Culture

Jeux vidéo et confinement : une histoire d’addictions

Avec les mesures de confinement imposées à plus de la moitié de l’Humanité les heures à tuer se sont décuplées. Le gaming, activité profondément immersive et chronophage apparaît pour beaucoup comme le remède idéal à l’ennui . En conséquence, les ventes s’envolent.

Allumer son écran, attraper sa manette, lancer un jeu et s’y perdre plusieurs heures durant est devenu partie intégrante du quotidien de ceux qui n’ont, habituellement que peu de temps à accorder au gaming.  

« Je ne peux plus sortir et chez moi je n’ai ni livres, ni ordinateur alors forcément je joue. » déclare Enzo, passionné de jeux vidéo. « J’aimerai bien faire autre chose mais une fois que j’ai fait mon sport, passé un peu de temps en famille et regardé une série je tourne en rond. Là au moins j’échange avec des amis et je vois autre chose que les même quatre murs. »

Entre le 16 et le 22 Mars en Italie les ventes de consoles ont augmenté de 84 % et en France, les téléchargements en ligne ont presque été multipliés par trois. Pour beaucoup ces chiffres, communs à l’ensemble des pays, suscitent la crainte. Deux mois d’enfermement avec le jeu comme principal échappatoire risquerait de créer une dépendance chez les joueurs.

En juin 2018 l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a reconnu l’addiction aux jeux vidéo comme une pathologie. Paradoxalement elle récemment a lancé l’hashtag playapartogether (Jouez ensemble à distance) pour pousser la population à rester confinée tout en privilégiant le lien social. 

Malgré les raisons évidentes qui justifient ce changement de position, le double discours de l’OMS interpelle, comme le souligne Romain Vincent, doctorant sur les usages du jeu vidéo : « Devoir passer par des mois de confinement pour que jouer soit un minimum légitimé démontre quand même un gros problème d’image. »

Premier sur le marché culturel français, 49% de la population pratique régulièrement le gaming. Caractérisée comme une activité violente, un facteur d’isolement social et une source d’addictions, l’impact négatif sur les consommateurs, ces futurs « crétins digitaux », nuit fortement à son image. 

Demain tous accros ?

Pour Michael Stora, psychologue et fondateur de l’Observatoire des Mondes numériques en sciences humaines le risque de développer une addiction le temps du confinement est un faux débat : « Les écrans sont devenus la nouvelle peur, mais l’idée selon laquelle nous deviendrons tous addicts ne repose sur aucune étude scientifique. »

Il décrit en réalité cette dépendance comme la conséquence d’un autre problème. Depuis plus de dix ans il reçoit des jeunes en marge du monde réel, souvent dépressifs et qui redoutent toutes interactions sociales. Ils sont déscolarisés et ont trouvé dans le jeu vidéo, une échappatoire : « Il y a des facteurs qui engendrent l’addiction, c’est rarement l’inverse. Il ne faut pas stigmatiser, tout objet de plaisir aussi sain soit-il, peut créer la dépendance. Le jeu comme l’alcool, le sport ou le travail. »

Michael explique que pour aider ces personnes à décrocher, une hospitalisation « à grand renfort de médicaments » est souvent mise en place, ce qui s’avère désastreux. 

Marie-Eline Guillet-Nicaisse, psychologue clinicienne explique qu’en réalité seulement 4% de ces personnes souffrent réellement d’addiction et 7% ont des usages excessifs, ou pathologiques. Pour les autres, le jeu vidéo n’est rien d’autre qu’une passion. 

Mieux vivre la crise

Si la psychologue décrit ses bienfaits en temps normal, avec un travail sur la mémoire, la concentration et les émotions par exemple, elle explique également comment le jeu peut être une aide en période de confinement : « C’est un très joli média qui permet de se raconter des histoires et de construire. Avec la pandémie, s’évader dans le jeu vidéo aide aussi à s’éloigner de ses angoisses et à mieux vivre la situation. »

Certaines personnes y trouvent une forme d’intimité, et préfèrent jouer seul. D’autres encore y voient un moyen de conserver le lien social, en s’affrontant en ligne. 

C’est surtout chez ceux qui abusaient déjà des écrans avant le confinement qu’un risque existe : « Pour la majorité des jeunes, il n’y aura pas de difficultés à lâcher les manettes pour retourner à l’école, mais pour ceux qui avaient déjà décroché avant ça risque d’être compliqué. »

Malgré un défaut de considération, l’opinion publique se montre aujourd’hui moins dure à l’image de ce milieu qui a su toucher une majeure partie de la population, de près comme de loin. 

Le jeu vidéo, par son histoire, la beauté de ses décors et l’interaction qu’il permet se suffit à lui-même. Il n’a plus besoin d’être légitimé. Le comparer au cinéma, souligner le rôle majeur de la musique ou l’importance d’une bonne structure narrative n’est pas nécessaire pour l’apprécier en tant que tel : un divertissement.   

+ posts

Etudiant en deuxième année de journalisme à l'ISCPA je suis à la recherche d'un stage d'une période de trois mois en presse écrite.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

X