Depuis l’annonce du confinement, les délations se multiplient partout en France. A tel point que le 17, numéro d’urgence de la police est saturé. « Cafteurs, balances, ou encore collaborateurs » : ils s’attirent les foudres de la population.
A la mairie du XXème arrondissement de Paris, Frédérique Calandra a publié à propos de dénonciations abusives : « Nous avons eu une avalanche de dénonciations, d’appels, de mails et photos envoyées. » Les services de police croulent sous les coups de fil et s’inquiètent d’être dans l’incapacité de traiter « des appels urgents ». Pour éviter la saturation du canal, un numéro spécifique a été mis en place, exclusivement dédié au traitement des doléances. Il est composé de quatre agents de police qui seront à l’écoute pour traiter les informations relayées. La maire du XXème informe que : « Cette cellule est en contact avec une centaine de citoyens, qui font remonter les informations de manière régulière ».
La délation en milieu urbain est fréquente. Dans les Hauts-de-Seine, Sabine, habitante dans une résidence a reçu un courrier de la société de gestion de son immeuble. Dans cette lettre, il est écrit : « Jouer avec les enfants des voisins devant la résidence, constitue par conséquent un regroupement d’adultes, ce qui est interdit. » Pendant 3 jours, la police est venue contrôler les résidents : « Ils disaient que ce n’était pas normal de se réunir, mais qu’ils ne pouvaient rien faire comme cette résidence est privée. » Pour Sabine, aucun doute possible, quelqu’un les a dénoncés : « apparemment des photos auraient été prises. »
Tout au long de son histoire, la France a vécu ce type de situation, amenant à ce genre d’actes. Laurent Joly, un historien français, explique dans son livre « Les années noires de la France » la différence entre la délation et la dénonciation : « La dénonciation est le fait de signaler un crime aux autorités à des fins judiciaires. La délation est une dénonciation intéressée et méprisable. » Dans le contexte actuel, le rapprochement avec le régime de Vichy est évident pour certains. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la délation des Juifs par les collaborateurs français était courante. La comparaison entre un crime contre l’humanité et une pandémie mortelle n’est pas possible, cependant celle de dénoncer des personnes dans le but de les punir est proche. Laurent Joly précise dans son livre : « Il ne semble pas y avoir de profil type du délateur ordinaire, même s’il faut noter qu’il est souvent citadin au sein d’un département rural. »
Pour la population rurale, souvent politiquement conservatrice, la vague d’arrivée des habitants urbains à l’annonce du confinement a été brutale. Les maisons de vacances dans les petits départements de France sont un lieu de confinement idéal. Une habitante du département de l’Aveyron, décrit la situation : « Quand les habitants des grandes villes sont venus dans le sud, ils n’étaient pas les bienvenus », et « la peur qu’ils amènent le virus avec eux dans des régions qui ne sont pas touchées, a été prise comme une décision égoïste. »
Jean-Claude, un Parisien confiné dans sa maison de vacances se défend : « Nous ne sommes pas venus dans le sud pour contaminer les gens, on veut juste se confiner dans un endroit où il y a un jardin pour nos enfants. » Dans les maisons où le terrain est vaste, les travaux de jardinage sont une option pour combler l’ennui. Il y a trois jours, il a été témoin d’une scène de délation « honteuse. » Son voisin également originaire de Paris était en train de tailler la haie de son jardin avec deux ouvriers : « Ils ne faisaient de mal à personne, quelques minutes après? la police est arrivée. » Le Parisien comprend qu’une personne inconnue les a dénoncés : « J’étais abasourdi par la stupidité de certaines personnes, juste pour une haie ! » Le voisin de Jean-Claude a écopé d’une amende de 135€ pour avoir jardiné, en compagnie de plusieurs personnes.
Le comportement humain joue un grand rôle dans l’acte de délation explique Douchika Vrsajvok, psychologue à Boulogne : « Ces personnes qui dénoncent ne rappellent pas la loi, elles l’exécutent ». De plus, selon elle : « Un comportement citoyen, c’est se sentir investi pour le bien-être collectif, et à ce moment-là, il faut aller voir la personne en question et lui rappeler que nous sommes tous garants de la bonne marche des choses. »
A l’heure actuelle, le nombre de délations entre voisins pour non-respect du confinement représente 70% des appels reçus par les forces de l’ordre. Ces dernières tentent parfois de décourager ces cafards mesquins qui semblent se venger ainsi de leur misérable quotidien.
Je suis une étudiante de troisième année en journalisme à l'ISCPA Paris. J'aime traiter des sujets politiques, sportif et culturels.