L’Afrique connaît aujourd’hui un bilan relativement bas avec un peu plus de 17 000 cas confirmés et 911 décès. Ces chiffres, faibles par rapport à ceux publiés sur les continents voisins, pourraient exploser dans les semaines à venir si l’on en croit les dernières études. Le continent est sous surveillance.
Depuis le début de la semaine, les grandes organisations internationales, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en tête, ont alerté sur l’importance « d’éviter à tout prix une contagion généralisée sur le continent africain. » En effet, l’évolution de la pandémie en Afrique pourrait prendre une toute autre tournure. Les dernières prévisions de l’organisation sont alarmantes avec une potentielle contamination de plus de 10 millions de personnes d’ici 3 à 6 mois.
Rappelant que ces prévisions peuvent tout à fait « changer en fonction du comportement qu’adopteront les populations », le représentant de l’OMS en Afrique, Matshidiso Moeti a fait part de ses préoccupations : « Les chiffres continuent d’augmenter chaque jour, le virus se propage géographiquement », ajoutant qu’il était « nécessaire d’éviter que le virus n’atteigne les pays dont les systèmes de santé sont les plus faibles. »
Avec un nombre important d’entreprises dépendantes des matières premières et du tourisme, le continent le plus pauvre du monde va devoir faire face à une crise économique qui, sans l’aide des institutions financières, tournera au cauchemar. Par l’intermédiaire de sa directrice générale Kristalina Georgeovia, le Fonds Monétaire International (FMI) a lancé « un appel aux créanciers pour geler le remboursement des dettes, afin que ces pays puissent dégager de l’argent pour combattre la pandémie. »
La dirigeante a également annoncé la mise en place d’un Fonds fiduciaire comptant actuellement « une capacité de 500 millions de dollars de ressources immédiatement disponibles, y compris les 185 millions de dollars promis récemment par le Royaume-Uni et les 100 millions de dollars fournis par le Japon. » Le 15 avril, le G20 a suspendu pendant un an la dette de 76 pays pauvres, dont une quarantaine se trouvent en Afrique subsaharienne.
Selon les prévisions trimestrielles mondiales publiées par l’institution, le Nigéria -plus gros producteur africain de pétrole- connaîtrait une baisse de 3,4% du PIB. Encore plus forte, l’Afrique du Sud et son économie développée pourrait chuter de 5,8 %. Si la situation est alarmante pour les deux géants du continent, le sort économique funeste dévolu aux pays plus pauvres fait froid dans le dos.
Un continent très fragile
Pour Emile Boyogueno, spécialiste des questions internationales relatives à l’Afrique à l’université Panthéon Sorbonne Paris 1, il est primordial de « soutenir les catégories les plus fragiles de la population », sous peine de connaître une situation dramatique : « Il y a un fait qui est connu de tous : nous avons des systèmes de santé très vulnérables, très fragiles. Très peu de pays en Afrique, surtout au Sud du Sahara, disposent de systèmes de santé capables de répondre à une épidémie massive comme on l’a connue en Chine, en Europe ou aux Etats-Unis. »
L’OMS recommande au continent africain de donner la priorité à la santé en augmentant les budgets qui y sont consacrés. Selon l’expert, il ne faut pas que ces dernières oublient qu’ « il n’y a pas une Afrique, il y a des pays qui sont très différents les uns des autres, il n’y a pas de ‘réponse africaine’, il doit y avoir des réponses nationales qui tiennent compte des contextes divers, et bien sûr il faut qu’il y ait en plus une coopération entre les pays, il faut travailler ensemble. »
Deux semaines après la diffusion sur LCI d’un échange entre Jean-Paul Mira, chef de service de médecine intensive à l’hôpital Cochin et Camille Locht, directeur de recherche à l’Inserm qui s’interrogeaient sur l’opportunité de réaliser, en Afrique, les tests scientifiques liés au vaccin contre le Covid-19, le CSA a analysé un « défaut de maîtrise de l’antenne » et a donné un avertissement à la chaîne du groupe TF1 en la « mettant fermement en garde quant au renouvellement de tels faits. » Une proposition qui n’est pas sans rappeler les douloureuses expérimentations pratiquées en Europe lors de la Seconde Guerre mondiale. Pour Emile Boyogueno, l’heure des polémiques n’est pas venue : « Nous réglerons nos comptes quand nous aurons gagné la bataille, ce n’est pas le moment de gâcher du temps et de l’énergie à se disputer. Allons-y ensemble, l’épidémie est là, il y a déjà trop de morts, trop de malades. »