Santé

11 mai : le bout du tunnel

Avec la reprise partielle de l’activité le 11 mai les transports en commun parisiens, lieux propices à la propagation d’un virus, se préparent à accueillir un nombre d’usagers important.

Le confinement a mis les transports en commun en veille. Le nombre d’usagers quotidiens du réseau a été réduit de 96 % en Ile-de-France. Eric* conducteur du RER A décrit « une baisse drastique de la fréquentation. »

Avec les arrêts maladie et les gardes d’enfants, neuf mille cinq cents agents de la Régie Autonome des Transports Publics (RATP) sur quarante-cinq mille sont absents. L’établissement public a donc dû réduire son offre de 70% et ne fonctionne désormais qu’entre 6 et 22 heures. Cinquante-cinq stations jugées moins « stratégiques » ont par ailleurs été fermées.

Cette forte réduction du trafic a pour l’instant permis de maintenir une distance d’un mètre entre les voyageurs sur la majorité des lignes. Pour les plus fréquentées le bilan est tout autre. Si aucune estimation du nombre de voyageurs n’est actuellement disponible, des photos montrent que ce matin encore, la ligne 13 et certains tramways étaient noirs de monde.

Une reprise dangereuse

Dans de telles conditions, la reprise partielle de l’activité le 11 mai inquiète fortement. Une grande partie des cinq millions d’usagers s’apprête à reprendre le travail et la distanciation sociale redeviendra probablement impossible.

Ile-de-France mobilités estime que pour respecter les règles sanitaires, il ne pourra transporter que quinze à vingt pourcents des usagers. S’il a déjà proposé la mise en place de certains moyens de protection, comme la distribution de gels hydroalcooliques dans les gares, le groupe reste dans l’incertitude, comme en témoigne Olivier Therriot conducteur de bus à la RATP et représentant syndical de la CGT : « Nous n’avons reçu aucune information. La direction navigue à vue depuis le début de la crise sanitaire et n’a aucune idée de comment va se passer la reprise du trafic. »

Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France a déclaré qu’elle souhaitait que le gouvernement rende obligatoire le port du masque dans les transports, sous peine d’amende. Elle n’a pour l’instant reçu aucune réponse concrète.

Pour François Renaud, chercheur du CNRS au laboratoire Maladie infectieuses et vecteurs, c’est impossible : « Nous n’avons pas assez de masques. De plus, ils doivent être changés toutes les trois heures, vous imaginez ce que cela représente ? »

Pour prévenir des risques la RATP a commencé à intensifier la désinfection des rames, passant d’une fois par jour à deux : « Pour nous ce n’est pas suffisant, ça devrait être fait après chaque service » plaide Olivier Therriot. Le conducteur ajoute craindre la reprise du trafic : « Même si l’on comprend la nécessité de relancer l’économie, ça ne peut pas être fait au détriment de la santé de la population. »

Le risque d’une seconde vague

François Renaud redoute également que cette reprise se fasse « à vue ». Il explique que l’étude du virus est encore trop récente pour pouvoir prendre les bonnes décisions : « On s’appuie sur des modèles mathématiques, qui sont excellents. Mais pour qu’ils soient efficaces il faut rentrer certains paramètres et quand une aussi grande incertitude flotte, le modèle peut dire tout et son contraire. »

Il explique que ce genre de virus fait partie des plus dangereux. Il est aéroporté, c’est-à-dire qu’il se transmet dans l’air et s’accroche aux surfaces : « Pour l’arrêter il n’y a que le confinement. »

Pour permettre à nouveau les rassemblements il faudrait bénéficier d’une immunité collective. D’après l’institut Pasteur, 60 à 70% de la population doit être contaminée pour développer des anticorps et empêcher la propagation. Malgré le manque de données officielles, il est possible d’estimer que seulement 4,8 % des Français ont été touchés.

S’ajoutent à cela certains cas de recontamination qui remettent en cause la durée de l’immunité. Le développement d’un vaccin, qui fonctionnerait de la même manière, ne sera lui pas disponible « avant bien longtemps, c’est-à-dire plus d’un an. » ajoute le chercheur.

Sans une de ces conditions, la reprise de l’activité augmente le risque d’une seconde vague épidémiologique qui provoquerait une catastrophe : « On risquerait de faire face à une saturation totale des lits de réanimations et se retrouver à choisir entre qui va vivre qui va mourir. »

Très attendu, le plan de déconfinement prévu par le gouvernement n’a pas encore été communiqué. Bien qu’une relance de l’économie s’impose, la précipiter pourrait provoquer une deuxième vague d’épidémie, fatale au redressement du pays.

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Etudiant en deuxième année de journalisme à l'ISCPA je suis à la recherche d'un stage d'une période de trois mois en presse écrite.

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