En première ligne face aux risques de contamination, les employés de la grande distribution demeurent dans l’incertitude. Si à l’hypermarché Carrefour de Montreuil, la tension semble peu à peu retombée, elle n’en demeure pas moins ancrée dans ce secteur d’activité touché par plusieurs décès.
La prudence et l’application des consignes de sécurité sont de mise au sein de l’hypermarché Carrefour de la Porte de Montreuil. Situé au niveau supérieur du centre commercial La Grande Porte, son accès est scrupuleusement contrôlé, en atteste la longue file d’attente qui commence sur le large trottoir de la rue de Paris. Dans ce climat pour le moins inhabituel, les agents de sécurité font plus que jamais office de gardiens du temple pour faire respecter les mesures. Equipés de masques à visière et de paires de gants, ces derniers guident avec attention la queue de clients vers l’entrée de l’hypermarché, en n’hésitant pas à rappeler fermement à l’ordre les plus durs de l’oreille. Souvent mésestimés voire méprisés, ils se retrouvent aujourd’hui en première ligne afin de permettre aux consommateurs d’effectuer leurs courses, en limitant leur exposition aux risques. Une nouvelle mission difficile dont les clients sont très reconnaissants.
« C’est très important ce qu’ils font, s’ils n’étaient pas là, les distances de sécurité ne seraient pas autant respectées, déclare un client masqué aux abords de l’entrée de Carrefour. Tout comme les caissiers et les employés de rayons, ils s’exposent aux risques pour notre sécurité et notre bien-être au sein du magasin. Il faut vraiment leur tirer notre chapeau pour ça. » Si cette reconnaissance grandissante envers les vigiles est légitime, elle n’estompe pas pour autant la pression qu’ils peuvent ressentir vis-à-vis de leur tâche et de leur proximité avec les clients.
« C’est presque un nouveau métier qu’on fait en ce moment, confie un agent de sécurité de l’hypermarché Carrefour de Montreuil. D’habitude, les sacs sont fermés à l’entrée du magasin et nous surveillons les personnes douteuses. Là, nous sommes beaucoup plus au cœur de l’action à cause des règles à faire respecter. Même si nous sommes équipés, il y a forcément de l’appréhension par rapport au contact avec les clients. Certains ne nous facilitent pas la tâche, donc ce n’est pas si facile que ça. »
Dans l’enceinte même de l’hypermarché, le calme et la tranquillité ressentis, contrastent avec le sentiment d’impatience et de lassitude qui règne à l’extérieur. Le contrôle strict des entrées dans le magasin semble porter ses fruits. Loin de la cohue habituelle, le Carrefour sonne creux et dépeuplé. Cette tendance n’est évidemment pas étrangère au regain de sérénité évident des employés, qui se réjouissent de l’efficacité de ces mesures : « On se sent beaucoup plus en sécurité qu’au début de la crise, révèle Annabelle, une caissière de longue date à Montreuil. Il y a encore quelques semaines, c’était complètement désorganisé, l’affluence était très forte, ce qui ne permettait pas du tout un respect des règles. Aujourd’hui nous sommes mieux préparés, mieux équipés donc moins exposés. L’ambiance de travail est beaucoup plus sereine. »
Des mesures tardives du gouvernement ?
Le gouvernement a finalement imposé, le mois dernier, l’application de mesures et gestes barrières à suivre pour les employés. Sous l’impulsion de Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, et de Muriel Pénicaud, ministre du Travail, le secteur de la grande distribution s’est mobilisé, pour mettre en place des bonnes pratiques tels que le lavage des mains constant, le nettoyage intensif des caddies, ou encore la mise en place de vitres de protection en plexiglass sur pas moins de 200 000 caisses.
Les décisions du gouvernement sont également intervenues pour répondre aux demandes des syndicats. Ces derniers n’ont eu cesse de faire part des cas de Covid-19 dans le secteur de la grande distribution. Quelques jours après ces annonces, Aicha, caissière à Saint-Denis, décédait des suites du virus. Par l’intermédiaire d’un virulent communiqué, la CGT Carrefour Hypermarché dénonçait le géant de la distribution, en pointant du doigt une incapacité à protéger ses employés en dépit des 700 millions de bénéfices sur l’année 2019. La CGT recensait à la fin du moins de mars 181 cas avérés, ainsi que 9 décès dans le secteur de la grande distribution au mois de mars.