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Une rupture de stock menace l’industrie contraceptive internationale. Près de 60% de la production mondiale est déjà paralysée.

L’Agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive (UNFPA) avertit : elle ne peut obtenir que 50 à 60% de ses livraisons habituelles de préservatifs. « Les fermetures des frontières et les autres mesures de restriction perturbent le transport et la production dans plusieurs pays et régions », indique un porte-parole du FNUAP.

L’entreprise malaisienne Karex, leader international de la production de préservatifs – elle produit un contraceptif sur cinq dans le monde – a fermé ses trois usines depuis le 18 mars, confinement oblige. Le mastodonte du secteur s’attend à une chute de production de 200 millions de ses préservatifs, comparée à la période d’avril 2019. « Le monde va sans aucun doute faire face à une pénurie de préservatifs », prévient le directeur exécutif de Karex.

L’assouplissement des mesures de confinement par les autorités malaisiennes a récemment permis une réouverture partielle des trois usines de Karex. Près de 50% des employés de la firme ont ainsi repris leur activité. Les usines de fabrication malaisiennes vont de nouveau être en mesure de fournir des préservatifs aux communautés les plus pauvres et vulnérables.

Des régions en première ligne

Patrick Pisa, directeur du laboratoire Polidis, alerte sur l’impact à court terme de cet épuisement : « L’intégralité de l’Asie pourrait se retrouver démunie face à une situation qui la dépasse complètement. L’arrêt de la chaîne de production de Karex, fleuron malaisien, est purement désastreux. C’est le premier fournisseur asiatique, loin devant ses concurrents. On ne pallie pas un manque de 200 millions de préservatifs en un claquement de doigts. » Des propos criants de vérité eu égard aux derniers chiffres communiqués. Des médias indiens ont ainsi recensé une hausse de 30% de la demande de préservatifs au sein du pays après l’annonce du confinement.

Dans un pays de 1,3 milliard d’habitants, la situation pourrait rapidement devenir préoccupante : « C’est un contexte totalement inédit, affirme Patrick Pisa. Il peut engendrer des catastrophes majeures : recrudescence du VIH, avortements à risques, grossesses non désirées… Ce n’est pas pour rien que l’OMS a qualifié la situation de ‘désastreuse’. Je pense au continent africain et à sa vulnérabilité. Le bilan peut être terrible. »

Des régions entières de la planète seront ainsi privées de préservatifs, à l’heure ou le Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH) touche encore 38 millions de personnes à travers le monde. Sur le continent africain, où l’usage de la contraception demeure très inégal et souvent proscrit religieusement, le tribut pourrait s’avérer très lourd : « L’Afrique est une inquiétude de santé publique majeure, puisque les préservatifs sont un article sanitaire de première nécessité, au même titre que la nourriture », indique Patrick Pisa. Le SIDA touche environ 10% de la population africaine. La carence en contraceptifs, déjà amplifiée par le désengagement américain décidé par Trump, pourrait provoquer une « hécatombe de grande ampleur », avertit Patrick Pisa.

La Chine à la rescousse

Face aux risques de pénurie, quelques motifs d’espoir subsistent cependant. En Chine, deux entreprises de fabrication se sont portées volontaires pour faire partie de la solution. HBM Productions, fournisseur d’environ 1 milliard de préservatifs par an, propose de tripler le nombre de ses lignes de fabrication d’ici à la fin de l’année 2020.  Shanghai Mingbang Rubber Products est quant à elle prête à augmenter les exportations de préservatifs (actuellement 10% de sa production). Le dirigeant du groupe Cai Qijie a ainsi déclaré : « Si les marchés internationaux rencontrent de tels problèmes, nous serions d’accord pour exporter plus. »

Patrick Pisa cartographie les conséquences de cet arrêt : « En France, on sera très largement épargnés par la pénurie, je vous le certifie. De notre côté, lorsque l’on a vu qu’il y avait des problèmes en Chine en fin d’année, on a intensifié nos productions. On a du stock et nos sous-traitants continuent de tourner et de produire », conclut-il. Un baby-boom version 2020 paraît ainsi très improbable.

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Etudiant en journalisme à l'ISCPA, je suis à la recherche d'un stage de trois mois au sein d'une rédaction de presse française ou espagnole.

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