Source: Jean-Sébastien, Evrard, AFP.

La France compte près de 300 000 sourds, et plusieurs millions de personnes souffrant de déficience auditive. Pourtant, la langue des signes française (LSF) reste peu implantée sur le territoire, ce qui rend leur quotidien difficile.

500 interprètes de la langue des signes assurent la traduction des personnes sourdes et malentendantes en France. Un nombre insuffisant alors que de leur traduction permet non seulement l’inclusion des personnes sourdes et malentendantes, mais aussi leur compréhension des annonces politiques, particulièrement en temps de crise. 

La crise sanitaire a cependant  permis de mettre la LSF en avant grâce à la présence d’interprètes lors de chaque prise de parole du gouvernement. Cette introduction de la langue des signes au plus grand nombre permet un meilleur accès à l’information pour les personnes atteintes de surdité. Mais cette soudaine notoriété a très vite eu des répercussions. Les interprètes ont été victimes de mime de gestes obscènes ou de montages photos. Julianne Blassel, interprète en langue des signes au sein d’Equicom, analyse ces railleries comme une méconnaissance de son métier. « La langue des signes passe entre autres par les mains, le corps, les expressions du visage : Il est rare de voir autant d’expressivité, les gens n’ont pas l’habitude » explique-t-elle. 

Source: AFP. Les personnes sourdes ou malentendantes sont dépendantes des interprètes de la langue des signes pour comprendre les politiques publiques.

Cette ignorance ne favorise pas l’égalité des personnes sourdes, encore trop peu incluses dans la vie publique. Leurs interprètes ne font pourtant pas que « bouger les mains ». « Il faut écouter et comprendre le discours, les nuances, interpréter et ainsi de suite, en temps réel », explique Julianne Blassel. Les prestations des interprètes peuvent d’ailleurs être nécessaires aussi bien pour des réunions d’entreprises que pour des mariages. 

Fabienne Jacquy, cogérante de Trait d’Union, réseau national d’interprétation en langue des signes, ne s’offusque pas de cet élan d’humour. « Nous sommes plus visibles, alors les réseaux sociaux nous caricaturent, comme ils le font avec tous les autres acteurs de la société » nuance-t-elle. Fabienne considère même que cela participe à une forme de publicité autour de la profession d’interprète : « C’est parce que ces caricatures créent un buzz que je suis en train de répondre à une interview, qui permettra peut-être à certains de se faire une idée plus précise de ce qu’est notre métier ».

Dans une lettre ouverte, la Fédération nationale des sourds de France (FNSF) a cependant condamné l’humiliation subie par les interprètes. « Profiter et jouir de ce que ces gens appellent de ‘l’humour’, revient à tourner en ridicule un combat des plus importants pour une minorité culturelle invisibilisée dans la société », énonce le communiqué de la Fédération. Cette dernière a également tenu à rappeler  l’importance vitale de la langue des signes pour le quotidien des personnes sourdes et malentendantes. 

« Les personnes sourdes ont besoin de l’information »

Depuis le début du confinement, la communication de crise du gouvernement est régulièrement assortie d’une traduction en langue des signes. La nouveauté tient désormais dans la méthode employée : là où les interprètes étaient auparavant enfermés dans un médaillon en bas d’un écran de télévision, ils sont maintenant aux côtés des membres du gouvernement.

En 2005, la Loi dite Handicap rendait obligatoire le sous-titrage des principales chaînes de télévision, dont l’audience était supérieure à 2,5%. Une « première victoire » pour la FNSF qui rappelle dans sa lettre ouverte que cela « ne suffit pas » et la nécessité de l’interprétariat en langues des signes va d’ailleurs au-delà de la compréhension de l’actualité. Fabienne Jacquy, par exemple, continue de traduire « pour que les sourds puissent joindre la CAF, les services clients des banques, les fournisseurs d’accès Interne… et nous sommes également sollicités pour interpréter des réunions d’équipes de télétravailleurs ». 

Elle considère en ce sens que l’interprétation de la langue des signes est « une mission que l’on pourrait qualifier de service public ». Une importance encore sous-estimée puisque seulement 15 écoles en France sont destinées aux enfants sourds et dispensent des cours de LSF. Alors, si l’exposition médiatique des interprètes permet une meilleure accessibilité des politiques publiques pour les personnes sourdes, celle-ci n’est pas encore acquise. Pour Fabienne Jacquy, « on ne peut que s’en réjouir et espérer que cela se démocratise après la crise ».

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Étudiante en journalisme à l'ISCPA, je m'intéresse particulièrement aux affaires politiques et internationales. Je suis active sur Twitter (@AngelaLebreton) et LinkedIn (Angela Lebreton).

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