Le Sénat doit examiner le nouveau projet de loi financier, jeudi 21 avril. Il prévoit l’apport de 20 milliards d’euros pour renforcer les participations financières de l’Etat dans les entreprises stratégiques en difficulté. Les ONG demandent une contrepartie environnementale.
Un soutien financier accordé aux entreprises en contradiction avec les objectifs en matière climatique est aujourd’hui incompréhensible. Au cœur des Accords de Paris, serait-il cohérent que l’Etat français propose de financer des entreprises peu scrupuleuses des questions environnementales ? Ces aides financières pourraient permettre à des entreprises polluantes, non respectueuses de l’environnement, de continuer leur activité comme avant, en n’ayant aucune responsabilité environnementale.
Ainsi, de nombreuses associations sont montées au front afin d’éviter une aggravation du système actuel, s’insurgeant d’opposer ainsi le développement durable à l’économie. Ce n’est pas le sauvetage économique de ces entreprises qui pose problème mais bien l’absence de garanties environnementales.
Vendredi dernier, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a assuré que les 20 milliards d’euros pour les entreprises en difficulté ne seraient « pas un chèque en blanc. » Il a évoqué la nécessité de redresser les entreprises et leur compétitivité avant de demander « une politique environnementale ambitieuse » aux entreprises concernées et d’ajouter : « Il faut que ces grandes entreprises industrielles s’engagent totalement pour une économie décarbonée. »
Un pas en avant, pourrait-on croire…
Dans la nuit du 17 au 18 avril à l’Assemblée nationale, la majorité vote en catimini les aides en ne les assortissant que d’un engagement minimaliste en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE), sans que ne soit connue la liste des entreprises concernées.
Pour les différentes ONG, la promesse n’est pas suffisante et il est inimaginable que ces fonds, distribués à des entreprises telles que Renault ou Air France, soient accordés sans contrepartie. Selon des organisations comme Greenpeace : « Il faut commencer la transformation le plus vite possible car il s’agit d’un chantier de longue haleine et surtout inévitable. » Pour Cécile Marchand, membre active de l’association les Amis de la Terre : « Soutenir à bout de bras et sans condition des multinationales qui devront de toute façon se transformer, c’est rendre leurs salariés encore plus vulnérables aux prochaines crises. »
Une analyse partagée par Patrice Geoffron, professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine, qui rappelle qu’ « une telle occasion de se saisir de l’enjeu environnemental a déjà été perdue après la crise de 2008. Désormais, on ne peut plus se permettre d’attendre encore dix ans. »
Preuve de cette forte réticence à développer de réelles mesures de lutte contre le réchauffement climatique, la commission des finances a repoussé le 16 avril dernier un amendement du député La République En Marche (LREM) Matthieu Orphelin. Cet amendement instaurait des conditions dans la montée de l’Etat au capital des entreprises. Ces dernières devaient notamment garantir la mise en place d’une stratégie de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Cosignataire de l’amendement avec une dizaine de députés, il s’interroge : « Pourquoi aucune contrepartie n’est-elle demandée aux entreprises ? La vraie raison : le gouvernement n’en veut aucune et le ministère de la Transition écologique a perdu ses arbitrages. »
Elisabeth Borne, ministre chargée de la transition écologique s’est voulue rassurante : « La crise ne remet pas en cause les priorités du gouvernement en matière de transition écologique et de décarbonation », affirmant que « les aides versées dans certains secteurs ou certaines entreprises devront s’accompagner d’engagements en matière environnementale et s’inscrire en cohérence avec l’ambition écologique du gouvernement, qui reste intacte. »
Cette question devra également être débattue sur le plan européen avec la mise en place du Pacte Vert. Annoncé par la Commission européenne, le pacte regroupe et garantit une série d’investissements en faveur du climat et de l’environnement. Or, certains Etats membres proposent de le suspendre face à l’explosion des dépenses liées au coronavirus. Réponse jeudi 23 avril lorsque le projet sera analysé par les dirigeants européens.