Santé

Malades « collatéraux » du coronavirus, la seconde vague redoutée

Le déclenchement du plan blanc dans tous les hôpitaux de France a entraîné une grande réorganisation des services. Mais la chute de fréquentation des professionnels de santé, inquiète sur le manque de surveillance portée à certaines pathologies chroniques.

L’annonce du confinement déclenche chez les Français une peur de la contamination. La crainte d’une surcharge des cabinets et des urgences dissuade de se rendre chez son médecin. Tandis que les radios et télés ne parlent que du pic de surpopulation des hôpitaux, la fréquentation des cabinets médicaux baisse à seulement 50 % de leur activité normale. « On pensait bien que cette chute de fréquentation ne signifiait pas une baisse des pathologies », observe Dominique Auvinet, médecin généraliste à Achères. Alerté par les organisations, le président, lors de son discours du 13 avril, corrige le tir : « Je veux aussi vous rappeler que tous ceux qui ont une maladie doivent pouvoir continuer à consulter leur médecin, (…) car le renoncement à d’autres soins peut être aussi dangereux. »

Mais cette baisse ne se limitait alors pas à des pathologies bénignes. Le professeur Pierre Amarenco, chef du service neurologie à l’hôpital Bichat-Claude Bernard, constatait de la même façon une diminution de 50 à 60 % des appels au 15 pour accident vasculaire cérébral (AVC) : « Après la vague de Covid-19, on risque d’avoir une vague de patients qui ont fait un AVC et qui se présenteront avec des séquelles. »

Une réorganisation nationale des hôpitaux

« Aujourd’hui, toute personne qui se présente à l’hôpital est considérée comme atteinte du Covid jusqu’à preuve du contraire »,  explique Karine Juvin, pneumologue à L’hôpital européen Georges-Pompidou. « On a réorganisé les services par unité. En pneumologie, nous avons en temps normal 18 lits disponibles, mais toute l’unité est maintenant mobilisée pour les patients Covid. Un service de chirurgie, qui a fermé faute d’activité, nous prête 12 lits pour accueillir les malades pneumologiques non-covid. (…) Le service scanner de l’hôpital Pompidou est maintenant séparé en deux, l’un est dédié aux Covid et l’autre non, car ce ne sont pas les mêmes mesures d’hygiène et de nettoyage ». 

Cet affaiblissement des services s’accompagne d’une diminution de patients, les examens de suivi étant remis à plus tard. En pneumologie, Karine reste en contact téléphonique régulier avec ses patients qu’elle connaît bien. « Si jamais on a besoin d’éléments qu’on ne peut pas vérifier par téléphone, on leur demande de voir leur médecin traitant ou de passer à l’hôpital. » Si le suivi de malades est toujours possible, c’est la capacité de dépistage des hôpitaux qui est affaiblie. « Le malade qui a des symptômes classiques, à qui on ferait faire en temps normal un scanner pour prévenir un cancer, on lui dit aujourd’hui d’attendre le déconfinement pour faire un dépistage. » pointe Karine Juvin. « C’est difficile de faire des prévisions au long terme, mais c’est évident qu’on va avoir des décès ».

Un risque d’angle mort dans la prise en charge des pathologies chroniques

Dominique Auvinet anticipe quant à lui, un risque de surmortalité : « J’ai une patiente qui a une tumeur, son opération, prévue en mars, a été reportée en avril et j’ai appris hier qu’elle était finalement reportée en mai. La personne a perdu deux mois sur son traitement. » Cette conséquence indirecte de l’épidémie est observée par de nombreux praticiens, mais il est difficile pour l’heure de quantifier des retombées actuelles ou futures.

« Initialement, il était indispensable que l’activité programmée soit suspendue afin de permettre la mobilisation de tous les acteurs autour de la prise en charge Covid » concède Marie* médecin hospitalier au CHU de Vienne. « Cela nécessitait une disponibilité de tous les instants et ne permettait pas d’avoir une activité programmée. Néanmoins aujourd’hui la situation est différente, le flux de patients Covid a diminué et il semble donc indispensable de reprendre en charge des patients non Covid afin qu’il n’y ait pas de perte de chance pour ces malades. »

Ces patients, dont les soins peuvent être plus importants si un suivi ou un dépistage n’a pas été réalisé, pourraient alors constituer une « seconde vague » non Covid. « Il s’agit de patients avec des pathologies chroniques susceptibles de décompenser et d’arriver dans un second temps à l’hôpital dans des situations médicales dégradées qui vont à nouveau mobiliser les réanimations. La seconde vague ne sera pas forcément une vague Covid mais une vague de patients chroniques dont l’état s’est dégradé. Le pire serait que les deux vagues s’additionnent : un vrai tsunami pour les soignants déjà bien fatigués. »

Cette crainte se conjugue à la date du 11 mai qui déterminera, selon son organisation en évolution chaque jour, si les hôpitaux pourront reprendre une activité normale.

* Le prénom a été modifié

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