Cette petite station de ski du Tyrol autrichien est devenue un des principaux centres de propagation en Europe. Un foyer de contaminations qui a notamment permis au virus d’atteindre les pays scandinaves.
Bière-pong et coronavirus ne font pas bon ménage. C’est dans la petite station cossue de sports d’hiver d’Ischgl, située dans l’ouest de l’Autriche, qu’une des pires propagations du nouveau coronavirus a eu lieu. Ce village du Tyrol autrichien, une province à cheval entre la Suisse et l’Italie, est prisée par des célébrités internationales et des touristes du monde entier.
« Notre problème ne s’appelle pas l’Iran, mais Ischgl », a notamment déclaré le ministre de la Santé du Land de Bade-Wurtemberg, où se trouve Aalen, ville allemande qui recense le plus de cas de Covid-19 contractés en Autriche. Les médias allemands n’hésitent d’ailleurs pas à tirer à boulets rouges sur les autorités locales de Tyrol et sur leur incompétence, ils ne sont pas les seuls.
« Ça a pris dix jours pour qu’ils ferment le village »
Steve Ehrenberger, étudiant en urbanisme à Vienne, affirme que des touristes étrangers, s’étaient renseignés avant de venir skier dans le Tyrol. « Ces gens provenant d’Islande et de Norvège ont appelé pour savoir si tout allait bien et les autorités locales ont répondu que ‘oui’. Pourtant, cela paraissait évident qu’Ischgl avait un problème, mais ils n’ont pas fermé la station. Ils ont pris dix jours pour fermer le village. »
Des vacanciers sont donc rentrés chez eux, en Islande, au Danemark et en Norvège, malades du coronavirus sans le savoir. Au Danemark, environ une personne contaminée sur cinq revenait de l’Autriche. Un chiffre identique à celui de la Norvège. Ces personnes ont ensuite propagé le Covid-19 dans leur pays.
L’Islande a été le premier pays à réagir. Le 29 février dernier, 15 vacanciers porteurs du virus sont descendus d’un avion à Reykjavik, la capitale, en provenance de Munich. Ils revenaient tous d’Ischgl. Les autorités islandaises classent alors Ischgl sur la liste des zones à risques(foyers d’infections), dans la même catégorie que Wuhan, la Corée du Sud et l’Iran.
Mais la province du Tyrol reste sourde face aux avertissements des pays scandinaves et ne fermera pas sa lucrative station de sports d’hiver avant une semaine. Un laps de temps que l’Europe paye probablement aujourd’hui étant donné les pratiques festives locales. Un bar populaire d’Ischgl est en effet souvent pris d’assaut en bas des pistes par les vacanciers après leur journée de ski : le « Kitzloch ».
« Ils jouaient au bière-pong avec leur bouche »
Un lieu où les skieurs jouent notamment au bière-pong, ce jeu consistant à lancer la balle de ping-pong dans le verre de son adversaire pour le faire boire de l’alcool. « Ils jouaient au bière-pong avec leur bouche », précise M. Ehrenberger. « Donc ils prenaient la balle dans leur bouche, mais d’autres gens faisaient de même ». Un système de propagation parfait pour un pathogène comme le coronavirus, transmissible notamment par les gouttelettes (projections de salive, éternuements).
Selon lui, 57% des Autrichiens qui ont contracté le nouveau coronavirus « ont tous un contact avec quelqu’un qui est allé à Ischgl ». Il ajoute que le foyer infectieux autrichien n’a pas été autant médiatisé que l’Italie ou l’Espagne car les chiffres sont beaucoup moins impressionnants que dans ces pays méridionaux.
« Nous avons constaté qu’ils échangeaient leur salive parce qu’on joue fréquemment au bière-pong dans ces bars où les serveurs utilisent des genres de sifflets pour se frayer un chemin à travers la foule », a raconté Jan Pravsgaard Christensen sur CNN, spécialiste des maladies infectieuses de Copenhague. Des sifflets qui passent eux aussi de bouche en bouche.
M. Ehrenberger craint, tout comme de nombreux Autrichiens, que ce retard décisionnel pris par les autorités tyroliennes ne soit dû à la similarité des gouvernements nationaux et provinciaux. « Le gouvernement autrichien est conservateur et Vert, tout comme le gouvernement à Tyrol. Ils ont les mêmes partis au pouvoir. Si Tyrol était socialiste, le gouvernement autrichien l’accablerait et lui reprocherait ses erreurs. Donc on n’en parle pas. »
Un manque de communication et de prise de décision auquel l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) n’a, semble-t-il rien pu faire. « L’OMS n’a pas de mécanisme pour décider si une zone est à risques, ou non, c’est la responsabilité des autorités nationales », indique Stephanie Brickman, chargée de communication au sein de l’OMS.