Le secteur de l’hôtellerie-restauration est particulièrement impacté par la crise actuelle. Les professionnels du secteur demandent aux banques et aux assurances un soutien massif. Face aux nombreux refus essuyés, ils leur reprochent de ne pas jouer le jeu.
Les restaurants ne sont pas près de rouvrir, a annoncé Emmanuel Macron dans son allocution. Le secteur, qui risque d’avoir beaucoup de mal à se relever de la pandémie, compte donc sur leurs assureurs et sur les banques, même si certains ont déjà reçu une fin de non-recevoir de la part de ces entités. Chez la majorité des assureurs, il n’existe pas de clause relative aux pandémies. Mais des restaurateurs, qui avaient souscrit à une clause indemnisant en cas de « fermeture administrative imposée », n’ont pas reçu de dédommagement. Quant aux banques, l’Etat s’est porté garant pour qu’elles commercialisent des prêts afin de soutenir la trésorerie des entreprises. Une prise de position qui n’a pas aidé les dossiers de nombreux restaurateurs à être traités.
Les assurés délaissés
Sophie de Karaguimsky, gérante d’un petit restaurant dans le 11ème arrondissement, affirme ne même pas avoir essayé de contacter son assureur : « Ça aurait été une perte de temps, je n’aurai comme d’habitude, pas rempli toutes les conditions. Ils vont me demander des tonnes de documents qui vont me coûter cher à constituer. Pour au bout du compte, ne rien avoir. » Elle se dit cependant satisfaite des aides allouées par l’Etat son restaurant a eu droit à une aide compensatoire de 1500 €. Pour y être éligible il faut avoir perdu plus de 50% de son chiffre d’affaires. Elle a également eu droit au PGE, le prêt garanti par l’état : « Notre banque nous prête à prix coûtant et l’Etat se porte garant pour nous. Le prêt peut aller jusqu’à 25% de notre chiffre d’affaires annuel. »
Elle ne peut pas encore chiffrer les pertes occasionnées par la fermeture de son restaurant mais elle estime qu’elles seront « très élevées, rien qu’avec les charges fixes : le loyer, l’électricité, les frais bancaires et l’Urssaf. » Elle prévoit de rouvrir son restaurant à la mi-mai, uniquement pour les ventes à emporter. Mais elle craint « une activité très faible car il n’y a plus de clientèle de bureaux ».
Selon Alain Fontaine, le président de l’Association française des Maîtres Restaurateurs, si l’état de catastrophe naturelle n’est pas décrété, les assureurs ne rembourseront pas les pertes d’exploitation. Il relève cependant qu’elles « ont abondé le fonds de solidarité, qui va permettre aux petits restaurateurs d’avoir une première part d’argent. Entre 2000 et 5000€ en fonction de la fragilité de la TPE (-10 salariés). » Ces aides ne couvrent évidemment pas tous les frais, mais permettront aux petites structures de survivre.
Selon lui, 15 à 20% des restaurants devraient fermer en France. Néanmoins, la profession a la chance d’être soutenue par l’Etat : « C’est formidable car il y a une vraie considération. Il faut avouer que nous, restaurateurs français, sommes mieux lotis que les restaurateurs d’autres pays. »
En faveur de l’unité nationale, les assureurs pourraient faire un geste, il propose qu’un trimestre de loyer soit payé à chaque restaurateur, petit ou grand : « Ce serait simple à mettre en place. » Quant à la clause couvrant normalement la fermeture administrative des restaurants, il déplore : « J’ai lu un contrat où cette clause existait, mais le restaurateur n’a pas été indemnisé car il faut que la fermeture administrative ne concerne que son restaurant, et que personne ne soit dans le même cas dans la région. »
Les banques, « pas exceptionnelles »
Selon les chiffres des syndicats de la restauration, transmis par Mr Fontaine, 1 prêt sur 2 a été accepté. Pour les autres, 25% des dossiers sont en cours d’étude et les 25% restants ont été refusés. Selon lui, ces 25% de prêts refusés font partie de ces 15 à 20% de restaurants qui ne rouvriront pas leurs portes.
Il dénonce la façon arbitraire qu’ont les banques d’accorder les prêts : « Elles ne prêtent qu’aux restaurants ayant une trésorerie saine au 15 mars. Comment voulez-vous qu’un restaurateur ait une trésorerie saine après les grèves liées à la réforme des retraites, après les gilets jaunes et même si l’on remonte plus loin après les attentats. Les trésoreries de nombreux restaurants sont extrêmement dégradées, c’est donc très pervers car ils savent qu’ils n’aideront que peu de restaurateurs au vu des critères demandés. »
Chez les Maîtres Restaurateurs, plus de 53% des demandes de prêt ont été refusées. Il conclut : « Les assureurs ont été clairs avec nous, contrairement aux banquiers qui même avec un prêt garanti par l’Etat ne sont pas capables de nous aider. Même en cas de situation exceptionnelle, nous ne bénéficions pas de banques exceptionnelles. »
Des restaurateurs ont d’ores et déjà assigné en justice leurs assureurs. Le tribunal de commerce devrait prochainement se pencher sur ces dossiers brûlants.