ses vertus curatives anti-infectieuses. Certaine des molécules de l’artemisia annua sont utilisées pour développer des médicaments traitant le paludisme. A Madagascar, cette plante est utilisée sous forme de tisane pour guérir de la malaria. « La tisane que nous lançons aujourd’hui, pour le grand public est à titre préventif », indique le président Andry Rajoelina. L’artemisia, a été longuement vantée puis remise en question. En 2019, l’OMS a publié une déclaration dans laquelle elle ne justifie pas la promotion des matières végétales de cette plante et leur utilisation sous une quelconque forme pour la prévention ou le traitement du paludisme.
« Si l’artemisia possède des effets, ils sont vraisemblablement à la marge » précise Dr. Olivier Bouchaud, Pr. Pathologie infectieuse et tropicale au CHU Avicenne. L’Institut malgache de recherches appliquées (IMRA) est l’auteur de cette fabuleuse tisane. L’institut a été fondé en 1986, à Antananarivo, la capitale de Madagascar, par Albert Rakoto Ratsimamanga et sa femme Suzanne Ratsimamanga, pour y effectuer des recherches biochimiques en étudiant la flore endémique de Madagascar. Ses activités de recherche médicale et pharmaceutique sont centrées sur l’ethnobotanique, la pharmacopée traditionnelle, la chimie et la biologie. L’Institut ne dévoile que très peu d’informations concernant son produit. La méthodologie et le manque d’études fait naître de nombreux débats. Le docteur Michel Cot, spécialiste du paludisme, épidémiologiste et docteur en sciences et directeur de recherche à l’IRD (Institut de recherche pour le développement) met en garde : « Quand on a recours à une tisane, on ne peut pas doser les principes actifs et donc il y a un problème de posologie. » Avant même que le “Covid-Organics” ne soit décrété officiellement par le pays comme un remède préventif au coronavirus, la tisane a été distribuée dans toutes les écoles. « A ma connaissance, rien n’indique que l’artemisia serait efficace contre le Covid-19 », révèle le spécialiste.
Science ou politique ?
Persuadé de l’efficacité du Covid-Organics, le président Andry Rajoelina distribue ces tisanes dans les écoles tout en faisant la promotion du breuvage. Dans un témoignage de l’Express Madagascar, un directeur d’une école malgache est persuadé de l’efficacité de la tisane. Il a tenté de convaincre les parents et les enfants de consommer la boisson : « Certains parents sont venus au bureau, d’autres se sont entretenus avec moi par téléphone pour discuter du cas de leurs enfants. Une grande responsabilité incombe aux parents. Surtout dans le cas où l’élève qui n’a pas pris la tisane tombe malade et contamine les autres. » Les autorités réglementaires nationales et les comités nationaux d’éthique de l’Afrique ont convenu de combiner leur expertise pour accélérer l’examen des essais cliniques du “Covid-Organics”. De nouvelles interventions préventives et thérapeutiques ainsi que des diagnostics seront faits pour lutter contre la pandémie de Covid-19.
Michel Cot tempère les discours à propos de ce nouveau produit : « C’est une initiative politique et c’est regrettable parce que les gens qui se croient protégés peuvent prendre des risques vis-à-vis d’eux-même et des autres. Madagascar a d’autres choses à régler. »
L’audace malgache de parier sur les atouts nationaux suscite l’intérêt de ses voisins africains. La tisane est en effet saluée par une partie de l’opinion africaine. Certains chefs d’Etat miseraient sur la science africaine pour vaincre le Covid-19 comme Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo (RDC). Lors de son entretien avec Andry Rajoelina, président de la République malgache, Félix Tshisekedi a mis l’accent sur les savoirs africains dans cette guerre épidémiologique, et le travail doit se faire « dès maintenant, faire avec les moyens que nous avons ».
Marc Ravalomanana, l’ancien président de la République et principal opposant à Andry Rajoelina, a alerté l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Dans une lettre adressée au directeur de l’organisation, Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus il interpelle ce dernier sur la « distribution à grande échelle de ce produit faisant encore l’objet d’observations cliniques et donc non homologuées par les autorités médicales ou scientifiques ».
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