Interviewé jeudi 16 avril par le journal britannique « The Financial Times », Emmanuel Macron estime qu’il demeure de nombreuses interrogations à propos de la gestion chinoise de l’épidémie de Covid-19.
« Il faut être soi-même exempt de tout reproche si l’on veut critiquer autrui. » Un proverbe africain que le président de la République devrait méditer. Dans le cadre de cette interview, Emmanuel Macron estime : « N’ayons pas une espèce de naïveté qui consiste à dire que [la Chine a mieux géré l’épidémie]. On ne sait pas. Et même, il y a manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas. »
La Chine a immédiatement réagi. Déjà attaquée par Londres et les Etats-Unis sur l’opacité dans sa gestion de la crise, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian a coupé court à la polémique. Caché derrière le paravent de la solidarité, il a invoqué l’importance de l’unité internationale : « Il est impératif que tous les pays s’unissent pour combattre l’épidémie et gagner la guerre » contre le Covid-19.
Les zones d’ombres en question
Deux évènements ont pu nourrir les déclarations du président de la République. Selon des documents révélés par l’agence Associated Press (AP), la commission nationale de la Santé de Chine informait le gouvernement, sur la dangerosité de ce virus, dès le 14 janvier : « La situation épidémique est grave et complexe. C’est le défi le plus grave depuis le SRAS de 2003 et il est susceptible de se transformer en un événement majeur de santé publique (…) Toutes les localités doivent de préparer et répondre à une pandémie. » Un rapport alarmiste enterré durant six jours jusqu’à la déclaration du président de la République Populaire chinoise le 20 Janvier.
Six jours durant lesquels deux importantes réunions du parti communiste chinois se tenaient à Wuhan, épicentre de l’épidémie. En parallèle, un banquet géant était servi à plus de 40 000 familles. Une catastrophe en termes de contagion. Le régime a maintenu secrète cette information en ayant pris la précaution, dès le mois de décembre, d’enfermer les médecins qui signalaient des cas de Covid-19 dans la région du Hubei. La presse et les réseaux sociaux, contrôlés par le pouvoir, n’ont pas pu en faire état, massivement du moins.
Un second point justifie la parole présidentielle française : le macabre réajustement comptable opéré par les autorités chinoises. Officiellement, le premier bilan faisait état de 3 342 morts. Il est finalement revu à la hausse pour arriver au nombre de 4 632. Un réexamen justifié par le pouvoir chinois : dans le premier décompte, le nombre de morts à domicile n’avait pu être pris en compte, estime le pouvoir chinois.
Des griefs similaires en France
Une polémique n’est pas non plus passée inaperçue en France. La bombe lâchée par l’ancienne ministre de la Santé, parachutée in extremis dans la course pour Paris. Interrogée par le journal Le Monde, Agnès Buzyn affirmait avoir prévenu le gouvernement dès le mois de janvier de la dangerosité du virus, et de l’impossibilité de maintenir les élections municipales : « Depuis le début je ne pensais qu’à une seule chose : au coronavirus. On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade. La dernière semaine a été un cauchemar. J’avais peur à chaque meeting. » C’est ainsi qu’elle met en scène son chagrin, après la passation de pouvoir à Olivier Véran, nouveau ministre de la Santé.
D’autres critiques sont aussi adressées au gouvernement au sujet de la communication scientifique ânonnée chaque soir par le directeur général de la santé, Jérôme Salomon. Des chiffres qui, selon le professeur Éric Caumes, chef du service d’infectiologie à la Pitié Salpêtrière, seraient « faux ». Soutenu par son collègue Gerald Kierzek lors de la Grande Confrontation organisée par LCI le 11 mars, ils conviennent que le mode de calcul ne permet pas de communiquer le nombre total de cas contaminés.
Dans son allocution télévisée du 13 avril, Emmanuel Macron déclarait : « Nous règlerons les comptes le moment venu. » La différence fondamentale entre un régime totalitaire et une démocratie réside entre autres dans la liberté d’expression. Les journalistes français peuvent exercer leur métier et ainsi éclairer les citoyens. Selon Reporters sans frontières (RSF) : « Si la presse chinoise était libre, le coronavirus ne serait peut-être pas devenu une pandémie. » Et c’est bien sous la pression des révélations faites par l’agence internationale Associated Press que le gouvernement chinois a dû sortir du silence.
Une situation politique aussi exceptionnelle, nécessite l’implication de chaque citoyen, ce qui est également inconcevable s’ils ne sont pas informés de manière satisfaisante.