En raison de profondes divergences sur la gestion de la pandémie, le ministre de la Santé brésilien, Luiz Henrique Mandetta a été limogé par le président Jair Bolsonaro, en pleine crise sanitaire.
Ils se renvoyaient la balle. Luiz Henrique Mandetta a fini par déclarer le 29 mars dernier : « si on veut me virer qu’on me vire » indique Alban Senault, spécialiste du Brésil. L’ancien ministre de la Santé, a mené une politique calquée sur celle de l’OMS en testant la population, et en imposant un confinement (plus ou moins respecté). De l’autre côté, le président Jair Bolsonaro est obnubilé par le sauvetage de son économie et vante une politique anti-confinement. « Il y a eu une vraie confrontation entre les deux. Le ministre de la Santé qui allait complètement à l’encontre de Bolsonaro, devenait sévère et s’attirait la lumière. Ce que le président Bolsonaro n’apprécie pas du tout : il doit être au centre de tout. C’est comme une guerre d’ego » précise l’expert.
Depuis le début de la crise sanitaire, J.Bolsonaro a une vision particulière des mesures à prendre, « au début il nous disait que c’était une petite grippe. » Le 15 mars dernier, pendant que la France envisageait le confinement, les partisans de J. Bolsonaro organisaient des manifestations dans plusieurs villes du pays, malgré les mises en garde de L.H. Mandetta. Le pilier de la stratégie de Jair Bolsonaro est le suivant : « qu’il ne faut pas détruire l’économie brésilienne », déclare le spécialiste. Lors de ses nombreuses apparitions médiatisées, Bolsonaro ne respecte pas la distanciation sociale, notamment lors de ses visites aux commerçants, pour inciter la population à travailler. Pendant que L.H. Mandetta rabâche que la lutte contre la pandémie devrait être au centre des travaux de chacun, Bolsonaro définit la crise en trois fronts de problèmes : le virus, le chômage et « ceux qui surveillent ma chaise ».
Le licenciement attendu
Le président brésilien prévenait déjà, au mois de mars, du sort qu’il réservait à Mandetta : « Chez certaines personnes, quelque chose leur est monté à la tête. C’étaient des gens normaux, mais soudain, elles sont devenues des stars. » Il déclarait, sans citer le nom de son ministre : « Son temps n’est pas encore venu, mais il viendra. Je vais utiliser ma plume pour le bien du Brésil, pas pour le mien. Ce n’est pas personnel. »
Pendant ce temps, les chiffres grimpent. Le nombre de cas de covid-19 augmente au Brésil et J. Bolsonaro perd en popularité. Les Brésiliens ont exprimé leur colère contre la gestion de la pandémie, en frappant des casseroles et des poêles à leurs balcons. Dans les sondages, la cote de popularité de L.H. Mandetta double, et celle de Bolsonaro dégringole. « Très peu de membre du gouvernement soutiennent Bolsonaro » poursuit le spécialiste. Néanmoins, le président ne veut rien entendre. Il est principalement soutenu par son ministre de l’Economie d’extrême droite, Paulo Guedes, ainsi que par des églises évangélistes.

Selon CNN Brésil, dans les coulisses, les rumeurs de démission grandissaient. Les dirigeants du Congrès national se sont rendus à Planalto, le siège officiel du président, contre son licenciement. La veille, le 16 avril dernier, lors d’une réunion avec les leaders du secteur de la santé, le ministre de la Santé évoque ouvertement son départ : « Nous serons très prudents, car nous nous concentrons sur le virus. Nous prendrons soin de soutenir celui qui prendra ces fonctions ». Sans surprise, quelques heures plus tard sur Twitter, L. H.Mandetta annonce qu’il a été invité à démissionner. Ângelo Coronel (Parti Social-Démocrate – droite) a déclaré à l’Agência Senado, que l’ancien ministre n’a pas accepté la soumission, et qu’il a donc démissionné. Selon le sénateur, la loi du gouvernement est très claire : « Tais-toi ou tu vas être viré. »
La sénatrice Eliziane Gama (du parti socialiste : Citoyenneté) a déclaré, à Agência Senado, que le ministre avait agi avec courage en « ne se soumettant pas à la folie d’un président qui s’est montré si souvent irresponsable ». Elle a également demandé à son successeur, Nelson Teich, de travailler sans attachement idéologique, car cela mettrait en danger la vie des Brésiliens.
Luiz Henrique Mandetta a donc laissé place à Nelson Teich. Oncologue de profession, il faisait déjà partie favoris avant que ne soit désigné Mandetta. Teich a eu le soutien de l’Association médicale du Brésil (AMB). Il a déclaré avoir de bonnes relations avec les hommes d’affaires du secteur de la santé. Un argument de taille pour le gouvernement qui souhaiterait débloquer les débats sur la gestion du Covid-19.
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