L’Europe, déjà fragilisée par une vague contestataire ces dernières années, voit son existence remise en cause par l’insuffisance des moyens mis en œuvre pour lutter contre l’épidémie.
Une grande crise. La construction de l’Union européenne démontre qu’il a presque systématiquement fallu y faire face pour voir une avancée. La chute du mur de Berlin aura par exemple été nécessaire pour voir émerger le traité de Maastricht.
Pierre Beauby, politologue français le décrit comme « la volonté d’intégrer les pays de l’Est pour leur permettre de trouver une issue ». Les exemples se répètent au fil des années et bien qu’elle n’ait pas été systématique, une crise a très souvent précédé le changement.
Aujourd’hui ce constat ne se vérifie plus. Depuis les années 2000, on assiste à un changement de paradigme important. La crise de 2008 a eu pour effet de renforcer l’euroscepticisme et la communauté doit composer avec des membres qui se replient sur eux-mêmes.
Une vague de contestation
Bien qu’elle ait toujours connu des détracteurs, ils n’ont jamais été aussi nombreux qu’aujourd’hui. En deux semaines la confiance des Italiens dans l’Europe a chuté de 16 points et 55% d’entre eux se déclarent favorables à une sortie de la zone. Ce constat se généralise à différentes échelles parmi les Etats membres.
« C’est ce que l’on a pu observer récemment avec le Brexit » analyse Alexandre Diringer, juriste en droit des affaires européennes. « On savait que l’europhobie avait augmenté dans le pays, mais on a été surpris de voir à quel point. Je pense malheureusement que si l’on faisait des sondages aujourd’hui, on retrouverait des chiffres similaires dans beaucoup de pays européens. »
Les raisons qui pousseraient ces populations à vouloir sortir de la zone Schengen varient en fonction des pays : « L’euroscepticisme néerlandais vient du fait qu’ils ne veulent pas payer pour des pays du sud. En France, c’est un problème d’immigration et en Hongrie par exemple, on craint que Bruxelles veuille détruire les Etats-nations. » vulgarise Matthieu*, journaliste spécialisé sur les questions européennes.
Une grande partie de l’opposition se trouve auprès des mouvements populistes. D’après Arnaud Leclerc, titulaire d’une chaire européenne sur l’intégration de l’Europe, “ils refusent l’Union européenne, non pas en tant qu’institution, mais en tant que symbole d’un état du monde.”
Nos sociétés ont été plongées à grande vitesse dans un système de mondialisation où les échanges sont permanents. Les travailleurs transitent d’un État à l’autre et le recours à une main-d’œuvre étrangère moins chère est grandement facilité. Les salariés les plus précaires, concurrencés se sentent donc menacés : « Si vous êtes défavorisés économiquement, avec un risque de chômage à terme, il y a de fortes chances que vous craignez la perte de votre emploi à cause de la mondialisation et donc l’Europe. » ajoute le professeur.
L’Europe incomprise
L’Union européenne peine à imposer une politique commune. Elle laisse donc à chaque pays un contrôle total sur des aspects capitaux de leur fonctionnement, les politiques sociales et de santé notamment. Ainsi, face au COVID-19, chaque Etat membre a défini ses propres mesures de protection sans concertation préalable. Sans cet alignement, la raison d’être de l’Europe est contestée, ce qu’explique Antoine Leclerc : « Le but de l’Union européenne semble assez flou, les gens ne comprennent pas à quoi elle sert et ils ont raison. Elle veut faciliter la coordination entre les pays mais sans réelle politique commune, c’est dur de le percevoir. »
Alexandre Diringer pense que les doutes émis à l’égard de l’Europe viennent en partie de l’image qu’elle renvoie : « Ils perçoivent l’Union européenne comme une institution supranationale qui nous impose des choses que l’on ne veut pas avec un parlement de lobbyistes chargés de protéger les intérêts de multinationales plus que des populations. »
D’après lui, s’il y a eu un manque de pédagogie et des lacunes dans les actions de la communauté, la responsabilité incombe aux Etats membres. Mais ils ont remis « la faute sur l’Europe pour justifier des erreurs nationales » car « c’est plus facile. » La campagne pour le Brexit menée au Royaume-Uni était ainsi fondée sur des arguments « erronés ».
Se projeter sur un bilan européen à la sortie de la crise est encore très compliqué. La réponse qu’apportera la communauté européenne dans les prochaines semaines aura un poids considérable sur la balance. Le plan de relance économique (3% du PIB européen) jouera un rôle décisif. « S’il est insuffisant, les pays laissés pour compte perdront totalement confiance en l’Europe » estime le juriste.
Etudiant en deuxième année de journalisme à l'ISCPA je suis à la recherche d'un stage d'une période de trois mois en presse écrite.