En conseil des ministres, les membres du gouvernement ont annoncé une myriade de mesures économiques qui iront directement dans la poche des Français. Les soignants et les plus démunis sont plébiscités.
Les modalités resteront « à préciser ». Tels ont été les termes répétés par les différents membres du gouvernement, et notamment Edouard Philippe, le premier ministre, tout au long de la séance de questions au gouvernement du mardi 14 avril. Des réponses étaient donc attendues en conseil des ministres hier. Olivier Véran, ministre de la Santé, a notamment confirmé la mise en place d’un grand plan d’aide aux professionnels de la santé et en a esquissé les premiers contours sur le court terme.
Il a d’abord annoncé un dépassement de l’ONDAM (objectif national des dépenses de l’assurance maladie) à hauteur de 7% pour 2020, ainsi que les chiffres des patients atteints du Covid-19 : 32 000 en hôpital et 1 500 en réanimation.
Dans les départements lourdement touchés par l’épidémie, 30 selon Olivier Véran, tous les soignants se verront verser une prime, défiscalisée et désocialisée, de 1500€ au cours du mois de mai. Cette gratification s’accompagne d’une majoration de 50%, exonérée de toutes charges, des heures supplémentaires effectuées par le personnel de santé. « Une somme qui atteint les 2 000€ lorsque que l’on additionne toutes ces aides », comme l’a souligné Olivier Véran. En dehors des zones les plus touchées, les soignants percevront, à partir de mai, une prime de 500€, ainsi que la même majoration de leurs heures supplémentaires.
Cela représente un coût de 1,3 milliard d’euros pour l’Etat, qui sera amplifié par l’aide apportée au secteur médico-social, notamment pour les EHPAD et les aides à domicile, qui fera évidemment partie du grand « plan de revalorisation » des services de santé, annoncé par le président de la République et prévu par le gouvernement, qui le communiquera prochainement après une série de négociations.
Le Maire et Darmanin mettent la main à la poche
Alors que le gouvernement prévoyait un plan d’urgence à hauteur de 45 milliards d’euros mi-mars, les ministres ont revu à la hausse le chiffrage, avec un plan d’une « ampleur exceptionnelle » de 110 milliards d’euros, qui rentre dans un nouveau projet de loi de finances rectificative. Comme l’a précisé le ministre de l’Action et des Comptes Publics Gérald Darmanin, il s’agit d’un « plan d’urgence, et non pas d’un plan de relance », qui lui, interviendra au sortir de la crise.
Plus précisément, le chômage partiel, qui concerne 8,7 millions de salariés, concentre près de 24 milliards d’euros dans cette mesure d’urgence. 8 milliards d’euros seront également alloués aux dépenses exceptionnelles de santé comme l’achat de matériel médical.
Gérald Darmanin a annoncé une prime d’état défiscalisée pour les fonctionnaires, plafonnée à 1 000€, ainsi qu’une ordonnance permettant l’utilisation des congés payés pour compenser les pertes liées à la crise sanitaire. En début de semaine, Bruno le Maire a déclaré qu’il était « préférable » que les Français prennent leurs congés payés durant le confinement « afin que notre économie redémarre » avant la fin de la crise.
Le fonds de développement économique passe de 75 millions à 1 milliard d’euros, il a vocation à soutenir les entreprises de taille intermédiaire avec un prêt direct de l’état, afin d’améliorer la situation actuelle et permettre une restructuration de ces dernières. Les PME ayant besoin de trésorerie pour redémarrer leur activité pourront également bénéficier d’une avance remboursable de l’Etat, 500 millions d’euros sont prévus en ce sens.
Les travailleurs indépendants, qui appelaient à davantage de mesures, ont été servis. Le soutien aux entrepreneurs passe de 1 à 7 milliards d’euros avec de nouvelles entreprises éligibles. Ces aides se divisent en deux étages pour les 917 000 demandeurs : le premier palier reste à 1 500€, tandis que le second passe de 2 000 à 5 000€. Le point de référence pour calculer la perte du chiffre d’affaires se calculera désormais, non plus sur mars 2019-mars 2020 mais sur l’ensemble de la crise sanitaire, par rapport à l’ensemble de l’année 2019. Les primes de précarité seront payées à hauteur de 900 millions d’euros.
Le Premier ministre a également annoncé une aide de 150€ pour les familles les plus démunies. Les ménages qui touchent le RSA (revenu de solidarité active) ou l’allocation de solidarité spécifique (ASS) pourront en bénéficier. 100€ supplémentaires seront versés pour chaque enfant au sein du foyer. Les ménages qui bénéficient d’allocations pour le logement toucheront quant à eux une aide de 100€. Quatre millions de foyers français vont percevoir ces mesures d’aide d’urgence.
Bruno le Maire a également donné les prévisions du PIB pour l’année 2020, qui pourrait reculer de 8%. Il a donc expliqué que le déficit public devrait atteindre 9% du PIB, et la dette publique 115% du PIB.
Absence de précisions
Si de grandes mesures économiques ont été reçues, les Français attendaient davantage de précisions, notamment au sujet des conditions de déconfinement, que le gouvernement avait promis d’étayer aujourd’hui en conseil des ministres, lors des questions à l’assemblée nationale mardi. L’on pouvait au moins espérer entrevoir les prémices des conditions de la période progressive de déconfinement annoncée, en attente du plan complet d’ici quinze jours. Il n’en est rien.
Après l’annonce de la date du 11 mai comme objectif pour une sortie de confinement, le député La France Insoumise, Alexis Corbière, a interrogé mardi lors des questions au gouvernement le ministre de la Santé, au sujet de l’avis du conseil scientifique vis-à-vis de l’échéance fixée. Olivier Véran ayant botté en touche, des questions à ce sujet ont été posées à la porte-parole du gouvernement hier à la suite du conseil des ministres. Mais Sibeth Ndiaye, comme à son habitude, a aussi usé de la langue de bois, lorsque le journaliste présent au compte-rendu du conseil des ministres a soulevé la même interrogation qu’Alexis Corbière.
Pour Sibeth Ndiaye, « une décision politique est une décision qui est politique », ce n’est pas à la porte-parole du gouvernement de « préempter » la décision du conseil scientifique. Pour un verdict aussi important que la date de déconfinement, il apparaît inédit que le conseil constitué par le gouvernement, qui est normalement « régulièrement consulté », ne soit pas sollicité dans le cas présent.
Le gouvernement ne semble donc pas enclin à répondre à l’intégralité des questions des Français. En réponse à une interrogation mardi à l’assemblée, Olivier Véran a cité Voltaire en soulignant que « le risque d’ennuyer, c’est de vouloir tout dire », il est certain qu’en période de confinement, les Français ne risquent pas de s’ennuyer.
Etudiant en deuxième année d'école de journalisme, passionné par sa vocation, et par le sport, en particulier par le tennis. Entre analyses, enquêtes ou reportages, mon fil d’Ariane est d'exposer ce que l'on ne voit pas forcément au sein de notre société.