Annoncée lors de l’allocution présidentielle du 13 avril, la date de réouverture des écoles fait face au scepticisme des directeurs d’écoles.
« Le moment de présenter le plan n’est pas venu. » déclarait lors d’une conférence de presse hier soir, Édouard Philippe. « Je ne veux pas faire état de décision à ce stade, mais je souhaite évoquer ces hypothèses pour que chacun puisse envisager la suite et prendre part au débat ». Un plan que se refuse pour le moment de commenter l’académie départementale. À tous les échelons, on ne peut aujourd’hui qu’envisager les difficultés à venir. « Le rectorat nous explique qu’ils se sont mis en relation avec les fédérations de parents d’élèves, les syndicats enseignant, les collectivités, on en saura plus au courant de la semaine. » explique Catherine*, principale d’un collège des Yvelines.
Des « hypothèses » qui ont valeur de garantie
Si le chef du gouvernement ne donnera pas plus d’informations, il émet l’hypothèse d’une « reprise différée des cours selon les territoires » et celle de « cours en demi-classe qui changent chaque semaine ». Ces pistes visent d’abord à rassurer des chefs d’établissements pour qui, ces mesures sont inévitables. « Une classe entière, c’est impossible. C’est dans l’organisation globale de l’établissement que c’est le plus compliquée. » souligne Catherine « Bien sûr on va responsabiliser [les élèves], bien sûr, ils sont conscients des choses, mais il y a toute une logistique à mettre en place ». Il n’est plus question d’organiser des cours de sport collectifs ou un déjeuner dans les cantines.
Pour Françoise*, directrice d’une école primaire des Yvelines « Même une demi-classe, ce n’est pas faisable. Les placer à un mètre les uns des autres ça reste compliqué mais c’est surtout hors des moments de classe, les passages aux toilettes, les récréations, on ne peut pas désinfecter après chaque élève. Les gestes barrières pour des maternels, c’est impossible et pour des primaires c’est très compliqué. (…) On se retourne pour écrire au tableau et ils touchent à tout les gamins. Pour des ados c’est envisageable, mais pour des petits, ils n’ont pas conscience des risques. (…) Aller faire garder des masques sur la tête d’enfants qui n’en ont pas l’habitude. Écrire avec des gants ça fait transpirer, ils vont les percer… »
Les enfants, des porteurs moins importants que les adultes
Des hypothèses, la médecine en apporte également de nouvelles. Contrairement à beaucoup de virus respiratoires, comme celui de la grippe ou de la bronchiolite, les enfants pourraient être, en plus d’être épargnés par les formes graves de la maladie, des porteurs moins importants que les adultes et pour des périodes plus courtes. Malgré ces observations, rapportées à France Culture par le pédiatre et infectiologue Robert Cohen, le risque perdure pour les professeurs volontaires qui continuent à enseigner en présentiel auprès des enfants de personnels soignants, policiers ou pompiers.
« Les cours se passent bien dans l’ensemble, mais les enseignants ne trouvent pas normal de ne pas avoir de masque ou de gants, surtout quand certains enfants sont malades sans qu’on puisse savoir de quoi… Ce lundi c’est la reprise des cours après les vacances et des gants, masques et gels hydroalcooliques devraient être enfin distribués par l’inspection » explique Françoise avec une pointe d’amertume.
« L’école n’est pas la garderie du MEDEF »
Derrière la question de la reprise des cours se déroule un bras de fer entre les syndicats de l’Education nationale et le MEDEF. « Cela permettrait aux entreprises de bien préparer la reprise, et aux enfants de retrouver le chemin de l’école » se réjouissait un porte-parole du syndicat des patrons pour l’AFP la semaine dernière. Une déclaration reprise dès le lendemain : « L’école n’est pas la garderie du MEDEF » répondait sèchement dans un communiqué la branche éducation du syndicat Force ouvrière. En attendant les précisions du plan pour les écoles et une garantie d’accès à des matériels de protection, le syndicat annonce un préavis de grève jusqu’au 30 mai.
Des maires ont également d’ores et déjà annoncé qu’ils prendraient des arrêtés locaux afin de garder les écoles de leur commune fermées le 11 mai. Martine Aubry, maire socialiste de Lille, déclarait notamment lors d’un point presse vendredi soir, sans prendre position sur la question « ne pas voir comment on pourra rouvrir les écoles le 11 mai ».
Le chef du gouvernement évite ce débat – et cet écueil – et annonce la reprise des cours comme une mesure d’égalité sociale. « Il est important d’assurer la sécurité sanitaire, mais l’accès à l’éducation me paraît également primordial. Nous devons rouvrir les écoles pour un impératif de continuité de la vie de la nation. » Mais les nombreux points noirs autour de cette date et le « nous n’avons pas toutes les réponses » répété à foisons par le Premier ministre, rappellent que le cap de cette navigation à vue ne peut qu’évoluer d’ici le mois de mai.
*Les prénoms ont été modifiés