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Les”premières lignes” demandent plus qu’une prime

L’annonce d’Edouard Philippe concernant les primes pour les soignants ne fait pas l’unanimité dans le secteur médical. “Les premières lignes” attentent plus de l’État.

La pilule ne passe pas : « On ne fera pas taire les soignants avec des primes », préviennent les acteurs de la santé. Le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé débloquer des primes de 500 et 1500 euros pour les soignants des « unités Covid + » la semaine dernière. Il a aussi assuré une majoration salariale de 50% pour les heures supplémentaires. « Ce n’est pas en offrant des primes que l’on va garder les infirmiers à l’hôpital public. Ce n’est pas comme cela que le système hospitalier pourra offrir des soins de qualité », avertit Marie-Pierre Martin, infirmière et membre du collectif Inter-urgence. 


Soignants du corps hospitalier, professionnels du paramédical et infirmières libérales réclament les mêmes choses : une revalorisation salariale à long terme, du matériel pour garantir des soins de qualité et la reconnaissance du rôle de chacun, indépendamment de leur service.

Certains acteurs du corps médical se sentent relégués au second plan. C’est le cas d’Antoinette Tranchida, infirmière libérale et présidente du syndicat Onsil. Elle doute que les professionnels de l’aide à la personne touchent une prime pour leur mobilisation durant la crise : « L’Etat a déjà fait une différence entre ceux qui sont touchés et ceux qui le sont moins. C’est vrai qu’en réanimation, ils ont été très affectés. Mais tout le monde a subi le stress du Covid. L’angoisse de l’attraper, de le transmettre à nos patients et à nos familles. Pour moi, tout le monde devrait gagner la même prime », regrette l’infirmière.

Pour le collectif Inter Urgences qui lutte pour améliorer les conditions de travail au sein des structures d’urgences, les primes sont un leurre. Elles évitent de discuter d’une revalorisation des salaires à long terme. La même manœuvre du gouvernement s’est déroulée en 2019 rappelle Marie-Pierre Martin : « Après les dernières manifestations, le gouvernement nous avait octroyé 100 euros de prime, c’était des miettes. Aujourd’hui, les miettes sont plus grosses, mais si on divise cela sur le nombre d’années que nous avons travaillées, ça ne fait pas tant que ça. »

Un manque de reconnaissance… et de matériel

Au-delà de la rémunération, c’est bien un problème de valorisation de la profession qui touche le corps médical : « Il n’y a pas eu un mot pour les infirmiers libéraux et la médecine de ville de la part d’Olivier Véran et d’Edouard Philippe dans leur discours ce dimanche, s’agace Antoinette Tranchida. « J’ai acheté du tissu avec mon argent et j’ai fait fabriquer plus d’une centaine de masques pour mes patients et mon entourage. Donc l’Etat, on ne lui doit rien. Mais le gouvernement doit nous être reconnaissant pour avoir aidé à contenir l’épidémie », déclare-elle.

Dans les EHPAD, la situation n’est guère meilleure explique Francine Noyer, aide-soignante à Lille : « J’ai failli démissionner de mon poste lorsque j’ai compris la façon dont nous allions faire face à la crise. Je suis restée à mon poste parce qu’ici les gens travaillent par passion, même dans ces conditions. » Concernant les primes, l’aide-soignante estime que ce n’est pas la priorité. « Nous mettons notre vie ainsi que celle des patients en danger parce que nous manquons de matériel », alerte-elle.

À l’hôpital public, le constat est le même : « On travaille en mode dégradé [NDLR : sans le matériel adéquat et en manque de personnel], et encore plus en temps de crise sanitaire. Il faut être conscient que la situation aurait été bien meilleure si l’on nous avait écouté depuis le début. Nous serions sans doute dans la capacité de faire face à la crise », surenchérit Marie-Pierre Martin.

Dans le récit des soignants, un trait commun semble se dessiner. L’habitude de se débrouiller seul avec les moyens du bord. À l’hôpital, chez les libéraux ou dans les maisons de retraite, les soignants ont pris l’habitude de « fonctionner au système D », et n’attendent plus rien de la part du gouvernement. Antoinette Tranchida, l’infirmière libérale constate : « Nous faisons partie des meubles. Pour les patients nous sommes tout, mais pour les tutelles de pouvoir nous ne sommes rien. »

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