Les voix de l’opposition s’élèvent afin que le débat parlementaire puisse reprendre au plus vite et que les députés de l’opposition puissent davantage contrôler l’action du gouvernement.
Le projet d’union sacré, voulu par Emmanuel Macron, restera certainement lettre morte. La volonté de bâtir une union politique nationale au nom de la gestion de la crise du Covid-19 avait semblé être partagée par l’opposition. La légère accalmie qu’a occasionnée l’allocution d’Emmanuel Macron ne pouvait durer. Les voix de l’opposition s’élèvent à nouveau. En témoigne le courrier adressé au président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand par 35 députés du groupe Les Républicains (LR). Ces derniers pressent Monsieur Ferrand de rétablir le débat à l’Assemblée, obstrué par le « format restreint » des séances à l’hémicycle depuis le 19 mars. En raison de la crise sanitaire, chacun des huit groupes parlementaires n’est représenté que par son président de groupe et deux députés. Certains, dans les rangs de LR, parmi lesquels le député Raphael Schellenberger, accusent même la majorité d’avoir « délibérément mis à l’arrêt le Parlement sans respecter aucune règle constitutionnelle ou procédurale propre à l’Assemblée. »
Le fonctionnement actuel de l’institution déplaît aux élus de droite. Ils demandent de rétablir un fonctionnement « sinon parfaitement normal, du moins le moins dégradé possible de l’Assemblée nationale. » Afin d’assurer un semblant de débat parlementaire, les députés de tous bords politiques discutent des projets de lois par visioconférence, mais cette méthode présente des limites selon le député LR à l’initiative du courrier, François Cornut-Gentille : « Quand on consulte les médias, on peut avoir l’impression que l’Assemblée fonctionne puisqu’il y a les réunions en visioconférence, ce qui n’est pas le cas du tout », déplore le député de la Haute-Marne. Les cosignataires estiment que « les commissions doivent pouvoir entendre toute personne sans interface technologique altérant la qualité des débats. » Ils estiment que le format restreint de députés siégeant à l’Assemblée nationale était justifié au début de la crise sanitaire, notamment puisque le palais Bourbon constituait un foyer de l’épidémie, mais ne l’est plus maintenant.
« On ne peut pas accepter de pseudo-débats »
L’appel à la reprise du débat parlementaire dans de meilleures conditions se fait d’autant plus pressant que les projets de lois présentés actuellement au Palais Bourbon sont d’une importance cruciale. Vendredi 17 avril, le projet de loi de finances rectificative pour 2020 a été voté à l’Assemblée. Les députés en font mention dans leur courrier, déplorant que l’examen du nouveau budget se soit tenu « selon une procédure dégradée » ne permettant « ni un examen approfondi des mesures envisagées, ni une délibération conforme aux principes fondamentaux constitutionnels et organiques, exposant le projet de loi à un risque certain d’inconstitutionnalité. (…) Compte-tenu de ce que l’on est en train de décider, de l’importance de ces sujets pour les trente ans à venir ou même plus, on ne peut pas accepter des pseudo-débats, » assène Monsieur Cornut-Gentille. Les députés de l’opposition craignent par ailleurs ne pas être entendus à propos du vote sur le tracking, lequel doit se tenir les 28 et 29 avril.
Les leaders parlent à nouveau à leur base
Marque criante que le temps de l’union sacrée est bien terminé, les représentants politiques, et notamment des partis de gauche, reprennent leurs meetings. Faute de pouvoir réunir leurs partisans physiquement, les dirigeants du Parti Communiste Français (PCF) et de La France Insoumise (LFI) ont organisé des rendez-vous numériques, respectivement le 16 et 17 avril. Ils rouvrent ainsi le débat public, ne laissant plus la seule place à la parole gouvernementale. Ils défendent devant leurs militants des propositions, des programmes politiques pour préparer l’après. Pour se démarquer encore davantage de ses concurrents de gauche, Jean-Luc Mélenchon accuse Julien Bayou de vouloir un gouvernement d’union nationale. Cette polémique met aussi en avant le fait qu’Europe Ecologie Les Verts (EELV) s’organise de son côté. Le secrétaire national d’EELV parle du « grenelle du monde d’après. » L’avènement des « jours heureux » auxquels appelait le président Emmanuel Macron est fortement remis en question.
Une situation qui ne déplaît pas à la majorité
Les élus de droite soupçonnent enfin la majorité parlementaire de s’accommoder volontiers de la situation parlementaire actuelle. Selon le député LR Fabien Di Filippo, la situation actuelle ne fait que confirmer la nature de la politique menée par la majorité : « La majorité a toujours été partisane des débats tronqués afin de pouvoir avancer le plus vite possible, même si ce n’est pas dans la bonne direction. Or, nous souhaitons l’alerter quand il y a des erreurs, quand il y a des problèmes, quand sur le terrain les difficultés rencontrées sont très éloignées de la communication gouvernementale. »
« J’avais le sentiment que le président Richard Ferrand, avec tout le respect que je porte pour lui, s’accommodait quelque peu de la situation. Il ne donnait pas le sentiment de chercher des solutions », assure Monsieur Cornut-Gentille. Il se félicite néanmoins que Richard Ferrand ait entendu les recommandations du groupe LR : « Au bureau, je crois qu’ils ont déjà prévu 75 députés à l’hémicycle, ce qui est déjà un progrès », confie-t-il. Cette concession ne constitue néanmoins qu’une faible avancée puisque les modalités de ces sessions à l’hémicycle doivent encore être précisées. Richard Ferrand ne se pressera sûrement pas pour le faire.
Le débat parlementaire reprend en Allemagne
La situation parlementaire en Allemagne nourrit les incompréhensions des députés LR. La députée des Hauts-de-Seine Constance Le Grip a fait observer que le Bundestag, l’assemblée de la République fédérale allemande, s’apprête à se rassembler en session plénière. Les dirigeants allemands sont en avance sur le déconfinement, font preuve de pragmatisme, tout en expliquent clairement les modalités et en préservant la santé démocratique de leur pays. François Cornut-Gentille admet : « La gestion allemande est non seulement plus rigoureuse mais aussi plus démocratique. » Il est nécessaire que Richard Ferrand s’en inspire afin que la vie démocratique du pays puisse reprendre dans les plus brefs délais.
Étudiant en troisième année, je suis particulièrement intéressé par les sujets : politique, géopolitique et économie.