Le 28 mars 2020, le gouvernement a autorisé par décret l’utilisation du Rivotril pour apaiser la fin de vie des patients atteints du covid-19. Si les autorités ont rappelé que ce procédé ne s’apparente pas à une euthanasie déguisée, l’antiépileptique suscite un bon nombre d’interrogations.
La crise du covid-19 a-t-elle fait évoluer les discussions autour de la problématique liée à la fin de vie ? Dans un décret du 28 mars, le gouvernement modifie le périmètre d’utilisation du Rivotril, médicament utilisé dans le traitement des crises d’épilepsie. Après de vives contestations, la Haute Autorité de Santé a expliqué que son usage demeurait encadré. Il est strictement réservé aux malades ne pouvant être admis en réanimation, pour ainsi apaiser leur fin de vie. Cette sédation des patients ne doit pas être assimilée à l’euthanasie. Toutefois, elle interpelle sur l’évolution des pratiques médicales en la matière.
Actuellement, c’est la loi d’avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, intitulée « loi Leonetti », qui régit la question de l’euthanasie. Dans les faits, celle-ci prohibe cette pratique, et l’acharnement thérapeutique. Si la loi est claire, les débats continuent d’être alimentés par des cas de patients médiatisés, à l’image de Vincent Lambert.
Alors que 20 796 personnes ont à ce jour succombé au virus, et que les places se raréfient dans les services de réanimation, la fin de vie est brutalement devenue une réalité pour la population. Mais quelle est la situation au sein du milieu hospitalier, où le débat persiste ?
En pratique, dans les hôpitaux, la crise du covid-19 a évidemment changé les pratiques des professionnels de santé. Francis Bonnet, professeur des universités et praticien hospitalier en anesthésie et réanimation à Paris, explique que des unités intermédiaires ont par exemple été créés afin d’apporter un confort aux patients gravement malades. « Mais on sait que s’ils ont y accès, la maladie est déjà avancée et risque de les mener au décès », souligne-t-il.
Une situation difficile à gérer pour les soignants, habitués à traiter des cas de fins de vies. Julien Cabaton, anesthésiste à Lyon, insiste néanmoins sur le fait que la situation sanitaire n’a pas révélé de lacunes dans le système de santé français. Pour autant, il a « l’impression qu’une partie de la population a découvert la réalité des réanimateurs, qui doivent parfois se demander si cela vaut le coup de réanimer un patient ».
Le débat sur l’euthanasie, clos par la crise sanitaire
Denis Berthiau, maître de conférences à l’université de Paris et spécialiste en bioéthique, constate pour sa part que la situation sanitaire incite les médecins à être « plus sensibles à la volonté des patients, notamment quand, parmi plusieurs personnes en réanimation, une a demandé à mourir ». Mais bien avant la crise du covid-19, certains patients réclamaient déjà l’aide à la fin de vie.
Le spécialiste en bioéthique estime donc que le débat autour de cette problématique révèle surtout « une fracture profonde entre les soignants et la population ». Il explique que « Les soignants, formés à guérir, ne peuvent concevoir de mettre fin à la vie d’un patient et sont de fait, opposés à la légalisation de l’euthanasie. »
La question ne serait donc pas tant dans la légalisation de l’euthanasie, que dans le respect de la volonté des patients. Hypothèse confirmée par Ambre Laplaud, Docteur en droit de la santé, pour qui la crise relance le débat « non pas directement de l’euthanasie mais du consentement et du refus de soins ». Elle estime qu’il est « du devoir des professionnels de santé d’informer les personnes les plus fragiles des modalités de prise en charge en service de réanimation ».

Il est vrai que les services de réanimation, saturés, ont dû adapter leurs pratiques. Médecins et patients de ces traitements agressifs vivent au rythme du virus. « Certains malades admis en réanimation avec des soins invasifs ont connu une évolution favorable » atteste Francis Bonnet. Selon lui, l’entrée en réanimation pour ces patients « est donc salvatrice, et prouve aux soignants l’intérêt de ces traitements face à l’issue fatale de l’euthanasie ».
Aujourd’hui, les professionnels s’accordent à dire que l’euthanasie n’est pas la solution à la fin de vie des malades du covid. Dans un cadre où il s’agit de « lutter contre une épidémie, parler d’aide à mourir c’est abdiquer devant la maladie », explique Denis Berthiau. Le gouvernement ne pourrait donc soutenir la légalisation de l’euthanasie dans un tel contexte. Plus encore, il considère que « les soignants ne pourront se voir imposer l’aide à qui va mourir », après avoir été en première ligne de la lutte contre le virus. « Le débat sur l’euthanasie a été clos par la crise sanitaire et je ne le vois pas se rouvrir » conclut-il.
Étudiante en journalisme à l'ISCPA, je m'intéresse particulièrement aux affaires politiques et internationales. Je suis active sur Twitter (@AngelaLebreton) et LinkedIn (Angela Lebreton).